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3 août 2010 2 03 /08 /août /2010 15:36

Une cruelle publicité

Extrait de l’article de M. Bernard Hamel paru dans HISTORIA n° - 391 du mois de Juin 1979.

 

Les « Khmers Serei » (ou « Khmer libres »), républicain mais anticommunistes et pro-américains, furent les premiers à en faire l’expérience. Réfugiés au Sud-Vietnam ou en Thaïlande au début des années 1960, ceux d’entre eux qui tentèrent de revenir au Cambodge et qui se firent prendre finirent devant un peloton d’exécution.

Sihanouk donna une cruelle publicité à ces exécutions, ordonnant qu’elles soient photographiées et filmées dans les moindres détails. Photos et films étaient ensuite diffusés dans tout le pays, sans doute qu’aucun Cambodgien n’ignore le châtiment réservé aux « traîtres ».

Ce fut ensuite le tour des « Khmers Rouges » ou présumés tels, car il ne s’agissait pas toujours de vrais communistes, mais de simples paysans las d’être brimes par une administration fortement corrompu.

Les exécutions de « Khmers Rouges » - ainsi nommés par Sihanouk lui-même – n’eurent lieu qu’à partir du début de l’année 1967, lorsque ceux-ci entrèrent en rébellion dans la province de Battambang puis dans d’autres provinces. Elles furent beaucoup plus nombreuses que les exécutions de « Khmers Serei » et se poursuivirent pendant trois ans.

Toutefois le prince s’abstint de leur donner la même publicité, pour ne pas indisposer les pays communistes asiatiques (Chine, Nord-Vietnam et Corée du Nord) avec lesquels il entretenait d’étroites relations.

Mais les Khmers Rouges capturés furent souvent exécutés d’une manière assez féroce : Décapitation et exposition des têtes coupées, précipitation dans le vide du haut des falaises de Bokor, etc.

Sihanouk lui-même se vanta de ces exécutions en certaines circonstances, notamment dans un discours mémorable prononcé dans la province de Kompong-Thom le 19 août 1968 et qui fut enregistré, comme tous ses discours, par les services du Ministère de l’Information cambodgien.

Il proclame à cette occasion qu’il avait fait tuer déjà plus d’un millier de « Khmers Rouges », et que cela « ne l’avait pas empêché de dormir ».

Tous les opposants à son régime n’étaient pas exécutés cependant, et d’autres connurent un sort plus doux en allant moisir en prison pendant huit ou neuf ans. Toujours est-il que les prisons étaient assez bien remplies lorsque Sihanouk fut destitué par le Parlement khmer, le 18 mars 1970.

Quinze jours plus tard, le gouvernement Lon Nol ordonna la libération de tous les détenus politiques. Rien qu’à Phnom-Penh, 486 détenus furent remis en liberté le 2 avril. La plupart d’entre eux avaient été emprisonnés parce qu’on les soupçonnait d’être des Khmers Rouges.    

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3 août 2010 2 03 /08 /août /2010 10:34

Sirik Matak : ancien Vice-Président du Conseil, Délégué à la Présidence du Conseil des Ministres.

 

Cher Cousin,

Si des fois vous étiez amené à faire un examen de conscience en toute sérénité, vous auriez trouvé que c’est vous-même qui êtes à l’origine de cette guerre d’agression, laquelle cause à votre propre patrie tant de deuils et de destruction. Vous auriez senti certainement que si vous aviez accepté avec dignité et abnégation – comme l’ont fait avant et après vous nombre de Chefs d’Etat destitués dans les mêmes conditions – le verdict des représentants légaux du peuple qui prononcèrent à l’unanimité votre déposition, vous auriez épargné sûrement à nos compatriotes tant de larmes et de malheurs.

Mais au lieu de cela, vous avez préféré constituer artificiellement un Gouvernement en exil dont les membres s’éparpillent dans diverses capitales étrangères et qui ne dispose pas de siège connu en territoire national. Pis que cela encore, vous avez fait appel aux forces nord-vietnamiennes et vietcong qui n’attendaient plus que ce signal pour agresser ouvertement votre pays, « légitimant » du même coup, leur invasion silencieuse et progressive du Cambodge qu’elles avaient commencée depuis cinq ans sur votre autorisation.

Rendez-vous compte, que, si maintenant vos amis nord-vietnamiens et vietcong forment, entraînent et soutiennent de toutes leurs forces un mouvement de Khmers Rouges à l’intérieur du Cambodge, ce n’est certainement pas ni pour vos beaux yeux, ni dans votre intérêt. Malins, mais très dangereux, ces adversaires visent plus loin : faire de votre pays un satellite du Nord-Vietnam.

Ce sera donc, vous finalement, qui serez trompé sur leur compte, alors que cette erreur d’appréciation aura coûté une guerre atroce à votre patrie qui, par votre faute, pourrait être rayée de la carte du globe.

Sentant qu’il est encore temps pour vous de faire une honnête autocritique et de vous corriger, j’espère pouvoir m’adresser à vous, dans cet ultime appel pour contribuer à sauver la patrie. La chose est faisable, si en toute conscience, vous admettez que vous êtes vous-même le seul responsable de la chute de la monarchie khmère et de nos malheurs présents, ainsi que de la liquidation de notre neutralité dans cette guerre d’Indochine et même devant les nations non-alignées.

A la mort de Sa Majesté Norodom Suramarit, votre père et mon oncle, lequel n’avait pas nommé de successeur, vous ne pouviez pas remonter sur le Trône, car en 1955, c’est-à-dire cinq ans auparavant, vous aviez pris la malheureuse décision d’abdiquer et fait le serment solennel de ne jamais chercher à le faire.

Conformément aux dispositions de l’article 30 de la Constitution de 1946, le Conseil de la Couronne « doit se réunir obligatoirement dans les trois jours qui suivent l’évènement ayant provoqué cette vacance, afin de désigner le nouveau Souverain ainsi que le Régent, si le nouveau Roi est mineur ».

A ce moment, vous étiez encore populaire et, une certaine mesure, aimé. Vous auriez pu être facilement choisi pour succéder à votre père, si l’article 30bis de la même Constitution, article que vous aviez fait adopter vous-même dans un mouvement d’humeur, ne vous en avait pas empêché.

En effet, cet article 30bis stipule que « dans les cas où les circonstances ne le permettraient pas, pour des raisons d’Etat, de désigner le nouveau Souverain, le Conseil de la Couronne doit procéder dans le même délai prescrit par l’article 30, à la désignation d’un Conseil de Régence qui assume provisoirement les prérogatives royales dans les conditions fixées par la présente Constitution ».

Mais « la jeunesse Socialiste Royale Khmère », une de vos nombreuses créations et inventions, a organisé sur vos ordres des manifestations pour réclamer que vous deveniez « Chef de l’Etat », éventualité que la Constitution n’a jamais prévue. Armé de ce subterfuge, vous avez lancé alors un message à la Nation en invitant toutes les Institutions du pays à modifier ladite Constitution dans ce sens en créant les fonctions de « Chef d’Etat ».

A l’époque, vos désirs étaient des ordres. Le Parlement s’est donc réuni pour élaborer un article additionnel afin de vous donner entière satisfaction et vous a désigné par la suite, le 15 juin 1960, « Chef de l’Etat », titre que vous avez détenu pendant un délai anormalement long et illégal, jusqu’à votre destitution formelle en Mars 1970. Il est devenu clair dès lors qu’en usant et abusant du POUVOIR PERSONNEL dont vous vous étiez vous-même investi, vous avez détruit de vos propres mains la monarchie khmère.

Je dois vous reconnaître cependant une qualité. C’est que vous êtes constant dans votre inconscience. Ceux que vous prétendez être aujourd’hui vos amis, vous les vouiez naguère aux gémonies populaires.

C’est ainsi que dans un éditorial paru dans « Le Sangkum » de Septembre 1966, vous avez brillamment démontré que les KHMERS ROUGES n’étaient que des traîtres, des dékhmerisés » qui ont accepté depuis Genève 1954 – et qui mieux est, « de jure » - de placer leur pays sous le protectorat de la République Démocratique du Vietnam ».

L’année suivante, vous en preniez publiquement au régime de Pékin qui vous héberge maintenant. En dissolvant « l’Association  de l’Amitié Khméro-Chinoise », vous avez déclaré que : « Etat souverain, la République Populaire de Chine conteste à l’Etat souverain du Cambodge le droit d’être maître chez lui ». Dans une autre déclaration, vous avez ajouté que cette nation (le Cambodge) ne saurait être représentée par les HOU YOUN, KHIEV SAMPHAN, HU NIM, PHOUK CCHAY etc. auxquels la Chine s’adresse par-dessus la tête de notre Gouvernement, de l’Etat khmer, qui eux sont les seuls représentants valables du peuple khmer ».

