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2 janvier 2011 7 02 /01 /janvier /2011 17:37

Une petite revisite de l'histoire khmère

 

Marc Bloch, historien français qui conseille à ses collègues de savoir dire : "Je ne sais pas, je ne peux pas savoir". Je suis à l'avis de M. Jacques Le Goff, un autre historien français, que cet avis soit un peu pessimiste. Je ne suis pas un historien de métier, parce que j'ai abandonné mes études d'histoire depuis 1975 pour raison de survivre en France. J'ai choisi un autre métier pour nourrir ma famille (La gestion des Ressources Humaines). J'étais Directeur des Ressources Humaines dans une filiale de neuf cent salariés et Président Directeur Général d'un centre de Formation Professionnelle dans un grand groupe français. Pendant 34 ans de métier, en 2008, j'ai décidé de tourner la page pour faire autre chose avant de quitter ce monde. Cette autre chose, c'est de vivre ma vie en toute liberté. Dans cette nouvelle liberté, je gagne le droit qu'on me foute la paix. Mais, le pays commence à me manquer. Je ne savais pas que je puisse vivre sans lui du reste de ma vie. Je suis certain que mon dernier rêve sera pour lui.

 

En revanche, je continue de m'intéresse à l'histoire en tant qu'amateur en lisant régulièrement des livres d'histoire et allant de temps à autre au Collège de France pour assister des cours d'histoire. Pour les intellectuels khmers, les livres de MM Mak Phoeung, Khin Sok (Chroniques royales du Cambodge)et Mme Pou Saveros (Nouvelles inscriptions du Cambodge) sont mes livres de chevet. Je lis et relis jusqu'à aujourd'hui pour avoir le contact avec l'intelligence de mes compatriotes qui ont choisi de consacrer leur vie pour étudier l'histoire khmère. Ils m'ont donné goût sans aucun doute d'écrire un petit peu en histoire après la rupture forcée de mes études dans ce domaine. Bien entendu, je l'ai écrit avec mes verbes et mes mots d'un profane. Voici une petite revisite de l'histoire khmère après avoir lu des vulgates des savants étrangers et khmers.

 

Il était une fois, au bon matin, il y avait un navire à voile venant de nulle part, à bord duquel il y avait des gens qui nous disent qu’ils sont des Kamboja venant de l’Afghanistan, région de Gandhara d’aujourd’hui en passant par l’Inde actuel pour faire du commerce avec les autres Pradesh (pays) débouchés sur la mer. Ces Kamboja appartenaient à une tribu des commerçants armés, dirigé par un chef de tribu, élu au départ, mais au fil des temps, la règle de la succession devenait héréditaire de père en fils. Ils ont conquis nos terres par la force contre notre reine Livyi. Après la victoire, leur chef, nommé Hun Tean, prit la première dame khmère pour épouse et se proclama roi de notre peuple.  Nous appelons tous les membres de notre famille royale « Sdach », quoiqu'ils ne soient pas tous rois, parce que les Kamboja se déclarent qu’ils sont tous Raja. Quelques siècles plus tard, notre pays portait le nom de cette tribu. Il ne faut pas en étonner, parce que dans l'Inde ancien, les souverains indiens portaient souvent la titulature du nom de leur tribu ou de leur peuple. Ainsi le nom du roi des Kamboja et des Khmers devient le nom de notre pays, Kampuchea. Hun Tean n’était pas venu tout seul au pays des Khmers. Il n’est pas certain qu’il fût Brâhmane, mais à bord de son navire, il y avait certainement des hommes de cette caste, parce que les Kamboja étaient hindouistes. Parmi ces conquérants, il y avait aussi des adeptes du Bouddhisme qui apportaient leur foi avec eux. Ces Kamboja auraient été venus au pays khmer pendant la période de règne de la dynastie Gupta en Inde (318 au moins à 542 environ). Ils fondèrent un pays ou une dynastie, appelé Fou Nan, royaume maritime, dans lequel le Brahmanisme et le Bouddhisme étaient en cohabitation, le premier était la religion des hommes de pouvoir et le second était adopté par le peuple. Ce royaume fut annexé plus tard par son satellite du nord, appelé Chen-La. Ces deux royaumes formèrent en un seul État Chen-La. Ce royaume fut divisé plus tard en deux pays, Chen-La Terre et Chen-La Eau. « Chen-La Eau » n’était que l’ancien Fou Nan. Voilà une proie toute désignée pour les razzias des Chvir (Indonésiens). Au cours de cette incursion, un prince khmer fut enlevé, amené et élevé à la cour des Chvir. Il put s’échapper à la surveillance des geôliers, regagna le pays natal. Sa fuite était bien organisée avec l'aide des Brahmanes, des anciens généraux et dignitaires de Fou Nan qui avaient quitté le pays pendant la guerre civile au Cambodge. Arrivé au pays, le prince khmer entreprit une guerre de conquête du pouvoir royal et d'unification du pays, morcelé en plusieurs petits royaumes autonomes, avec succès. Après quoi, il fonda une nouvelle dynastie, laquelle régnait plus tard sur un Empire, appelée Angkor ou Kamboja. En fait ces dénominations n'ont, dans la bouche des historiens et des officiels qui les utilisent, parce que le peuple khmer appelle toujours son pays le Srok Khmer.       

