La Queue-en-Brie le 14 mars 2012
Douc Rasy à Monsieur OU Chal, Président de la Révolution Khmère du Lotus,
Cher Chal,
En recevant votre appel à tirer des enseignements de la tragédie que nous avons vécue dans les dernières années du siècle précédent, je suis heureux de vous communiquer l’annexe suivante en soulignant que vous êtes l’un des rares à chercher à connaître tous les causes et effets en vue de remonter la pente du déclin. Persévérez toujours dans cette voie et vous en serez récompensé.
1°- D’abord votre lettre (p.1) OCh : Sihanouk pousse le Cambodge dans un gouffre…L’a-t-il fait sciemment ? Ma réponse est OUI, puisque cela a duré depuis la conférence de Bandung (1955) où dans sa lettre du 17 janvier 2007, il avoua avoir aidé de multiples façons le VN à réaliser sa réunification nationale (qui ne pourra se réaliser qu’au détriment du Cambodge) ; et dans ses multiples discours, il ne cessait de répéter que le Vietnam a l’intention d’avaler le Cambodge ; d’ailleurs, il précisa qu’il s’agissait de la réunification du Nord, du Centre et du Sud Vietnam (p. 3 NS).
2°- p.4 NS … ma solidarité totale avec mes aides multiformes aux Viêt-Cong et Nord vietnamiens dans l’accomplissement de leur devoir sacré : la libération du Sud Vietnam.
3°- en p.2 Och, NS aide clandestinement les Viêt-Cong à vaincre le Sud Vietnam.
En réalité :
Le 1er pas dans cette secrète politique a été faite à Pékin le 25 novembre 1965 quand il était en visite avec le Gal. Lon Nol ; il força alors Lon Nol à signer un accord secret par lequel, le Cambodge s’engage à accueillir et à protéger les combattants communistes
vietnamiens dans les régions frontalières et à permettre le passage de matériel en provenance de Chine et destiné aux combattants vietnamiens (Les Clefs du Cambodge p.65). C’est le commencement de la trahison effective de NS.
Le 2ème pas dans cette trahison, c’est quand NS expulsa les contrôleurs de la Conférence de Genève en 1969, non pas pour mener librement sa politique (car, il n’avait plus de politique), sauf à revenir sur la Conférence de Genève qu’il avait déjà trahie en faisant cohabiter les VC (avec les délégués chargés de les expulser) mais pour favoriser les desseins des VC et NVN qui, dès lors, se comportaient dans l’est cambodgien comme en pays conquis.
Le 3ème pas dans cette trahison accomplie le 22 mars 1970, lorsque, au lieu de retourner à P. Penh comme l’avait suggéré Podgorny du Soviet Suprême de l’URSS, il prit l’avion pour Pékin où il rencontra Chou Enlai et Pham Van Dong avec lesquels, il fit un plan pour abattre le Cambodge, son propre pays par une armée portant son nom, le 23 mars.
Son insensibilité aux malheurs du peuple cambodgien qui supporte de plus en plus mal cette guerre entre d’une part les coalisés Viets, Khmers Rouges et Polpotistes et de l’autre, les défenseurs du Cambodge, le Général Lon Nol demanda une trêve ; NS rejette la proposition dans les heures qui suivent en disant : je ne rentrerais à P. Penh que si toute la population en était chassée (le 9 juillet). Le 9 octobre Lon Nol réitéra son offre, mais toujours sans succès (les clés du Cambodge p.75). C’était là, la condition sine qua non de son retour au Cambodge, condition respectée contre vent et marée par les Khmers Rouges de tous bords et en toutes circonstances.