Dans un message à la Nation radiodiffusé le 5 Octobre 1967, vous vous êtes de nouveau adressé à Hou Youn, Khiev Samphân, Chau Séng, Phouk Chhay, Hu Nim, en leur demandant qu’ils « sachent cependant qu’ils me (vous-même) trouveront toujours prêt à faire face à leurs nouvelles attaques, et que je combattrai sans merci jusqu’au bout, jusqu’à l’annihilation de cette race de Khmers dékhmérisés, même si je devais y laisser ma peau ».

En Janvier 1968, lors d’une conférence de presse, vous avez de nouveau dénoncé la subversion chinoise en ces termes : « Les Khmers Rouges ont décidé de mettre fin à la paix dont le Cambodge jouissait depuis des années. Ils reçoivent à travers la frontière thaïlandaise, armements, munitions, vêtement, médicaments et des brochures de propagande en Siamois éditées en Chine et portant l’effigie du Président Mao Tsé Toung ».

Je pourrais ajouter encore d’autres citations, car de 1968 à 1969, vos déclarations écrites et verbales remplissent bien des volumes édités par votre Ministre de l’Information.. Il est vrai que pour faire contrepoids, vos diatribes contre les puissances occidentales, notamment les Etats-Unis d’Amérique, alimentaient de propos sensationnels, la presse du monde entier. En induisant ainsi l’opinion internationale en erreur, vous croyiez prouver que vous étiez « le champion de neutralité ».

Pourtant, agissant en sous-main, vous n’avez jamais cessé d’entretenir de « fraternelles » relations avec le Nord-Vietnam et le Viêt-Cong, relations qui allaient jusqu’à permettre à ceux-ci d’installer sur votre territoire national de véritables « sanctuaires », consistant en hôpitaux, centres d’entraînement, bases logistiques et centres de reconditionnement à partir desquels étaient lancées des opérations offensives contre le Sud-Vietnam. Ces sanctuaires s’échelonnaient le long de nos frontières orientales, depuis la province de Rattanakiri jusqu’à la mer. Vous pouvez conclure vous-même qu’une telle politique a rayé d’un trait de plume et à jamais notre neutralité prescrite pourtant par la Constitution, pour nous précipiter dans la guerre actuelle, guerre que notre Nation a toujours cherché à éviter.

Combattu par la population des régions qu’ils occupaient illégalement avec votre seule permission et dénoncés par le gouvernement khmer légal, les Nord-Vietnamiens et les Viêt-Cong n’ont trouvé rien mieux que de se lancer dans une agression ouverte, agression qu’ils voulaient rapide et décisive sur votre demande exprimé à Canton en Mars 1970.

Ainsi, au moment de l’agression du Cambodge le 29 Mars 1970, nous avions identifié les unités nord-vietnamiennes et vietcong en notre territoire et qui étaient réparties comme suit : 1ère division : RCT – 101 –D : 2 000 hommes stationnés à Angkor Borey en takéo ; 5ème division : RQTS – 05 et 275 : 5 000 hommes stationnés à Snoul en Kratié ; 7ème division : rqts – 141 – 165 – et 209 : 6 200 hommes stationnés à Memot en Kg-Cham ; 9ème division : RQTS – 95 –c – 271 et 272 : 6 000 hommes stationés à Chup en Kg-Cham ; Front B-3 : RQTS – 24-28-40-66-95-0 : 10 800 hommes stationnés à Rattanakiri – Bor Kéo, plus les P.C. et états-majors : 12 000 hommes et services des arrières (logistiques) : 23 000 hommes, ce qui fait au total une force étrangère de 65 000 hommes qui s’installaient tout le long de la frontière.

Maintenant que cette guerre dure depuis près de quatre ans avec des deuils, souffrances et destructions incommensurables, et que la république khmère est bien installée avec toutes ses institutions légales, je tiens à vous rappeler ici vos propres paroles extraites d’un de vos articles paru dans la revue « Le sangkum » en juillet 1966 :

« Le trône accepte très volontiers de faire place à la république, si telle est la volonté de la majorité des citoyens et citoyennes…Trône propose aux compatriotes républicains de tout faire pour éviter que le sang khmer coule à l’occasion de cette compétition. La monarchie n’a nullement l’intention de se « cramponner » si elle n’a plus la faveur du peuple ».

Le sang khmer n’ayant que trop coulé maintenant à cause de cette guerre, et le peuple dans sa large majorité ayant exprimé depuis Mars 1970 son désir d’avoir un régime républicain, je tiens à faire appel à vous, pour nous aider à stopper cette lutte insensée, alors que l’intensité des combats diminué peu à peu au Sud-Vietnam et au Laos, laissant augurer une solution pacifique de leurs problèmes.

Encore une fois, soyez raisonnable et sincère avec vous-même, et vous savez mieux que quiconque que vous n’êtes pas le « leader » de la soi-disant « résistance nationale », parce que cette résistance nationale que vous prétendez, n’est autre chose que l’agression des Nord-Vietnamiens et Vietcong avec la complicité de quelque vingt mille Khmers Rouges qui ne sont même pas vos hommes.

Par ailleurs, il est incontestable que pour vos dépenses personnelles et « gouvernementales », vous dépendiez entièrement des Chinois et des Nord-Vietnamiens. Cela ne vous permettra jamais d’être un vrai neutre. Sans eux, vous ne seriez pas en mesure de payer les grands frais de vos voyages et les membres de votre Gouvernement, dont la majorité vivent en permanence à Paris, en Afrique ou à Pékin, sans espoir de pouvoir remettre le pied sur le sol khmer.

Non, CHER COUSIN, soyez bon prince. Reconnaissez enfin, pour une fois, votre faillite en renonçant à vivre sous la coupe de l’étranger qui ne cherche à faire autre chose qu’exploiter votre esprit de revanche.

Ce faisant, vous auriez montré au monde, un patriotisme pur, exempt de toute passion, celui-là même dont vous ne cessez de vous réclamer. Sachez que toute votre famille attend de vous ce geste de grandeur d’âme.

 

Phnom-Penh, le 27 Août 1973

                                                                                                          Signé : SISIWATH SIRIK MATAK 

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2 août 2010 1 02 /08 /août /2010 05:47

Texte intégral :

C’est, je l’avoue, avec une certaine émotion que je prends la parole devant l’un des auditoires les plus cultivés et les plus avertis qui se puissent rencontrer en France, l’association des Docteurs en Sciences Politiques, que je remercie de m’offrir cette précieuse occasion de faire mieux connaître mon pays et sa politique bien souvent incompris sur le plan international.

J’ai le sentiment en effet que si je n’arrive pas à trouver, pour mon pays, le Cambodge, et pour ma région, l’Indochine, le chemin de votre cœur et de votre raison – à vous qui, j’en suis sûr, ferez preuve d’objectivité à mon égard – je ne parviendrai à convaincre personne en Occident que les évènements tragique qui se déroulent à quelque 12 000 kilomètres de votre Capitale pourraient bien, sauf arrangement international rapide dicté par le bon sens, déboucher sur un conflit ouvert entre grandes puissances, conflit qui ne restera pas longtemps limité à l’Asie du Sud.

Oui, je sollicite et redoute en même temps votre jugement. On n’atteint jamais un peuple qu’à travers ses élites – et vous êtes parmi ses représentants les plus authentiques. Mais celui qui vous parle ne saurait vous cacher qu’il n’est pas un universitaire, tout au plus un autodidacte nourri aux dures leçons de l’expérience quotidienne, un homme qui pratique depuis vingt-trois ans la politique sans en avoir jamais appris la « science », un « ouvrier des affaires d’Etat » qui a exercé tant bien que mal diverses fonctions : Roi, Président du Conseil, Chef de l’Etat – un « job » délicat, et croyez-moi, sans retraite assurée – enfin, vous devez aussi le savoir, une personnalité qui fait l’objet de nombreuses controverses et que la presse occidentale (français, bien souvent, y compris) traite généralement sans ménagement.

Vous avez devant vous, selon beaucoup de journaux, un Prince « rouge, imprévisible et déconcertant, changeant et versatile », un « dictateur monarchiste et progressiste », un « satellite de la chine…et de la France ». Tous au plus me reconnaît-on une qualité : avoir maintenu mon pays en paix depuis dix ans et l’avoir fait sortir de son état de sous-développement. On veut bien reconnaître aussi, dans les nombreux milieux qui ne m’aiment guère, que je jouis d’une popularité « exceptionnelle » parmi le peuple cambodgien et que je travaille, selon l’expression même d’un magazine américain, « plus dur qu’un coolie ».