 

On dit que sans les Anglais, l'histoire de l'Empire Gupta en Inde ne soit jamais existée telle que nous la connaissons jusqu'à aujourd'hui. Cette histoire est créée par une méthode occidentale, laquelle doit fonder sur trois sources : les inscriptions anciennes, le trésor des monnaies et les documents écrits. À partir de ces sources, les historiens vont tenter d'établir un ordre chronologique des évènements et un espace géographique où se déroulent ces faits. Une histoire sans l'ancrage chronologique et géographique, selon les savants occidentaux, n'est pas une histoire. Nous savons aussi quand il y a des débats entre les savants sur un tel fait historique, non résolu, le compromis est une solution pour résoudre leur différend. Mais on sait qu’un compromis entre quatre ou cinq savants entre eux ne soit jamais une vérité". Bien entendu, il y avait beaucoup de travail, de recherches approfondies, de fouilles sur les sites historiques, de quêtes des témoignages pour confirmer les postulats, des connaissances des langues anciennes pour lire des inscriptions et les documents anciens, des techniques d'archéologie, d'autres savoirs utiles et beaucoup des moyens financiers pour créer une histoire d'un pays. Un travail de titan des savants dévoués à ces tâches multiples et difficiles. Ils méritent donc du respect et de considération de la part des autochtones. Ainsi étant aussi construit l'histoire du Cambodge par les savants français durant quatre vingt dix ans de protectorat français, appelée l'histoire du Cambodge de l'Ecole Française d'Extrême-Orient dont les noms des savants sont connus par cœur par les hommes de savoir khmer. Ces savants ont idéalisé sans doute les textes anciens sculptés sur les pierres tombales et les autres inscriptions retrouvées par eux. Cette reconstitution de l'histoire du Cambodge permettrait au moins aux écoliers khmers d'éviter de dire à leurs parents que leurs ancêtres étaient des Gaulois. Et nous le savons que les nationalistes l'utilisent pour dresser un tableau d'effervescence intellectuelle du Cambodge angkorien. Quant à la monarchie, elle la servait comme moyen pour redorer son blason. En effet, les nationalistes et les monarchistes parlent le même langage, quand il s'agit d'encenser l'Empire khmer. Ils cherchent à s'imposer de cela comme une vérité d'évidence. Après l'indépendance du pays, cette période de gloire, l'on la trouve rapidement place dans les manuels de l'enseignement secondaire et supérieur. Bien entendu, on raconte aux enfants khmers que leurs ancêtres sont des bâtisseurs du temple d'Angkor. Une volonté de leur part de rechercher du sensationnalisme. Mais jamais on explique aux jeunes en détail la décadence du pays. Si l'Angkor est abandonné, parce que les habitants ne maîtrisaient plus l'eau pour cultiver du riz. Si le pays est envahi, parce que ces envahisseurs sont méchants et aussi c'est la faute du Bouddhisme. Que toutes autres opinions des nouvelles hypothèses n'incitent pas à modifier de cette thèse déjà rédigée par les savants et adoptée par les nationalistes khmers. 

