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2 juillet 2011 6 02 /07 /juillet /2011 04:13

Littérature, écriture et liberté

 

La littérature ici vise à tous les hommes qui, pour des diverses raisons, prennent la plume pour s’exprimer leur pensée. Ces gens sont des écrivains, des journalistes et des amoureux de la lettre qui vivent assez mal en général de leur plume. Dans tous les pays de démocratie faible, le Pouvoir considère depuis toujours la littérature comme une bête noire, car elle déclenche dans la plus part du temps les hostilités contre son système politique. La littérature contribue, en effet, à ébranler un système qui trouve sa justification dans la superstition et son fondement dans la préservation des privilèges et des pouvoirs d’une caste ou d’un groupe. Sa volonté de tout examiner, tout remuer s’inscrit dans un but d’améliorer et réformer l’ordre ancien pour le bien être des hommes et de l’humanité. Jean d’Ormesson écrit : « La littérature et le pouvoir ne se rencontrent guère. Il y a plus souvent entre eux une incompréhension qui peut aller jusqu’à antipathie, et parfois la haine. Le pouvoir est du côté de l’ordre et de responsabilité ; la littérature, du côté de désordre et de irresponsabilité. Le pouvoir commande, la littérature désobéit. Le pouvoir incline tout naturellement à sa perpétuation ; la littérature, à sa renouvellement ».

Et nous le savions qu’au XVIIe siècle,  pour ramener la littérature du côté du pouvoir au lieu de laisser s’agiter contre lui, le cardinal de Richelieu avait créé l’Académie française.

 

En occident, le mot « littérature » prend au XVIIIe siècle son sens moderne mais le livre est encore, à cette époque, un produit rare réservé à une élite sociale et intellectuelle de lettrés et de savants. Le XIXe siècle marque à cet égard une rupture capitale. On assiste tout d’abord à un développement considérable de l’instruction. Dès lors, le livre, même s’il reste assez couteux et ne concerne qu’une minorité de la population, devient un objet de consommation plus courant pour un public de lecteurs toujours plus large.

 

M. Keng Vannsak, un intellectuel khmer  écrit : « toute Littérature se manifeste comme une Science des Problèmes Humains qu’elle essaie de répondre par des procédés esthétiques et selon chaque Société. Si minime soit-elle, une véritable compréhension des principales caractéristiques de la Littérature Khmère aide à éclairer non seulement ce qui est spécifiquement khmer, mais encore les insuffisances, surtout lorsque cette littérature prétend rester l’expression vivante de la société khmère, et devenir une Science Esthétique des Problèmes Humains, au milieu de ce XXe siècle ».

 

Au XXe siècle où le mot « liberté » est affiché comme l’idée maîtresse de la pensée humaine, laquelle enlève toutes les barrières que la raison n’aura point posée. Cet esprit humain de la vérité n’empêche pas à Jean Paul Sartre de se poser les questions suivantes : Qu’est-ce qu’écrire ? Pourquoi écrit-on ? Et pour qui ?

 

Qu’est-ce qu’écrire ?

Sartre définirait volontiers l’écrivain comme un parleur. Celui qui désigne, démontre, ordonne, refuse, interpelle, supplie, insulte, persuade, insinue. S’il le fait à vide, il ne devient pas poète pour autant. C’est un prosateur qui parle pour ne rien dire. La prose est d’abord une attitude d’esprit : il y a prose quand, pour parler comme Valery, le mot passe à travers notre regard comme le verre au travers du soleil. Il y a le mot vécu, et le mot rencontré. Mais dans les deux cas, c’est au cours de l’entreprise, soit de moi sur les autres, soit de l’autre sur moi. L’écrivain engage sa pensée dans ses actions. Il sait que sa parole est action ; il sait que dévoiler c’est changer. On ne peut dévoiler qu’en projetant de changer. L’écrivain est l’être qui ne peut même voir une situation sans la changer, car son regard fige, détruit, ou sculpte ou, comme fait l’éternité, changer l’objet en lui-même. Sans doute l’écrivain engagé peut-être médiocre, il peut même avoir conscience de l’être, mais comme on ne saurait écrire sans le projet de réussir parfaitement, la modestie avec laquelle il envisage son œuvre ne doit pas le détourner de la construire comme si elle devait avoir le plus grand retentissement. Il ne doit jamais se dire : « Bah, c’est à peine si j’aurai trois mille lecteur » ; mais « qu’arriverait-il si tout le monde lisait ce que j’écris ? ». Les mots pour l’écrivain engagé sont des « pistolet chargés ». S’il parle, il tire. Il peut se taire, mais puisqu’il a choisi de tirer, il faut que ce soit comme un homme, en visant des cibles et non comme un enfant, au hasard, en fermant les yeux et pour le seul plaisir d’entendre les détonations. On n’est pas écrivain pour avoir choisi de dire certaines choses mais pour avoir choisi de les dire d’une certaine façon. De cela, on est en droit de lui poser la question : pourquoi as-tu parlé de ceci – pourquoi veux-tu changer ceci plutôt que cela ? L’écrivain d’aujourd’hui ne doit pas en aucun cas s’occuper des affaires temporelles ; il ne doit pas non plus aligner des mots sans signification ni rechercher uniquement la beauté des phrases et des images : sa fonction est de délivrer des messages à ses lecteurs. Qu’est-ce donc qu’un message ? Jean-Jacques Rousseau, père de la révolution française et Joseph Arthur de Gobineau, père du racisme, nous ont envoyé des messages l’un et l’autre. Il faudrait opter pour l’un contre l’autre, aimer l’un, haïr l’autre. L’écrivain raisonne donc, qu’il affirme, qu’il nie, qu’il réfute et qu’il prouve, mais la cause qu’il défend ne doit être que le but apparent de leurs discours : le but profond, c’est de se livrer sans avoir l’air. Son raisonnement, il faut qu’il le désarme d’abord, comme le temps a fait pour ceux des classiques, qu’il le fasse porter sur des sujets qui n’intéressent personne ou sur des vérités si générales que les lecteurs en soient convaincus d’avance ; ses idées, il faut qu’il les donne un air de profondeur, mais à vide, et qu’il les forme de telle manière qu’elles s’expliquent évidemment par une enfance malheureuse, une haine de classe ou un amour incestueux. Qu’il ne s’avise pas de penser pour de bon : la pensée cache l’homme et c’est l’homme seul qui nous intéresse. L’écrivain doit s’engager tout entier dans ses écrits, et non pas comme une passivité abjecte, en mettant en avant ses vices, ses malheurs et ses faiblesses, mais comme une volonté résolue et comme un choix.