Je n’ai jamais pensé qu’une conférence, si détaillée soit-elle, puisse modifier profondément les opinions reçues. Elle peut toutefois constituer une base de réflexions pour ceux qui demeurent, intellectuellement parlant, « disponibles » et qui ne portent de jugement qu’en connaissance de cause. Si critiqué que je sois, et quelque méfiance que j’inspire à certains bons esprits assurés de détenir la vérité sur l’Asie du sud, comme d’ailleurs sur maints autres problèmes, c’est la jeunesse, à laquelle j’aime m’adresser librement , qui m’a jusqu’ici donné les meilleurs espoirs. Je me souviens avec gratitude qu’en un pays où j’ai été couramment, obstinément vilipendé – les Etats-Unis d’Amérique, pour ne pas les citer – les étudiants des Facultés les plus diverses, d’esprit plus curieux et plus ouvert que leurs aînés, m’ont réservé toujours, à moi et à mes idées peu conformistes, l’accueil le plus encourageant. Je veux espérer que la jeunesse intellectuelle française m’écoutera de son côté, sinon avec sympathie, du moins avec quelque intérêt, même si mes propos sont parfois de nature à l’étonner un peu.

Ce qui m’a poussé à accepter votre aimable et redoutable invitation, c’est en effet l’amitié très ancienne et très affectueuse qui lie Khmers et français – amitié qui fait que nous nous sentons chez nous en France comme vos compatriotes se sentent chez eux au Cambodge – et aussi le charme persuasif de votre « ambassadrice », Mme René Bridel, car les khmers ne savent pas dire non à une aimable femme qui est de surcroît Parisienne.

Comme vous avez bien voulu m’y convier, je vais donc essayer de vous exposer ce qu’est notre neutralité, que d’aucun baptisent « neutralisme », en m’appuyant sur vingt-trois années d’expérience politique à la barre de mon pays.

Un de vos éminents professeurs, Doyen d’une de nos Facultés, a bien voulu me suggérer un jour d’exposer dans un ouvrage, à l’intention de nos étudiants, ce qu’il appelait ma « doctrine politique ».

J’ai dû sans doute décevoir mon estimable interlocuteur en lui avouant que, chargé de si longue date d’assurer l’existence de mon petit pays face à des situations très difficiles et à des évènements aussi graves qu’imprévisibles, j’avais eu généralement recours à une politique d’«au jour le jour » et n’avais jamais su trouver le temps d’essayer d’en dégager une « doctrine ».

J’ai ajouté que je n’avais mis en œuvre, en place de doctrine qu’une simple règle de conduite, à savoir m’efforcer d’assurer par tous les moyens possibles, imaginables… et admissibles, la sauvegarde de l’existence de mon pays, de son indépendance et de son intégrité territoriale, dans un monde troublé, divisé, qui ne pardonne pas une fausse manœuvre ni un mauvais choix. J’ai toujours pensé qu’il fallait « d’abord vivre, ensuite philosopher ». S’il fallait absolument m’attribuer une étiquette, celle de « pragmatiste » serait, je crois, la plus exacte.

Comment les choses se sont-elles passées pour le peuple khmer et pour moi depuis qu’en 1941, à ma grande surprise, et à la veille des examens du baccalauréat au Lycée Chasseloup-Laubat de Saigon, je fus désigné par le Conseil du trône pour succéder à mon grand-père, Sa Majesté Monivong ?

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, j’eus à faire face à une double opposition – qui n’en fit souvent qu’une, car les opposants s’entendaient assez bien pour une action commune – celle des Communistes qui devaient se regrouper plus tard en « groupe du peuple » et celle des tenants de l’ancien Président du Conseil pro-japonais Son Ngoc Thanh, qui est actuellement l’hôte privilégié de nos voisins thaïlandais et sud-vietnamiens. Les uns et les autres menaient une vive campagne anti-monarchiste, soit par conviction, soit par opportunité, affirmant à notre peuple, surtout à la jeunesse scolaire, que les derniers souverains du Cambodge étaient responsables de la perte de notre indépendance au profit des Français, et antérieurement, de la perte de nombreuses provinces khmères au profit de nos voisins.

Il découlait naturellement de cette campagne que l’héritier des souverains en question, votre serviteur, devait quitter le trône et céder la place à « d’habiles politiciens » appartenant aux quelques dix partis qui s’étaient créés sur le modèle des partis français – mais qui, à une ou deux exceptions près, n’étaient guère que des clans au service de personnalités ambitieuses.

Ma première tâche fut de réhabiliter la mémoire de mes ancêtres qui, loin d’être d’odieux tyrans opprimants le peuple, furent à certains égards de hardis novateurs, qui servirent et défendirent les intérêts de leur pays. Scrupuleusement informés de l’œuvre de ses rois et de la lutte, souvent obscure et toujours difficile, qu’ils menèrent pour rétablissement de l’indépendance, les Khmers leur rendent aujourd’hui justice. Et tous ont applaudi lorsque, inaugurant des réalisations nationales dans la province de Rattanakiri, limitrophe du Sud-Vietnam, je leur ai dit : « Nous nous attachons à faire revivre la tradition d’Angkor, non point celle qui s’est traduite en guerres et en conquêtes, mais celle qui a servi le peuple ». J’ai cité la construction de nombreux établissements hospitaliers créés par nos Rois et leur étonnante « politique de l’eau », notamment la création d’immenses réservoirs et de canaux d’irrigation qui s’étendaient d’Angkor jusqu’à la mer. J’aurais pu parler aussi de la construction répandue dans les pagodes et du développement inouï des beaux-arts…

Comme ces souverains, j’ai rencontré, pendant les premières années de mon règne, de nombreuses difficultés. J’ai réussi néanmoins à les surmonter et j’ai aujourd’hui la profonde satisfaction de dédier à leur mémoire la réussite d’un programme qui assure la réhabilitation de nos dynasties khmères.

Sur le plan territorial, j’ai pu avec l’aide de la diplomatie française, récupérer en 1947 les trois provinces que les Siamois (aujourd’hui Thaïlande) nous avons arrachées en 1941, au lendemain de la défaite française, face à l’Allemagne nazie, avec le concours du japon fasciste, alors tout puissant dans le Sud-Est Asiatique.

Sur le plan diplomatique, j’ai pu obtenir, en novembre 1953, sans que soit versée une goutte de sang khmer ou français et par des négociations certes opiniâtres, mais amicales, la remise par la France l’évacuation du Commandement et des troupes françaises. Cela se passait exactement huit mois avant que la Conférence de Genève sur l’Indochine ne se réunisse.

Si, tout à la fin de cette même année, profitant du départ des troupes françaises et des difficultés que nous causait alors le Vietminh, la Thaïlande, notre ennemi traditionnel, fit occuper par sa police, puis par ses troupes, Preah Vihear (temple proche de la frontière construit par les anciens Rois khmers sur cette colline, et joyau de notre patrimoine architectural et religieux), nous avons pu présenter à la Cour International de Justice de la Haye un dossier suffisamment copieux et solide qui, défendu par trois brillants juristes dont le Professeurs Pinto et Reuter, que vous connaissez bien, nous permit d’obtenir un jugement prescrivant le retour de Preah Vihear au Cambodge.

En 1954, lorsque s’ouvrit la Conférence de Genève sur l’Indochine, qui consacrera la division du Vietnam et du Laos, nous fûmes, en raison de notre indépendance recouvrée et de la stabilité de notre régime, le seul Etat indochinois qui échappât à la partition et qui obtint l’évacuation sans conditions des forces vietminh et la reddition, également sans condition, des rebelles khmers qui les épaulaient. J’ajoute aussitôt qu’en ce qui concerne ces derniers, nous nous bornâmes à les faire regagner leurs villages et à les réintégrer, comme citoyens à part entière, dans la communauté nationale.

Ces rappels historiques peuvent vous paraître un peu fastidieux. Ils sont toutefois, je crois, d’une extrême importance, car ils marquent les premiers pas et les premiers succès de la diplomatie du Cambodge indépendant.

Ces faits sont à l’origine de notre réussite actuelle qui a permis à notre peuple de rester « debout » malgré les agressions répétées des forces sud-vietnamiennes, conseillées et guidées par les Américains, contre nos villages et postes frontaliers, alors que le Sud-Vietnam (et le Laos) sont arrivés à l’état de déliquescence que vous connaissez.

Aujourd’hui, bien que les Etats-Unis et leurs alliés asiatiques, curieusement appuyés par la Grande-Bretagne, nous refusent la reconnaissance formelle de notre neutralité et de nos frontières, nous sommes heureux et fiers de demeurer, comme a bien voulu me l’écrire récemment le Général de Gaulle, un « facteur exemplaire de stabilité » dans cette région déchirée, avec notre indépendance et notre intégrité territoriale maintenues.