Lorsque le 17 avril 1975, les Khmers Rouges, dirigés par les Viêt-Cong entrèrent dans P. Penh, toute la population de la capitale et d’autres villes, chassée de leurs domiciles par les vainqueurs, devait errer sans savoir où s’arrêter ou s’abriter. NS, au lieu de savourer sa
victoire, disparut et ne revint que six mois plus tard pour présider un Conseil des Ministres des Khmers Rouges, avant de quitter précipitamment P. Penh pour aller défendre les Khmers
Rouges à l’ONU; mais, même rentré des Nations Unis et avant de retourner dans ses terres d’exil, en Chine ou en Corée du Nord, il n’avait aucun mot pour dire aux dirigeants KR de cesser leur abominable traitement d’une population dépouillée de tout, en proie à la faim, à une misère sans fin ; pourtant les KR l’avaient nommé chef de l’État. Était-il déjà complice de la punition infligée aux gens qui n’avaient pas quitté les villes pour les abris des KR ?
L’on se demande alors s’il n’était qu’un chef d’État de pacotille. La suite prouve que ses KR obéissaient totalement à sa terrible condition de ne rentrer que dans une capitale vide de ses habitants. Dès lors, celle-ci n’était défendue par personne ; c’est pour le Cambodge, une abdication de sa qualité d’État indépendant et souverain. C’est ce qui expliquera plus tard sa prise par une promenade militaire des soldats vietnamiens.
Pour conclure sa lettre du 17 janvier 2007, il reconnaissait : « A tous ces égards, je me comportais en aveugle et idiot. Mais on ne refait pas l’Histoire ». En réalité NS n’était nullement aveugle des yeux ; mais il fait souvent, mine de ne pas voir ce qu’il ne veut pas voir et à force de jouer à l’aveugle, il devient idiot souvent sans le savoir. C’est là une première leçon pour ceux qui aspirent à diriger un pays.
Que penser alors de la chute tranquille d’un État qui avait connu ses heures de gloire encore récemment, lorsqu’en 1954, la Conférence de Genève le jugeait encore assez solide pour résister à l’agression et dont l’indépendance mérite d’être constatée par des agents de statut international. Mais elle ne savait pas que le ver est dans le fruit ou pour utiliser une expression khmère, Que quelqu’un de l’intérieur donne une main traîtresse à l’extérieur ou, dans la langue khmère : Oy day pi khnong.
Le problème pour tout Cambodgien qui veut relever son pays de la ruine est d’empêcher un seul dirigeant de disposer de la totalité de la politique de son pays. À cette fin, il faut qu’il se débarrasse une fois pour toute de :
1°- l’idée qu’il existe sur terre un homme prédestiné à qui la société tout entière peut confier tout son avenir ; autrement dit, il faut bannir à jamais la théorie du Maître de toutes
vies, trônant sur la tête de ses sujets et maître des pensées de ces derniers.
2° - l’idée que les gouvernants peuvent pratiquer en toute chose, la politique du secret d’État, même quand il s’agit d’une question d’intérêt public, comme notamment l’intégrité du territoire national. Pour ce faire, il faut qu’ils apprennent à recourir à un système de travail en groupes spécialisés, chacun étant responsable d’une question. S’ils renâclent à le faire, le public doit prendre la relève par tous moyens d’alerter l’opinion publique. Il faut que nous soyons conscients de la force d’une parole bien ciblée sur l’objectif et non dérapée sur l’individu.
Autrement dit, il faut passer d’un système féodal à un système bureaucratique dans sa pureté où chaque question de la compétence d’un bureau sera examinée entièrement par ce bureau (ou dans des cas compliqués par un collectif de bureaux) : de la cause jusqu’aux effets ; c’est à dire des tenants aux aboutissants, sans négliger aucun intermédiaire.
À présent, les États européens sont arrivés à passer du système féodal au système bureaucratique et par suite, ont abouti à assurer leur pérennité, même en l’absence d’un chef reconnu. Ce que d’ailleurs avait voulu Bonaparte au début de sa carrière politique.
Nous, Cambodgiens, il ne faut pas nous cramponner à un système anachronique qui nous avait fait tant de mal parce que nous voulons nous débarrasser, par fierté mal placée, d’un apport étranger et sommes arrivés à une impasse grosse d’un protectorat. Or un protectorat exercé par un pays limitrophe, évolue inévitablement vers l’anéantissement de notre identité nationale. La preuve est déjà faite à l’est comme à l’ouest, il est absolument inutile de contester cette évolution.