 

Bien sûr, nous n’avons aucune raison de mettre en doute le contenu des travaux des savants. Ils apportent des renseignements précieux pour le peuple khmer, après plusieurs siècles d'aliénation de mémoire. Cette histoire de la gloire de l’Empire d’Angkor est pour lui une fierté nationale. Mais pendant la République Khmère, un certain nombre de constituants parmi lesquels M. Douc Rasy et M. Yem Sambor demandèrent la suppression d’un alinéa dans le préambule du projet de la constitution de la république : "Le peuple khmer est descendant des Khmers Môn » et du terme "angkorien". Le compte rendu de l'A.K.P. du 8 Février 1972 résume l'argumentation des auteurs de l'amendement :

 

"Les auteurs de l'amendement ont estimé, en effet, que ces mots… traduisent notre racisme, source de beaucoup de maux, telle la guerre. M. Douc Rasy et M. Heur Lay ont attiré l'attention de l'Assemblée sur le fait que le peuple khmer est issu de souches beaucoup plus variées que les Khmers Môn. Il y en a qui ont du sang portugais, du sang indien, du sang indonésien, etc.".

 

D'autre part, les épigraphistes français avisaient les lecteurs qui lisent le compte- rendu de leurs travaux que les textes puisés dans les inscriptions trouvées sont un genre littéraire où l’éloge des rois obéit aux lois auxquelles aucune ne déroge. Il faut lire entre les lignes pour savoir quelle est la part de vérité dans ces textes dithyrambiques. Pour moi, il faut éviter de mélanger entre l'histoire de l'art khmer et celle de la politique. La beauté des temples ne s'explique pas le bien-être du peuple. Nous le savons que le système politique de tous les empires est celui de guerriers. Or dans la société khmère de l'époque, tout le monde n'est pas guerrier. La gloire est donc une affaire d'une classe ou d'une caste.

 

Je me pose tout simplement une question : Dans quelle mesure, nous voulons utiliser notre histoire dans le présent, c'est pour tirer des leçons de l'échec de nos ancêtres, ou pour s'approprier à la gloire du passé ? Les erreurs du passé attestées ne se bornent pas à nuire la force du présent, elles aident, dans le présent, à en corriger. Mais l'ignorance dans le passé compromet l'action dans le présent. La gloire et la décadence du passé, pour moi et pour conclure doivent être expliquée en détail et sans tabou par les jeunes historiens khmers, formés par les meilleures universités dans le monde, à partir des nouvelles hypothèses. Une combinaison du travail individuel et du travail par équipe, pas pour juger, mais pour comprendre l'histoire dans la vérité et la morale. Donc le maître mot du maître Marc Bloch dans ce domaine est : Comprendre et non juger. C'est le but de "l'analyse historique" par quoi débute le vrai travail de l'historien après les préalables de l'observation et de la critique historique.

 

Bien sûr, on dit par définition le passé est donné que rien ne modifiera, mais la connaissance du passé est une chose en progrès qui sans cesse se transforme et se perfectionne. Je termine par une phrase de Jacques Le Goff : L'essentiel est de bien voir que les documents, les témoignages "ne parlent que lorsqu'on sait les interroger". Est-ce que les savants de l'histoire khmère ont bien interrogé les documents retrouvés et les témoignages recueillis ?     

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