Nous sommes fiers aussi, pour nous et pour le Trône, d’avoir fait du Cambodge l’un des pays les plus avancés de l’Asie dans le domaine de l’Instruction Publique. Nous consacrons en effet à celle-ci un milliard et demi de riels sur un budget de 6 milliards de riels ; près de 700 000 enfants (pour une population de 5 800 000 habitants) sont scolarisés, contre 50 000 seulement en 1945 et 250 000 en 1955 ; l’éducation de base combat les restes de l’analphabétisme en donnant des cours aux adultes de tous les villages ; près de 4 000 écoles primaires sont ouvertes ainsi qu’une centaine d’établissements secondaires. Notre Université coiffe toutes les branches d’Enseignement Supérieur : Facultés des Lettres et des Sciences, de Droits, de Médecine et de Pharmacie. Nous avons des Ecoles Supérieures de Technologie, d’Arts-et-Métiers, de Pédagogie, d’Agriculture et Sylviculture de Science vétérinaire, des Beaux-Arts, de Travaux Publics, de Musique et d’Art Dramatique. Nous avons même pensé à l’avenir et nos Facultés, où enseignent, avec leurs collègues khmers, d’éminents professeurs français, ont été si largement conçues qu’elles peuvent accueillir deux fois plus d’élèves qu’elles n’en reçoivent actuellement.

En vous remémorant, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, les principales étapes de notre histoire contemporaine et les résultats, dans un domaine qui vous intéresse particulièrement, qu’a pu obtenir notre politique nationale. Je ne me suis rendu coupable de digression qu’en apparence. J’ai voulu en effet vous montrer que le prétendu « neutralisme » que je pratique s’inscrit en fait dans un contexte permanent et invariable, celui d’une politique royale, dont les grandes lignes sont et resteront :

-       Une indépendance totale vis-à-vis des nations étrangères, quelles qu’elles soient ;

-       Une volonté inébranlable de ne plus permettre à des voisins expansionnistes, qui ont réduit au cours de ces cinq derniers siècles le Cambodge à sa plus simple expression territoriale, de s’emparer de la moindre parcelle de notre domaine national ;

-       Garder à tout prix le Cambodge aux Cambodgiens, dans toute son intégrité morale (c’est-à-dire politique), et physique (c’est-à-dire territoriale) ;

-       Maintenir la paix et l’union – pour la sauvegarde de notre unité nationale, mais aussi pour le développement et le progrès continu de notre pays.

Notre neutralité est donc, vous le voyez, très différente du « neutralisme » que pratiquent certains pays africains ou asiatiques dont les desseins ne sont pas seulement nationaux, mais à prétention internationale, et qui se donnent le devoir d’intervenir dans les affaires mondiales, de jouer le rôle d’arbitre entre les blocs et de condamner tel ou tel impérialisme.

Nous luttons, certes contre impérialisme – celui des Etats-Unis – mais nullement par idéologie ou hostilité doctrinale. Notre combat a pour motif le fait que, depuis 1955 et avec une rare obstination, les Etats-Unis ont essayé par tous les moyens y compris les plus déloyaux et les plus dangereux, de nous forcer à nous aligner sur eux en qualité de satellite docile. D’où notre résistance acharnée et nos propos peu amènes qui, paraît-il, « consternent » tellement Washington qu’on y envisage de demander à nos amis français de nous conseiller de « changer de ton ». Or, nos véhémentes protestations sont notre seul moyen de défense. Ce sont elles qui empêchent qu’on nous meurtrisse « tout à la douce », comme on disait autrefois chez vous. Que les Etats-Unis adoptent à notre égard une politique plus correcte, et je les assure que le ton changera.

Mes compatriotes et moi-même sommes tous d’accord pour estimer que l’alignement sur l’Est ou l’Ouest signifierait la fin de notre indépendance nationale. Or, notre peuple, à commencer par notre clergé et notre jeunesse, est, je vous certifie, farouchement attaché à cette indépendance.

Cet attachement a sans aucun doute pour origine la profonde nostalgie qu’ont les Khmers, pourtant si amis du progrès, de leur passé. Je vous demande de ne pas oublier que nous sommes les descendants d’un Empire qui trouvera son apogée au temps d’Angkor et qui était cinq fois plus vaste que le Cambodge actuel. Nous dominons une grande partie de ce qui est aujourd’hui la Thaïlande, le Laos et le Sud-Vietnam.

Mais, du XVe au XIXe siècle, nos voisins eurent leur revanche. Ils mirent à sac notre capitale, Angkor, et s’emparèrent de nos provinces une à une, emmenant les populations en captivité quand ils ne supprimaient pas purement et simplement – véritable politique de génocide.

L’arrivée des Français, en 1863, nous sauva de la disparition, mais nous plaça dans la sujétion. Le Protectorat en lui-même eût été, compte tenu des circonstances, acceptable. Mais la « convention » de 1884 imposée par la force au Roi Norodom nous plaça sous l’administration directe de la France, ravalant le Souverain au niveau d’une marionnette et notre pays au rang d’une colonie.

Ne croyez pas que notre peuple resta passif. Encouragés en sous-main par ses rois surveillés dans leurs palais, les princes et les paysans se révoltèrent à maintes reprises – révoltes qui furent noyées dans le sang. Car les Khmers, si doux qu’ils paraissent sont un peuple fier qui n’accepte ni l’humiliation, ni l’injustice, ni surtout l’esclavage. Cela explique pourquoi les relations khmères-françaises, qui n’étaient pas vraiment bonnes avant l’indépendance, sont devenues excellentes depuis, cela explique qu’il y a aujourd’hui 6 000 Français chez nous, contre 2 500 en 1953 et que la langue et la culture françaises connaissent dans le Royaume un essor incomparable, qui fait du Cambodge le foyer de l’influence culturelle française en Asie.

Les accords de Genève 1954, nous débarrassant de l’occupation du Vietminh, consacrèrent en fait notre neutralité en faisant obligation à l’Est et l’Ouest de respecter notre indépendance et s’abstenir de toute interférence dans nos affaires intérieures.

On comprend dès lors pourquoi tous les Khmers se « raccrochent » énergiquement à ces Accords ainsi qu’à l’indépendance obtenue de la France en 1953, et s’insurgent contre toute tentative extérieure de compromettre cette indépendance et ce non-alignement.

On a parfois écrit que nous souhaitions être une Suisse de l’Asie. Cela est juste en ce sens que nous avons toujours souhaité vivre en paix entre nous et voir notre liberté respectée par les autres pays.

Certains Occidentaux assurent que nous rêvons. « La Suisse », disent-ils, « est un pays très développé, qui se passe d’aides étrangères. Le Cambodge est sous-développé ; il a donc besoin de recevoir de l’étranger des aides qui aliènent son indépendance et l’empêchent d’être vraiment neutre ».

Ces mêmes bons esprits ajoutent que nous ne pouvons prétendre être réellement neutres puisque nous entretenons d’excellentes relations avec les pays socialistes (notamment la Chine Populaire), alors que nos rapports se détériorent sans cesse avec les Etats-Unis, chefs de fils du monde libre, et leurs alliés sud-vietnamiens et thaïlandais.

Examinons donc ce que valent ces arguments.

Tout d’abords, je ne vois pas en quoi le sous-développement d’un pays récemment sorti du statut colonial pourrait l’empêcher d’être neutre. Mais sommes-nous toujours sous-développés ? Tous les observateurs honnêtes qui ont visité notre pays voilà quelques années et tout récemment encore – beaucoup d’amis français sont dans ce cas, dont d’anciens Gouverneurs – reconnaissent que le Cambodge, depuis son indépendance, s’est mis au travail avec foi et ténacité et qu’il est devenu méconnaissable – certains disent  même qu’il change d’aspect d’un an à l’autre ». M. et Mme Bridel peuvent témoigner personnellement à cette réalité, hélas systématiquement méconnue par une grande partie de la presse occidentale, surtout américaine.

Récemment encore, le journal le plus sérieux de France écrivait que l’aide américaine à laquelle nous avons spontanément renoncé (ce qui aurait dû ravir les Etats-Unis, mais les a plongés dans une colère indescriptible), couvrait « le tiers du budget khmer ». J’ai dû remettre les choses au point. Nous recevions des « tax-payers » américains 20 millions de dollars par an, alors que nos propres contribuables fournissaient 6 milliards de riels à notre budget, soit près de dix fois plus. J’ajoute qu’il fallait déduire de ces 20 millions de dollars les frais d’entretien des nombreuses familles civiles et militaires américaines résidant au Cambodge, ainsi que du non  moins nombreux personnel…cosmopolite utilisé par les services américains. J’hésite à calculer ce qui restait aux Khmers après cette copieuse ponction et je rappelle que le Sud-Vietnam, en récompense de son alignement, reçoit des mêmes donateurs une aide annuelle de quelque 500 millions de dollars, qui vient encore d’être augmentée de 125 millions de dollars.

