L’obsession d’« Antivietnamien » ?
L’obsession d’antivietnamien est-elle une valeur ?
Récemment j’ai lu un courriel d’un compatriote, adressé à sa communauté de pensée, dans lequel il écrit ceci : S’il fallait faire une autre guerre contre le Vietnam pour libérer le Cambodge, pourquoi pas ?
J’aime bien partager cet esprit coloré du patriotisme sincère, parce qu’il était le mien, mais je suis triste aujourd’hui de l’entendre, parce que ce propos ne représente pas la valeur de la pensée réfléchie khmère. On me dit souvent que nous, Khmers averti, ne connaissons pas assez l’histoire du Vietnam. Oh non ! Nous la connaissions très bien, parce que nous vivions dans son histoire depuis les siècles durant : L’annexion du Champa, du Kampuchéa Kron s’incruste dans notre mémoire collective. En revanche ce que nous ne connaissions pas assez, c’est plutôt notre propre histoire : Nos forces, nos faiblesses, notre pensée, notre histoire tout simplement, parce qu’elle tout temps manipulée par les hommes du pouvoir depuis la nuit des temps. Il n’y a pas de vérité dans notre mémoire, il n’y a que de façon de voir. Le pourquoi, la date du 7 janvier 1979 est un sujet de controverse entre les Khmers. Les vainqueurs d’aujourd’hui perçoivent ce jour comme date historique, quant aux nationalistes khmers, ils le comprennent comme journée catastrophique pour la nation. Dans ce débat, les deux parties sont convaincus d’avoir raison, parce que toutes deux de bonne foi, mais cette affaire apporte-elle quoi de plus à la vérité ? Parce qu’il n'y en avait qu'une seule vérité que nous ne pouvions pas la renier : Il fallait qu’un pays se lève pour mettre fin à l’un des drames les plus insupportables de l’histoire de l’humanité. Pour renier à cette vérité, il faut que nous arrivions à expliciter les autres options de libération du peuple khmer de l’enfer khmer rouge par lui-même sans aide extérieure. Je ne dis pas que le peuple khmer fût libéré par l'armée vietnamienne, parce que la suite, tout le monde le savait, que le Cambodge a été occupé pendant dix ans par cette force. Après, il y a eu le 23 Octobre 1991, date à laquelle, l’ONU s’engageait à mettre fin à la guerre fratricide au Cambodge et à aider le peuple khmer à retrouver le chemin de la démocratie. Est-ce que c'est aussi la faute du Vietnam, même nous savions que son ambition à l’égard de notre pays est connue, si nous avons raté une occasion unique de faire entrer le Cambodge dans l’ère de la démocratie ? Pendant la durée du mandat de l’ONU, nous avions la possibilité par la cohésion sociale de bénéficier des fruits de la paix et de la liberté. Mais, la vérité à mon sens, c’est que nos dirigeants de tous les partis, à ce moment-là, ont privilégié leurs pouvoirs personnels sur la démocratie. Nous pouvons presque parler, ici, de trahison des élites de la mission que le peuple leur confie. Une partie des gens, qui dirigeaient le Cambodge à ce moment-là, n’avaient absolument rien fait pour promouvoir la démocratie.
L’obsession d’antivietnamien nous amènerait dans un terrain miné de frustration, si elle était évoquée uniquement pour exprimer notre nationalisme. Le vocabulaire « nationalisme » depuis des élections de 1993 ne faisait pas de recettes aux partis qui portaient son nom. Ce mot est vide de sens et le peuple khmer ne saurait même pas aujourd’hui qu’il représente quoi au juste comme valeur. Antivietnamien ? Anti-Hun Sen ? L’amour de la patrie ? Les intérêts de la nation ? Ceux-ci sont implicites. Il est difficile d’identifier leurs valeurs précises. Notre gesticulation du nationalisme culturel se manifeste depuis des siècles : Le même air d’antivietnamien pour aguicher notre patriotisme. La philippique de certains de nos compatriotes contre l’impérialisme vietnamien est sans doute justifiée, mais qui ne permette pas de mobiliser l’opinion internationale, parce que dans le monde d'aujourd'hui, ce langage soit peu ragoûtant. Le Cambodge n’ait rien à gagner dans ce discours violent, parce qu'il n'ait pas de force pour adosser sa détermination martiale. Il va falloir imaginer autres choses pour que notre nationalisme soit audible. Nous le savons bien que dans le combat de maintien de la nation khmère, ce n'est pas un combat d'esprits, c'est aussi gagner les cœurs des Khmers et des peuples du monde. Tant que nous n'arrivions pas à trouver d'autres moyens et d'autres méthodes pour défendre notre nation, celle-ci soit toujours menacée, d'abord par notre propre archaïsme et ensuite par la mondialisation.