 

Pourquoi écrit-on ?

Sartre écrit que chacun a ses raisons : pour celui-ci, l’art est une fuite, pour celui-là, un moyen de conquérir. Mais on peut dans l’ermitage, dans la folie, dans la mort, on peut conquérir par les armes. Pourquoi justement écrire ? Un des principaux motifs de la création artistique, est certainement le besoin de nous sentir essentiels par rapport au monde. Cet aspect des champs ou de la mer, cet air de visage que j’ai dévoilé, si je les fixe sur une toile, dans un écrit, en resserrant les rapports, en introduisant de l’ordre là où il ne s’en trouvait pas, en imposant l’unité de l’esprit à la diversité de la chose, j’ai conscience de les produire, c’est-à-dire que je sens essentiel par rapport à ma création. Mais cette fois-ci, c’est l’objet créé qui m’échappe : je ne puis dévoiler et produire à la fois. La création passe à l’inessentiel par rapport à l’activité créative. Mais il va de soi que nous avons d’autant moins la conscience de la chose produite que nous avons davantage celle de notre activité productrice. Si nous produisons nous-mêmes les règles de production, les mesures et les critères, et si notre élan créateur vient du plus profond de notre cœur, alors nous ne trouvons jamais que nous dans notre œuvre : c’est nous qui avons inventé les lois d’après lesquelles nous la jugeons ; c’est notre histoire, notre amour, notre gaieté que nous y reconnaissons ; quand même nous la regarderions sans plus y toucher, nous ne recevons jamais d’elle cette gaieté ou cet amour , nous les y mettons ; les résultats que nous avons obtenus sur la toile ou sur le papier ne nous semblent jamais objectifs ; nous connaissons trop les procédés dont ils sont les effets. Ces procédés demeurent une retrouvaille subjective : ils sont nous-mêmes, notre inspiration, nous répétons mentalement les opérations qui l’on produit, chacun de ses aspects apparaît comme un résultat. Ainsi dans la perception, l’objet se donne comme l’essentiel et le sujet comme l’inessentiel ; celui-ci recherche l’essentialité dans la création et l’obtient, mais alors c’est l’objet qui devient l’inessentiel.

 

Pour qui écrit-on ?

La réponse de Sartre est la suivante : L’objet littéraire est une étrange toupie qui n’existe qu’en mouvement. Pour la faire surgir, il faut un acte concret qui s’appelle la lecture, et elle ne dure qu’autant que cette lecture peut durer. Hors de là, il n’y a que des tracés noires sur le papier. Or l’écrivain ne peut pas lire ce qu’il écrit, au lieu que le cordonnier peut chausser les souliers qu’il vient de faire, s’ils sont à sa pointure et l’architecte peut habiter la maison qu’il a construite. En lisant, on prévoit, on attend. On prévoit la fin de la phrase, la phrase suivante, la page d’après, on attend qu’elle confirme ou qu’elle infirme ces prévisions. La lecture se compose d’une foule d’hypothèses, de rêves suivis de réveils, d’espoirs et de déceptions. Les lecteurs sont toujours en avance sur la phrase qu’ils lisent, dans un avenir seulement probable qui s’écroule en partie et se consolide en partie à mesurer qu’ils progressent, qui reculent d’une page à l’autre et attendent. Vous êtes parfaitement libres de laisser le livre ou l’article sur la table. Mais si vous l’ouvrez, vous en assumez la responsabilité. Car la liberté ne s’éprouve pas  dans la jouissance du libre fonctionnement subjectif mais dans un acte créateur requis par un impératif. Si j’en appelle à mon lecteur pour qu’il mène à bien l’entreprise que j’ai commencée, il va de soi que je considère comme liberté pure, pur pouvoir créateur, activité inconditionnée.  Je ne saurais donc en aucun cas m’adresser à sa passivité, c’est-à-dire tenter de l’affecter, de lui communiquer d’emblée des émotions de peur, de désire ou de colère. La lecture est un rêve libre. En sorte que tous les sentiments qui se jouent sur le fond de cette croyance imaginaire sont comme des modulations particulières de ma liberté. Loin de l’absorber ou de la masquer, ils sont autant de façons qu’elle a choisies de se révéler à elle-même. Ainsi l’auteur écrit pour s’adresser à la liberté des lecteurs. L’écrivain, homme libre s’adressant à des hommes libres, n’a qu’un seul sujet : la liberté.

 

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