Je voudrais, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, vous mettre en garde contre une légende largement répandue par la presse et tend à faire croire que le « développement » du Cambodge consiste essentiellement dans le don par la France d’une aérogare et d’un appontement pour navires de haute mer, par l’Union Soviétique d’un hôpital, par l’Amérique d’une route et par la Chine de quatre usines. On oublie totalement de vous dire que depuis notre indépendance notre Gouvernement a construit près de 200 hôpitaux, infirmeries et dispensaires, permis la création de plus de 2 000 moyennes et petites entreprises industrielles, fait ouvrir plusieurs milliers de kilomètres de routes et de pistes automobilables, favorisé la plantation de plusieurs dizaines de milliers d’hectares  - sans parler des établissements d’enseignement primaire, secondaire et supérieur dont je vous ai indiqué tout à l’heure l’étonnant essor ».

Comme vous le voyez, nous n’avons jamais vécu des aides étrangères, ni réellement compté sur elles pour faire progresser notre pays. C’est pourquoi nous avons créé à Phnom-Penh une Exposition permanente avec photos, graphiques et statistiques constamment tenus à jour, qui donne le détail de nos propres réalisations. Nous avons intitulé cette Exposition : « La Cambodge s’aide lui-même », et elle ne laisse pas d’impressionner les nombreux étrangers qui la visitent.

On vous a sans doute dit par ailleurs qu’en renonçant à l’aide américaine tout en conservant celle des pays socialistes, le Cambodge cessait d’être neutre et l’on vous a peut être mis en garde contre le « flot » des techniciens chinois, soviétiques, tchèques, yougoslaves, qui déferlaient sur notre pays.

Je puis vous rassurer sur ces deux points. Nos amis du camp socialiste ne nous couvrent par d’or (nous ne leur demandons rien, du reste) parce que nous avons renoncé aux dollars. Quant aux techniciens socialistes, à l’exception d’une poignée de médecins et de professeurs (soviétiques), ils regagnent leur pays dès qu’ils ont mis en train l’aide qui nous est destinée. Au demeurant, ils ne sont guère nombreux. Mais ce qu’on ne vous a probablement pas dit, c’est que tous les instructeurs étrangers de notre Armée sont des officiers français, que 90% des professeurs étrangers de notre Enseignement sont français, que notre Administration n’utilise que des Experts français, même dans les secteurs les plus confidentiels. Et la France, pour autant que je sache, ne saurait être classée, si hardie que soit sa politique étrangère, parmi les pays communistes…

Il est une autre légende contre laquelle je voudrais m’élever, pour le tort qu’elle cause, non seulement à mon pays, mais aussi à la vérité. On a dit et répété, dans certains milieux occidentaux, que le Cambodge est préservé du communisme par la « barrière » que dressaient autour de lui ses voisins – Sud-Vietnam, Sud-Laos, Thaïlande, qui s’efforceront « d’endiguer la marée rouge ». Cette protection, qui nous permettrait de vivre dans une heureuse insouciance, nous la reconnaîtrions fort mal, selon ces mêmes milieux, en protestant à la face du monde chaque fois que nos « défenseurs », entraînés par leur zèle, franchissent nos frontières pour y poursuivre « l’adversaire commun ».

Cette thèse ne saurait être retenue, car cette « barrière » est depuis longtemps illusoire et les communistes sont déjà à nos frontières. Les quatre cinquièmes de notre frontière avec le Sud-Vietnam sont occupés, d’une façon permanente ou occasionnelle, par les troupes du Front National de Libération – qu’on appelle à Saigon les Vietcong. Obéissant aux ordres stricts qui leur ont été donnés, ces combattants prennent soin de ne jamais s’aventurer à l’intérieur de notre territoire – n’ignorant d’ailleurs pas qu’ils s’y heurteraient à nos forces. Une partie de la frontière du Sud-Laos, théoriquement le fief de la droite, est occupée, d’autre part, par les « guérilleros » du Pathet Lao. Ceux-ci campent parfois à quelques centaines de mètres de nos postes avancés, où nos officiers les observent à la jumelle. Il est des « barrières », on le voit, qui ressemblent singulièrement à des passoires…

Là où cette barrière s’élève encore, c’est-à-dire à notre frontière avec la Thaïlande, elle apparaît de toute évidence moins faite pour nous protéger que pour empêcher toute communication avec un Cambodge infecté, paraît-il, par le « virus rouge ». Car Bangkok, dont les provinces septentrionales, peuplées de Laotiens, sont pourtant soumises à une intense propagande du Pathet Lao, estime que le danger communiste vient aussi du Cambodge – le seul pays d’Indochine où, justement, il n’y ait pratiquement pas de communistes.

La vérité est que les frontières, dans notre Asie troublée, n’ont jamais arrêté la pénétration du communisme. Le Général de Lattre, le meilleur capitaine que la France ait eu en Indochine, nous avait assuré que ses forces étaient le « rempart » qui nous protégeait en plus nombreux chez nous, et c’est nous qui avons dû lui tenir tête jusqu’à son évacuation, ordonnée par la Conférence de Genève, en 1954.

J’ajoute, pour votre information, que nos soi-disant « protecteurs » sud-vietnamiens se sont livrés, au cours de ces cinq dernières années, à plus de 260 incursions sur notre territoire, à la poursuite, disaient-ils le plus souvent, des Vietcong. Le malheur a voulu que toutes les victimes de ces incursions – hommes, femmes et enfants – soient sans exception d’inoffensifs paysans khmers. Une « barrière » de ce genre, non merci !

Je sais mieux que personne, vous vous en doutez bien, comment s’exercent à notre encontre les propagandes étrangères et quels sont les arguments qu’elles emploient. J’ai lu à peu près tout ce qu’on peut écrire sur mon pays. Or, nous n’avons pas une presse très importante, ni une radio très puissante, ni des moyens qui nous permettaient de créer des « lobbies » à notre dévotion dans les capitales qui nous sont hostiles, pour renverser les tendances – je ne parle pas de Paris, bien sûr.

C’est pourquoi vous voyez un Chef d’Etat tenter d’expliquer lui-même la situation de son pays et répondre aux critiques qu’on porte contre celui-ci.

En ce qui concerne la France, nous avons besoin, parce que nous l’aimons et tenons à son estime, qu’elle ait de nous une image véridique.

Les plus vives critiques dirigées contre notre neutralité sont le fait que les Etats-Unis d’Amérique, qui ne comprennent pas pourquoi un pays qui s’est farouchement battu contre le Vietminh jusqu’à l’armistice de 1954 est devenu à partir de 1956, l’ami des pays difficile à comprendre.

Je me permettrai, si vous le voulez bien, de répondre ici à cette critique – à laquelle une partie de l’opinion française est sans doute sensible.

Il ne faut pas oublier, pour commencer, qu’à la Conférence de Genève notre neutralisation et notre indépendance ont été garanties par des puissances qui comprenaient l’Union Soviétique et la Chine Populaire. Depuis 1954, d’autre part, en échange de notre non-alignement, les puissances socialistes, non seulement se sont abstenues de nous causer le moindre tort, mais se sont montrées parfaitement correctes à notre égard et nous ont même offert leur amitié.

Refuser cette amitié pour complaire aux Américains, c’était susciter le ressentiment des socialistes, devenir leurs adversaires et connaître finalement le sort tragique du Laos et du Sud-Vietnam. On me reproche d’avoir accepté la main tendue par les communistes nos ex-ennemis. Mais on ne reproche pas à la France de s’être réconciliée et alliée avec l’Allemagne, ni aux Etats-Unis d’être devenus les associés et alliés du Japon. Or nous Khmers, ne sommes pas les alliés du camp socialiste, ni d’ailleurs de personne. Notre Parlement a voté une loi sur la neutralité qui nous interdit toute alliance avec qui que ce soit, et nous nous y tenons scrupuleusement. Y aurait-il donc deux morales en matière de rapports internationaux.

Nous avons été, c’est bien vrai, les amis des Etats-Unis. Juste après la seconde guerre mondiale, l’Amérique représentait un grand espoir pour les Asiatiques. Elle était le symbole de l’anticolonialisme, du libéralisme, de la démocratie, de la justice, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Nous-mêmes avions accepté avec reconnaissance que les Etats-Unis fournissent en exclusivité une aide militaire à notre armée – ce qui risquait de nous faire qualifier par les socialistes de « neutres pro-occidentaux ».

