Éditorial MOULKHMER
J’ai décidé de publier les éditoriaux de Moulkhmer, un éditorial par semaine, dans mon blog. Ces éditoriaux ont été écrits en langue française et publiés dans la revue Moulkhmer durant des années 1990 à 2000. Cette publication a un seul but : Rendre hommage à ceux et celles qui se battaient pour la liberté du peuple khmer.
MOULKHMER (Mouvement pour le soutien de la liberté khmère) était un mouvement politique créé par M. Sim Var, homme politique khmer.
Moulkhmer n° 121, Mai, Juin 1990
Incorrigibles factions
Comme on pouvait s’y attendre, la rencontre Sihanouk-Hun Sen à Tokyo les 4 et 5 Juin, avec Khieu Samphân et Son Sann dans les rôles de simples figurants, n’a produit aucun résultat concret. Il y a bien eu sans doute un communiqué commun signé (le 5 juin) par le Prince et Hun Sen, mais il n’exprime que des vœux pieux et n’engage à rien ses deux signataires. Il les engage d’autant moins, d’ailleurs, que les chefs des deux autres factions ne l’ont pas signé et sont restés à l’écart. Il s’agit donc bien, une fois encore, d’un fiasco complet – le communiqué en question n’étant destiné qu’à sauver les apparences.
La rencontre de Tokyo, organisée par le Japon avec une active participation de la Thaïlande, avait pourtant un objectif précis : parvenir à la conclusion d’un cessez-le-feu, qui aurait mis fin aux combats entre les factions cambodgiennes et permis à l’O.N.U. de jouer enfin son rôle sur le terrain pour le rétablissement de la paix. Mais le cessez-le-feu espéré s’est avéré irréalisable, puisque la faction des Khmers Rouges (tacitement appuyée par celle de Son Sann) n’a pas la moindre intention de déposer les armes. Personne n’ignore, en effet, que les Khmers Rouges veulent poursuivre les combats et qu’ils misent sur un pourrissement de la situation pouvant amener, à moyen ou long terme, la chute de l’actuel régime de Phnom-Penh. Les récents entretiens Sihanouk-Hun Sen à Tokyo n’avaient ainsi aucun sens. Du reste le Prince, qu’il l’admette ou non, est toujours l’allié des Khmers Rouges (tout comme Son Sann). À quoi pouvait servir alors sa signature à côté de celle de Hun Sen, au bas d’un communiqué dont personne ne tiendra compte ?
Ce que l’on retiendra surtout de cette dérisoire péripétie du début de juin, c’est que les 4 factions cambodgiennes sont toujours aussi incapables de parvenir entre elles à un accord véritable pour ramener la paix au Cambodge. Aucune d’elles ne parait se soucier en priorité du sort du peuple khmer, condamné à subir encore une guerre civile dont la stupidité criminelle – dans un pays ruiné et à bout de souffle – devient chaque jour plus évidente. Mais il est vrai que ces diverses factions ne sont que les instruments d’intérêts étrangers opposés. Et si elles ne l’étaient pas, si elles agissaient réellement par elles-mêmes, cela ne modifierait pas non plus la situation. Elles ont en effet assez montré, les unes et les autres, que leur principal objectif était le contrôle du pouvoir avant tout – ce pouvoir à conquérir, partager ou conserver était leur positions respectives – et qu’ainsi elles se souciaient fort peu de l’intérêt national proprement dit.
Dans ces conditions il apparait clairement qu’une juste solution du problème cambodgien, ramenant une paix durable dans le pays et assurant à son peuple la liberté, ne pourra jamais venir de ces factions. Cette solution doit donc être recherchée ailleurs, et même au besoin être imposée de l’extérieur. Et c’est là que l’O.N.U, les grandes puissances et les divers pays qui se disent concernés par le sort du Cambodge ont un rôle important à jouer. Un rôle qui, en fait, pourrait être déterminant – sous réserve d’un consensus auquel, malheureusement, une puissance au moins continue de faire obstacle. Car la Chine communiste, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, ce qui concerne le Cambodge. Cette obstination chinoise bloque tout règlement négocié, jusqu’à présent du moins.
Mais les 5 grandes puissances, qui ont tenu déjà quatre réunions à huis-clos sur le Cambodge depuis le début de l’année, doivent, en principe, se réunir de nouveau le 9 juillet à Paris. Peut-on espérer qu’elles se mettront enfin d’accorder sur une solution équitable, et pour l’imposer – si nécessaire – aux 4 factions cambodgiennes ? On voudrait l’espérer, mais rien n’est moins sûr actuellement. Ce qui est sûr par contre, si les choses restent dans leur état présent, c’est que la situation sur le terrain va continuer de se pourrir et que le temps travaillera pour les Khmers Rouges. Beau résultat, en vérité, après des années de palabres à tous les niveaux !...
Il faut donc souhaiter que la raison, à défaut de la compassion pour le peuple khmer, finisse enfin par triompher. Dans ce cas l’amorce d’une solution serait facile à trouver : cessation de tout soutien extérieur, militaire et financier, aux diverses factions cambodgiennes qui seraient bien obligées alors de cesser leur guerre civile absurde et suicidaire. Il ne resterait plus ensuite qu’à les tenir à l’écart de toute négociation, jusqu’à ce que l’O.N.U. ait pu mettre en place au Cambodge un dispositif approprié pour administrer elle-même le pays temporairement. Puis viendraient, dans une phase ultérieure, des élections rigoureusement contrôlées pour permettre au peuple khmer de pouvoir enfin s’exprimer librement.
En dehors de cette voie, il existe pour le Cambodge point de salut, et tout autre processus ne pourrait engendrer que de nouvelle tragédie. Surtout si l’actuelle confrontation armée entre les Khmers Rouges (toujours cautionnés par Sihanouk et Son Sann) et le régime de Phnom-Penh devait se poursuivre encore pendant des mois - comme le Prince l’a lui-même déjà laissé prévoir. Cette confrontation prolongée aboutirait inévitablement à un véritable suicide du Cambodge. Il est donc désormais, plus que jamais, du devoir de l’O.N.U. et de la communauté internationale de s’y opposer fermement. Si tel n’était pas le cas, il faudrait alors abandonner toute espérance. Mais l’Histoire retiendrait la responsabilité accablante de ces factions qui, par leur acharnement à se disputer le pouvoir, auraient amené la ruine définitive de leur pays et sa disparition en tant que nation.
Il est évident, en effet, qu’une éventuelle victoire des Khmers Rouges sur le gouvernement Hun Sen – la seule faction qui s’oppose à eux – provoquerait fatalement, tôt ou tard, une nouvelle intervention des forces du Vietnam communistes au Cambodge. Puisse l’avenir nous épargner cela !...
MOULKHMER