Antivietnamien constitue-t-il une valeur de rassemblement des Khmers ? Dans des siècles passés, pendant la république khmère et aujourd’hui encore, il ne présente pas aujourd’hui un slogan mobilisatrice de nos compatriotes. En revanche, il y aurait dans la pensée de chaque khmer une antipathie vis-à-vis des Vietnamiens. Mais cette antipathie, n’est pas du racisme. Elle est née au départ du choc de cultures entre les deux peuples, ensuite des guerres entre les deux nations et enfin de l’occupation de la terre khmère par le Vietnam. Ces trois éléments constituent au fil des siècles une force de suspicion permanente entre ces deux peuples qui sont condamnés toutefois à vivre côte à côte. Le Kampuchéa Krom (Cochinchine) est pour nous une image de l’impérialisme du Vietnam. Il s'inscrit dans notre mémoire. En effet, ce droit de mémoire est un devoir de tous les Khmers. Mais ce droit ne soit sûrement pas un obstacle infranchissable à surmonter dans des différends entre deux nations de voisinage : Problèmes de l’immigration incontrôlée, des frontières, le respect des droits de nos compatriotes Khmers Krom. Notre droit de mémoire ne soit non plus dévoyé en haine raciale. À mes yeux, cette haine n'est plus une force mobilisatrice des Khmers, parce que nous ne sommes plus un peuple homogène. Il faut accepter qu'aujourd'hui, 30 à 40 % des jeunes khmers sont nés des parents d'origine étrangère, chinoise, vietnamienne, française, américaine etc. Les discours des colifichets de supériorité de notre peuple ne convainquent plus personne, parce que la réalité est là. Depuis plusieurs siècles déjà, le modèle khmer est rétif. Notre pays se rétrécissait comme une peau de chagrin. De l'Empire à l'État perfusé d'aides pour survivre, il aurait besoin plus de cohésion sociale dans la société d'aujourd'hui qu'un dilettantisme. La vérité est que nous désirions être supérieur et mirobolant, mais est-ce pourrions-nous les prouver ? L'avenir de notre pays dépendait de notre capacité à nous ouvrir au monde, à ne pas nier la réalité, à ne pas prétendre offrir à notre peuple un modèle utopique, tel que celui d'Angkor. Je suis convaincu qu'un langage de vérité inciterait les Khmers à se mobiliser autour d'un projet réaliste. Nous n'avons d'autre issue aujourd'hui que de changer nos habitudes.
L’obsession d’antivietnamien nous enfonce dans une position défensive en permanence. Tout est faux venant du Vietnam pour nous. Les échanges économiques entre les deux nations sont vus aussi comme un danger. Ces échanges en fait ne représentent pas un danger pour notre nation, s’ils le font dans le respect des intérêts mutuels entre les deux pays, ils constituent au contraire un facteur de progrès économique pour notre pays. Le danger n’est pas dans les échanges économiques, il est plutôt dans la capacité de nos dirigeants à défendre les intérêts du peuple khmer dans le monde où il n’y a plus de frontières économiques entre les nations. Le Vietnam profite sans doute de la faiblesse du Cambodge. Mais, nous le savons bien que dans ce monde actuel, les plus riches profitent toujours les plus pauvres. On investit au Cambodge, en Bangladesh ou ailleurs dans le monde, parce que les mains d’œuvres dans ces pays sont moins chères ou il y a quelques choses à gagner. Au nom de realpolitik, le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique n’hésite pas de faire du commerce avec la Chine communiste. Comment imaginer qu’un petit pays comme le nôtre puisse embrasser la complexité d’un monde chamboulé sans être passé par la solidarité régionale, où se définissent tous les grands projets économiques et commerciaux ? Nous répétons toujours la même chose ce qu’il en est la domination vietnamienne, pas ce qu’il faut faire du Cambodge. Notre conception de la nation est "nation-race", laquelle ne s'adapte plus au monde sans frontière d'esprits et de progrès techniques de toutes natures. Pour suivre cette évolution, il va falloir inventer une notion à la vision française de la "nation-choix collectif" (mot inventé par le journaliste français Prévost-Paradol au XIXe siècle), parce qu'elle répond à la réalité de notre pays d'aujourd'hui. Je ne dis pas qu'il faut accepter ce qu'il n'est pas acceptable : baisser les bras devant l'ambition du Vietnam qui est par nature, impérialisme, nation de trois ky. Pour y faire face, il faut que le nombre des Khmers doit s'augmenter assez rapidement, écrit Noun Khoeun, historien khmer (Indochine en l'an 2000), pour maintenir un certain équilibre entre notre population et celui du Vietnam et la Thaïlande. Il faut que notre économie se développe et s'intègre dans l'économie régionale et mondiale. Trois chorus pour notre pays : Production, éducation nationale et redistribution.
J’ai lu un courriel d’un jeune compatriote, adressé à son groupe de pensée : Il faut boycotter de lire tous les articles provietnamiens ou pro-hun sen ou opposés aux siens. Au contraire, il faut les lire davantage pour comprendre les autres opinions qui sont contraire aux siens. Je lis toujours en dernier des articles de mes amis. Et je lis deux fois ceux qui ne sont pas d’accord avec mes idées. Comme dit un sage chinois : Connaître bien l’ennemi, est déjà la moitié de la victoire. L’obsession d’antivietnamien ne devrait pas s’inscrire dans la voie de rejet total tout ce qui vient du Vietnam : Sa pensée, son économie, ses modèles de l’organisation de sa société, sa politique etc. J’ai relu les ouvrages parus en histoire politique khmère ces trente dernières années. Aucun ne parle pas le modèle khmer. Pourquoi ? Parce qu’il n’existe pas. Nous pensons, nous, que les problèmes de déclin khmer découlent de la politique d’expansion du Vietnam et la Thaïlande faits depuis toujours. Nous croyons aussi qu’il est possible de retrouver la gloire khmère, à condition de renouer avec l’esprit de modèle de l’Empire d’Angkor. Je crois plutôt que le mal khmer soit la conséquence de la gestion du pays de nos dirigeants politiques de toutes les époques. Il faut se souvenir de ce qu’il s’était passé dans l’histoire de notre pays. Le dernier souvenir est le délire de flagellation nationale de Pol Pot, en pensant : Il faut prouver coûte que coûte que le peuple khmer être aussi bon que des Vietnamiens et il y a donc raison de lui forcer à travailler comme des bêtes. Pol Pot en a fait une question idéologique. Cette idéologie meurtrière m'ait rendu plus réaliste et au moins idéaliste face aux problèmes de mon pays.