Mais les désillusions sont bien vite venues. Dès 1954, nous avions conçu quelque inquiétude de voir les U.S.A. refuser d’entériner les accords de Genève – qui, je le rappelle en passant, assuraient notre neutralisation. Nous assistâmes, avec plus d’inquiétude encore, à la naissance, sous son « ombrelle protectrice » - initiative qui, si nous l’avions acceptée, nous rangeait d’office dans le camp anti-communiste.

Or nous sortirons à peine de huit pénibles années d’insécurité, de destruction et de misère. Les Vietminh avaient enfin évacué notre pays et notre peuple n’aspirait qu’à la paix, qui seule nous permettait de reconstruire le pays. Personne ne m’aurait suivi si, pour être agréable à Washington, j’avais attiré la « foudre » communiste sur nos têtes.

Dès 1955, M. Foster Dulles choquait vivement notre opinion – point encore hostile aux Etats-Unis- en déclarant le neutralisme « immoral ».

Mais c’est en 1958 que nos relations se gâtèrent vraiment. Nos voisins et vieux adversaires sud-vietnamiens envahirent sans crier gare notre province de Stung-Treng, déplacèrent à leur convenance les bornes- frontières et se maintinrent pendant deux mois et demi, avec des forces importantes, sur un territoire qu’ils s’étaient arbitrairement appropriés.

Non sans quelque candeur, nous demandâmes aux Etats-Unis d’user de leurs bons offices auprès de Saïgon pour mettre fin à une dispute qui risquait de tourner fort mal. Washington s’y refusa, sous prétexte qu’il ne pouvait prendre parti entre deux nations amies. Si, finalement, les Sud-Vietnamiens évacuèrent notre sol, ce fut à la suite, non d’une démarche américaine, mais d’un solennel avertissement lancé depuis Pékin par MM. Choi en Laï et Chen Yi.

Cette incursion nous apprit bien d’autres choses. L’ambassadeur des U.S.A., M. carl Strom, m’avertit d’abord, au nom de son Gouvernement, que le matériel militaire donné par son pays au Cambodge, devait être exclusivement réservé à la lutte contre les communistes, et en aucun cas employé contre les alliés des U.S.A. Comme nous ne disposions alors que d’armes américaines, il ne nous restait plus qu’à utiliser contre les agresseurs sud-vietnamiens des coupes-coupes, des gourdins et des pierres.

Au reste, il aurait peut-être été plus prudent de nous en tenir à ces moyens héroïques de défense. Car ledit matériel américain était à bout de souffle. Les G.M.C. sur lesquels nous entassâmes nos renforts pour Stung-Treng tombèrent en panne les uns après les autres et c’est finalement grâce à des camions civils réquisitionnés que nos soldats purent atteindre leur destination. Cela n’a jamais été oublié par nos troupes.

Les années suivantes, il devient évident que les Américains, malgré de nombreuses déclarations apaisantes, étaient décidés à mettre fin à notre régime et à notre neutralité, qui offraient un trop « mauvais exemple » à leurs alliés, nos voisins. Tous les moyens furent employés pour parvenir à cette fin.

En liaison avec les gouvernements de Saïgon et de Bangkok, les Etats-Unis favorisèrent le complot sécessionniste du général Dap Chhuon, gouverneur de la Province de Siemreap. Dap Chhuon, chez qui nos forces saisirent un trésor de guerre composé de six valise de lingots d’or, disposait d’un émetteur radio, servi par deux spécialistes sud-vietnamiens, qui assurait en permanence le contact avec Saïgon d’une part, avec l’Ambassade des U.S.A. à Phnom-Penh d’autre part. C’est le diplomate américain Victor Matsui, en réalité agent de la C.I.A., qui était chargé d’aider Dap Chhuon. M. Matsui, américain d’origine japonaise, couvert par l’immunité diplomatique, quiita Phnom-Penh en catastrophe à l’annonce de l’échec de son « poulain ». Il court encore…

Il y eut aussi une bombe au plastic adressée à la Reine ma mère, qui explosa au Palais Royal, épargnant mes parents par miracle, mais tuant le Chef du Protocole et quelques serviteurs. Cette bombe avait été fabriquée à Saïgon sous la supervision de spécialistes américains et introduite au Cambodge par des agents de Diem et des U.S.A., comme l’enquête le démontra.

Ce n’est pas tout : quelques centaines d’ambitieux déçus et aigris, dirigés par l’ancien Président du Conseil pro-japonais Son Ngoc Thanh, s’étaient réfugiés, les uns en Thaïlande, les autres au Sud-Vietnam, où ils vivotaient. La C.I.A., comme tous les prisonniers que nous avons pu faire le révélèrent, leur fournit en abondance, par l’intermédiaire des autorités de Saigon et de Bangkok, armes, équipement et argent – voire même des instructeurs – ainsi que deux puissants émetteurs radio grâce auxquels ils insultent notre Gouvernement et votre serviteur à longueur de journée. De temps à autre, leurs maîtres les lancent contre nos villages et nos postes frontaliers – tout comme les anti-castristes réfugiés en Floride sont appelés à effectuer des débarquements à Cuba. Je dois dire que nos rebelles n’ont pas plus succès que leurs collègues des Caraïbes, et qu’ils payent souvent de leur vie l’erreur de s’être fait les mercenaires de l’étranger.

Je vous rappellerai également la participation active du personnel militaire américain accompagnant les forces sud-vietnamiennes – participation prouvée par le témoignage de nos habitants et des prisonniers – dans toutes les incursions de ces derniers mois contre notre territoire, notamment les sanglantes affaires de Mong, Chantrea, Orek Taey, où tant de nos paysans furent tués – les « vainqueurs » emmenant l’argent, les vélos, les porcs même, dans leurs véhicules amphibies offerts par les contribuables américains au Sud-Vietnam pour « contenir la marée rouge ».

Je citerai enfin le « barrage » systématique qu’opposent les Américains à notre projet de Conférence Internationale pour la neutralisation garantie et contrôlée du Cambodge et la reconnaissance de ses frontières ; les accusations, naguère officieuses, aujourd’hui officiels, selon lesquelles notre pays serait un refuge, un « sanctuaire » pour les Vietcong (ce qui tend à justifier des expéditions militaires contre notre territoire) ; enfin l’aveu d’un correspondant bien connu et fort bien informé du quotidien américain Washington Post, selon lequel « une forte demande émane du Pentagone pour une intervention directe au Cambodge en vue de renverser le neutraliste fantasque Norodom Sihanouk.

Voici, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, sommairement exposées, quelques-unes des raisons qui font que nous ne pouvons être, quant à présent du moins, les amis des Etats-Unis d’Amérique. Tout pays qui aurait été traité comme le nôtre, avec autant de brutalité et de mauvaise foi, n’aurait pu qu’adopter la même attitude – à moins qu’il ne manque totalement de dignité et de courage.

Est-ce à dire que nous sommes pour toujours les ennemis des U.S.A. ? Je ne le souhaite nullement, pas plus que mes compatriotes. Je connais et j’aime le peuple américain, un peu naïf sans doute, mais simple, hospitalier, sincère, pétri de bonnes intentions.

Dans mes pires démêlés avec l’Administration américaine, dans mes pires difficultés avec la presse d’Outre-Atlantique, il s’est toujours trouvé des Américains de bonne volonté pour m’écrire : « Ne nous jugez pas tous d’après quelques-uns ; continuez à lutter pour votre pays : nous admirons votre patriotisme et nous sommes avec vous ». Des professeurs réputés ont pris courage ment notre défense dans des livres, dans des conférences, des articles de presse. Des cercles intellectuels, des étudiants m’ont demandé des causeries et m’ont fait part de leur sympathie.

Si l’Administration – souvent pour des raisons de politique interne – se conduit aussi mal que possible à notre égard, les réactions saines d’une partie de l’opinion américaine, les discours d’hommes politiques de valeur tels que les Sénateurs Mike Mansfiel, Wayne Morse, Fullbright – et bien d’autres – montrent que les yeux commencent à s’ouvrir et j’espère qu’un jour viendra où les dirigeants américains eux-mêmes reconnaîtront les erreurs et les injustices commises. Mais je crains fort que ce ne soit au lendemain d’un Dien Bien Phu diplomatique ou militaire.

J’en viendrai maintenant à nos relations avec la Chine. Ces relations – je ne vois pas d’autre mot pour les qualifier – sont particulières.

La Chine n’est pas notre voisin immédiat, mais sa grande influence, malgré quelques éclipses, s’est toujours fait sentir dans toute l’Asie du Sud.

