Je me rappelle bien une phrase de l’ex-premier ministre français, Monsieur Bérégovoy : avoir un diplôme, c’est bien, mais avoir une pensée seine, c’est mieux. Cette phrase correspond à peu près un dicton khmer : dix hommes de savoir (diplômé au sens cambodgien) ne valent pas un homme de bon sens. Le diplômé représente la connaissance et l’application tandis que l’homme de bon sens représente l’esprit pragmatique. Le diplôme, c’est la technique et le bon sens, c’est la politique.
Il faut raisonner à partir de la réalité. Depuis l’indépendance, le 9 novembre 1953, à ce jour, c’est-à-dire plus de cinq décennies, le Cambodge est toujours classé dans la catégorie des pays sous-développés. Dans ce cadre, les ressources humaines formées dans le domaine de l’économie ne manquaient pas au Cambodge, contrairement ce que les gens pensent. Des centaines des Cambodgiens ont été formés dans les différentes universités nationales : Ecole Royale d’Administration, faculté des Sciences Economiques et des Droits, Faculté d’Agronome, Ecole des Travaux publics, Faculté de Médecine, etc. Les programmes étaient adaptés aux besoins du pays. Ces hommes étaient donc capables de faire bouger l’économie, s’il existait un peu des dirigeants de bon sens dans le pays. Que puissent-ils faire plus, les diplômés de l’HEC, de l’ESSEC, des Sciences Po, des docteurs en économie dans un Cambodge dont l’environnement politique pour le développement est inexistant. Il ne faut pas oublier que les dirigeants des Khmers Rouges étaient formés par les meilleures universités de France et la majorité des cadres exécutifs étaient des enseignants formés à l’Ecole Normale au Cambodge. Mais ces hommes produisaient plus des cadavres (2 millions de mort) au nom de leur révolution utopique que la richesse du pays. Ces universités crées par le Prince Sihanouk était donc comme un coup d’épée dans l’eau et comme aussi la lumière allumée pendant la nuit pour les aveugles parce qu’elles ne formaient pas réellement des jeunes à travailler, mais à servir un régime qui les empêchait de travailler. Sans avoir un but de travailler réellement, ces jeunes n’avaient même pas « la main invisible ».
Qu’est-ce que c’est la main invisible ? C’est Adam Smith qui a utilisé le premier concept de la main invisible. En 1776, il écrivait que chaque individu travaille dans un seul but : accroître son propre gain mais, en faisant cela, «il est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n’entre nullement dans ses intentions ; et ce n’est pas toujours ce qu’il y a de plus mal pour la société, que cette fin n’entre pour rien dans ses intentions. Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent d’une manière bien plus efficace pour l’intérêt de la société, que s’il avait réellement pour but de travailler».
Les besoins en ressources humaines dans le Cambodge d’aujourd’hui sont des hommes de bon sens. Le Cambodge peut former ses propres cadres avec des programmes adaptés à son environnement, c’est question de la volonté politique. Il faut avoir le courage de s’attaquer au vrai problème du pays qui paralyse son développement : la corruption. Les experts en développement de l’ONU et des pays développés sont nombreux pour aider le Cambodge. Ils sont armés de diplômés et des expériences, mais ils sont impuissants devant ce fléau. Pourquoi ? Voilà une belle question que personne n’ait une réponse.
La société khmère est comme le vin qui vieillisse plutôt bien. Le fait qu’elle ait absorbé un séisme social, un séisme historique, la révolution sanglante de Pol Pot, montre qu’elle possède une capacité de résistance importante. Or, la première qualité que l’on demande à la société, c’est d’absorber les chocs et de tenir. Avec un peu de bon sens, je suis sûr qu’elle pourrait empêcher le Vietnam d’être maitre de son destin.