Il se trouve que, depuis les premiers siècles de notre existence en tant que nation, nos rapports avec la Chine ont toujours été excellents. Jamais cette puissance, quel que soit son régime, n’a manifesté à notre encontre la moindre tendance à l’impérialisme ou à l’annexionnisme.

Actuellement, les quelque 300 000 Chinois qui vivent chez nous respectent, sur les ordres formels de Pékin, notre souveraineté et s’abstiennent de toute activité de subversion auprès de notre peuple. Bien mieux, beaucoup pénètrent, par la voie de mariages mixtes, dans la société khmère : ils deviennent dès lors sans difficulté – et a fortiori leurs enfants – de loyaux sujets du Royaume. Les Sino-Khmers, intelligents, actifs, ne connaissent plus, au bout d’une ou deux générations, la langue chinoise. Vivant heureux sur notre sol, y gagnant largement leur vie, ils sont « khmérisés » à cent pour cent et fournissent à notre pays la plupart de ses grands commerçant et quelques-uns de ses meilleurs fonctionnaires.

Au contraire, les quelque 400 000 Vietnamiens résidant au Cambodge forment un groupe ethnique fermé, et les mariages mixtes sont très rares. Je ne leur reprocherai pas de mal se conduire à notre égard. La politique intérieure vietnamienne les occupe trop pour qu’ils se mêlent beaucoup de la politique cambodgienne. Ils savent, d’ailleurs, que notre Police est sans indulgence à l’égard des fauteurs de troubles étrangers.

Les relations entre Khmers et Vietnamiens du Cambodge sont donc correcte. Mais elles sont beaucoup moins confiantes qu’avec les Chinois. Car aucun de nos compatriotes n’oublie que les Vietnamiens, de même que les Thaïlandais, sont nos adversaires traditionnels et n’ont jamais renoncé à absorber ce qui reste de notre territoire national : les Sud-Vietnamiens continuent à réclamer l’ensemble de nos îles côtières, les Thaïlandais ne renoncent pas à récupérer le temple de Preah Vihear (qui nous a été restitué, je vous le rappelle, par décision de la Cour internationale de la Haye), et organisent une action subversive d’envergure pour s’emparer de notre province maritime de Koh Kong, la plus poissonneuse du golfe du Siam. J’ajoute qu’un pays qui ne nous avait jusqu’ici montré aucune hostilité, le Laos, dont nous avons sauvé l’existence à la Conférence de Genève 1961-1962 (réunie, on l’oublie trop souvent, sur notre requête) en vient, lui aussi, et malgré la situation lamentable où il se trouve aujourd’hui, à revendiquer notre province de Stung-Treng. Cette réclamation provient, non du Pathet Lao, mais de la droite et des neutralistes, ou soi-disant tels, du Prince Souvanna Phouma.

Nous sommes donc entourés de gens qui rêvent de s’agrandir à nos dépens – et ces gens-là sont des alliés, des protégés des Etats-Unis. Malgré cela, les Occidentaux, à l’exception de nos amis français toujours compréhensifs à notre égard, nous demandent de n’accorder aucune attention à ces exigences territoriales – puisqu’elles proviennent de puissances du monde libre – et à craindre plutôt le « Dragon Chinois » - puisqu’il est communiste. Nous vivons vraiment, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, dans un monde à l’envers, d’où toute logique, tout bon sens sont bannis.

Bien entendu, si notre région doit être un jour submergée par le communisme, souhaitons-nous sincèrement que soit la Chine, et nulle autre puissance socialiste, qui prenne en charge notre pays, car nous savons qu’elle nous comprend et qu’elle maintiendra, en tout état de cause, notre intégrité territoriale.

Il va de soi que nous essaierons jusqu’au bout de n’être les satellites de personne. Les Khmers royalistes, nationalistes, aiment leurs traditions, attachés à leurs libertés et à leur joie de vivre, n’ont aucune prédisposition pour la satellisation. C’est pourquoi je lutte, au milieu d’immenses difficultés, pour maintenir mon pays indépendant et hors des camps.

On me dit parfois que nous ne devons pas nourrir d’illusions, que notre neutralité ne peut tenir éternellement et qu’un jour viendra où nous serons « avalés » par le camp vainqueur – qui, selon toute vraisemblance, sera, pour notre région, le camp chinois.

Je sais bien que nous ne pourrons maintenir notre position actuelle jusqu’à la fin des temps et que même si le monde socialiste accepte actuellement, comme beaucoup le croient, la perspective d’une assez longue pause dans sa marche vers la conquête, un jour viendra où il s’estimera assez fort pour imposer sa loi.

Dans une telle hypothèse, le destin du Cambodge sera éviemment scellé. Mais nous aurons connu cinq ans, dix ans, peut-être quinze ans supplémentaires de paix et de sécurité – ce qui est, en tout cas de cause, bon à prendre. Nous villes et nos compagnes n’auront pas été ravagées, des centaines de milliers de nos compatriotes auront évité la souffrance et la mort, notre édification nationale aura été menée bien – ce dont notre peuple, quel que soit le régime où il vivra, profitera toujours.

Par ailleurs, ce temps gagné, ces années sauvées, permettront sans doute au communisme de continuer son évolution, très sensible depuis quelque temps. Il n’y a déjà plus, en fait, de « camp socialiste » uni. De plus en plus, les pays socialistes européens mènent leurs affaires selon leurs intérêts propres dans une indépendance grandissante à l’égard des chefs de fils les plus révérés. La nation de « satellite » s’estompe en attendant sans doute de disparaître. Ce qui se passe en Europe se passera nécessairement en Asie, compte tenu du retard des nations de ce contient sur les nations européennes du point de vue de l’équipement, de l’industrie, de l’infrastructure, etc. Une fort intéressante indication en est donnée par le Président Ho Chi-Minh de la R.D.V.N., qui interviewé récemment pour le compte de la R.T.F. par Danielle Hunebelle, a souligné avec énergie que son pays se refusait à être le satellite de quiconque, même de la Chine Populaire.

On peut espérer aussi que, sous l’impulsion de nation hardiment novatrice comme la France – qui est actuellement la nation de l’Ouest la plus respectée et la plus écoutée en asie – le monde occidental évoluera à son tour dans ses rapports avec le monde communiste, que les frictions disparaîtrons peu à peu et qu’un « modus vivendi », basé sur l’intérêt commun, remplacera l’affrontement actuel, aussi dangereux que stérile.

Gagner du temps, pour un peuple comme le nôtre, c’est éviter à coup sûr une inutile destruction, c’est aussi augmenter ses chances de conserver une certaine indépendance et une certaine liberté. Comme, de toute façon, ce ne sont pas 5 800 000 Cambodgiens et une armée de 29 000 hommes qui changeront la face des évènements en Asie, nous n’avons rien d’autre à faire qu’à rester le plus longtemps possible ce que nous sommes.

On nous demande parfois, pour les raisons que vous imaginez si nous ne sommes pas quelque peu « simplets » en croyant aux bonnes paroles que nous prodiguent les puissances communistes. « Croyez-vous réellement qu’elles vous aiment pour vos beaux yeux ? » ajoute-t-on.

C’est vraiment nous prendre pour plus sots que nous ne sommes. Si nous étions aussi naïfs, nous n’occuperions pas la position, somme toute enviable, où nous nous trouvons placé, nous ne mériterions pas l’éloge qu’à bien voulu faire de nous le général de Gaulle lorsqu’il a dit : « Le Royaume Khmer, par son unité nationale solidement maintenues, par l’exemple qu’il donne du maintien sur son territoire de la liberté, de la paix et de l’ordre public, est un facteur exemplaire de stabilité dans la région ».

En fait, nous savons parfaitement que tout pays, qu’il soit grand ou petit, n’agit que selon son intérêt, et jamais pour les beaux yeux d’un autre.

Nous aussi, lorsque nous nous lions d’amitié avec le camp socialiste – et avec d’autres puissances – c’est parce que nous y trouvons notre avantage. Pour le moment, par exemple, l’intérêt des pays socialistes est de nous soutenir, de nous respecter. Notre intérêt à nous est d’accepter ce soutien et ce respect. Mais nous restons sans illusions à l’égard de quiconque. Entre gouvernements, l’amitié n’est que la coïncidence des intérêts.

Je crois qu’il serait équitable de juger notre neutralité, non point d’après l’état de nos relations avec les puissances de l’un ou de l’autre bloc, mais d’après notre conduite sur le plan pratique.

Or il est évident que, jusqu’ici, nous ne sommes devenus les satellites, ni même les alliés de personne. Que nous ne tolérons pas chez nous les propagandes idéologiques subversives. Que nous n’acceptons aucune base, aucune troupe étrangères sur notre territoire, mais simplement une coopération avec les nations qui nous la proposent et se conduisent correctement à notre égard – en l’espèce la France et quelques pays socialistes. Qu’en politique étrangère nous n’avons jamais adopté une politique d’hostilité systématique à l’égard des pays occidentaux (qu’on veuille bien rapporter, par exemple, à nos divers votes aux Nations Unies, et l’on verra que nous sommes jamais ingérés dans les affaires des autres, même des nations voisines hostiles, à qui nous aurions pourtant pu créer de nombreuses difficultés, etc.

Telle est, dans la réalité des faits, la neutralité khmère, souvent qualifiée à tort de « neutralisme ».

Et pourtant, on doit admettre que l’attitude carrément hostile et parfois intolérable adoptée depuis plusieurs années à notre égard par les Etats-Unis et leurs protégés asiatiques aurait conduit bien des nations, à notre place, à se jeter dans les bars des communistes. Moi-même, que la presse américaine traite couramment de fou, d’excentrique, de déséquilibré  (ce qui me fait sourire, mais indigne au plus haut degré le peuple khmer qui m’est très attaché), j’ai veillé personnellement à ce que notre position générale ne dévie pas.

Chaque fois que l’on m’apporte une coupure de la presse américaine, je suis certain d’y trouve, au regard de mon nom, l’épithète : « mercurial », qui veut dire « changeant ». Bien sûr, mes méthodes varient. Pour tenter de parvenir à la neutralisation complète et au contrôle généralisé de mon pays, j’ai fait des tentatives en diverses directions. J’ai essayé du côté occidental, ne rencontrant la France exceptée, qu’ironie ou rebuffades : j’ai essayé du côté socialiste, trouvant un meilleur accueil, mais suscitant les pires menaces des Etats-Unis, qui n’admettent pas que nous cherchions ailleurs ce qu’ils nous refusent.

Si j’ai adapté mes méthodes aux changements de la conjoncture aux diverses possibilités qui s’offraient pour le présent et surtout pour l’avenir des frontières et de l’indépendance de mon pays. Depuis dix ans, le plus strict censeur ne peut enregistrer aucun changement à cet égard. Si ma tactique est « souple », ma politique est rigide. Et je suis reconnaissant à un éminent professeur américain, M. Armstrong, auteur du livre : Sihanouk parle, d’avoir écrit : « C’est un fait curieux que le Cambodge, surtout grâce aux efforts du Prince Sihanouk, son ancien roi, a atteint un niveau de stabilité, de progrès et de prospérité inhabituels dans la région ». Le même professeur ajoute : « Le Cambodge est la seule partie de l’ancienne Indochinoise qui ait gardé son intégrité territoriale et sa souveraineté non compromises ». Et, après avoir dressé un noir mais véridique tableau de la situation générale en Indochine, il conclut : « Seul le Cambodge semble avoir résisté aux tempêtes de la guerre froide ».

Permettez-moi maintenant, si je n’abuse pas votre patience, d’élargir le problème et de vous parler, non seulement en tant que Cambodgien, mais en tant qu’Indochinois et même en tant qu’Asiatique.

Je crois que le grand tort du monde libre (la France, encore une fois, exceptée) a été de se refuser à reconnaître que son intérêt bien compris était, non pas de détruire, mais au contraire de renforcer la neutralité que le Cambodge a édifiée par ses propres efforts et qui aurait pu constituer un solide noyau nationaliste à partir duquel aurait pu être bâti le « cercle » des nations non engagées d’Indochine.

Ce refus a été imposé aux puissances occidentales – U.S.A. et Grande-Bretagne – par leurs protégés asiatiques, les Sud-Vietnamiens et surtout les Thaïlandais, qui ont fait l’impossible – afin d’assouvir des haines anciennes – pour dissuader leurs protecteurs de s’engager dans la voie du « neutralisme », qu’ils présentaient comme « l’antichambre du communisme ».

Il était pourtant profondément illogique de refuser au Cambodge la reconnaissance internationale de sa neutralité – au Cambodge qui a maintenu sa neutralité depuis dix ans contre vents et marées – et d’accorder au Laos en proie à la guerre civile et où les neutralistes sincères se comptaient sur les doigts d’une main.

La raison de cet apparent illogisme n’est que trop évidente. On a cru un temps, à Washington et à Londres, que l’accord sur le Laos permettrait de duper Pékin, Moscou et Hanoï, et de les amener à se « désengager » du royaume lao tandis que l’Occident continuerait, par divers biais diplomatiques et politiques, à soutenir les forces de droite qui étaient alors sous le commandement du général Phoumi Nosavan.

C’était faire bon marché de la perspicacité et de la vigilance des nations socialistes. Aucun désengagement ne viendra de ce côté si les Occidentaux ne donnent pas la preuve qu’ils sont prêts à « jouer le jeu » honnêtement. Il est certain que les communistes n’abandonneront pas par bonté d’âme à leurs adversaires les gains territoriaux, moraux et psychologiques qu’ils ont pu acquérir. Aussi donnerai-je peu de chances à la Conférence (restreinte) de Zurich sur le Laos, « mijotée » par les Anglais pour échapper à une véritable confrontation internationale… et à une défaite militaire trop prévisible de la droite phoumiste. Les Anglais ont eu, pendant longtemps, une grande réputation d’habilité. Depuis qu’ils marchent – pour sauver Singapour et Malaysia – dans le sillage américain, ils paraissent nettement moins bien inspirés.

La seule solution qui ait une chance de ramener la paix dans cette région, est et reste l’adoption de la proposition présentée voilà quelques mois par le Cambodge et plus récemment par la France, à savoir réunir une Conférence de tous les pays intéressés pour examiner l’ensemble du problème indochinois – conférence qui, si elle aboutissait dans le sens que souhaitent ses promoteurs, conduirait à la neutralisation garantie et soigneusement contrôlée du Cambodge, du Laos et du Sud-Vietnam.

Certains veulent relever une contradiction de la politique française dans le fait que la France entend favoriser le désengagement de l’Indochine tout en prêchant le renforcement de la solidarité des nations européennes contre le communisme.

Je ne vois là aucune contradiction, car l’Europe et le Sud-Est Asiatique sont des choses très différentes, par la position géographique, la mentalité et le niveau de vie des peuples, la puissance militaire, le régime politique.

Bien souvent, en Europe occidentale, le neutralisme n’est pas nécessaire ou n’a pas de sens. Le niveau de vie est en général nettement plus élevé que celui des pays communistes proches. La puissance militaire et industrielle soutient facilement la comparaison avec celle du bloc socialiste – même l’U.R.S.S. n’a pas à cet égard une supériorité écrasante sur l’Europe de l’Ouest. Le régime occidental est la plupart du temps réellement démocratique et l’association entre pays de même tendance se fait, sauf rarissimes exception, sur une base d’égalité.

Les Etats du Sud-Est asiatique, par contre, écrasés par la proximité de la Chine Populaire et de la République Démocratique du Nord-Vietnam, ligotés par les intrigues des U.S.A., sont bien loin de jouir des mêmes avantages. La plupart, restés sous-développés, vivent sous des régimes dictatoriaux qui ignorent la justice sociale. Ils n’ont même pas de puissance militaire propre – les pays soi-disant « fort » militairement : Sud-Vietnam, Formose, Thaïlande, ne le sont que par la grâce des Etats-Unis, et cesseront de l’être lorsque ceux-ci décideront de réduire ou de supprimer leurs crédits. Enfin, et compte tenu de tout ce qui précède, ils ne sont pas susceptibles d’être des alliés à part entière de l’Occident.

J’ajouterai que la chine populaire et la république démocratique du Nord-Vietnam, quelque crainte qu’elles puissent inspirer, sont malgré tout, des nations « jaunes » - c’est-à-dire, pour la plus part des asiatiques, des « nations-sœurs ». Tandis que les Américains, même s’ils se présentent comme « non-colonialistes », sont et restent pour nos peuples des « blancs », des étrangers à notre continent.

Or, si le chant des sirènes communistes peut laisser indifférents les Européens de l’Ouest, il n’en est pas de même des asiatiques dont le pays est occupé par des « blancs », dirigé par un gouvernement dictatorial et souvent corrompu. Qui n’offre au peuple aucune justice, aucun avantage social – seulement une perspective indéfinie de guerre, de destruction et de misère.

C’est le mérite du général de Gaulle d’avoir compris cette différence fondamentale entre le problème communiste en Europe occidentale, et le même problème en Sud-Est Asiatique.

L’Occident ne peut donc qu’échouer lorsqu’il tente d’aligner sur lui, contre le communisme, les pays du Sud-Est asiatique. Le choix lui reste entre la neutralisation de ces pays, ou la poursuite d’une guerre insensée qui n’évitera pas la communisation, mais qui risque de déclencher un conflit généralisé dans notre région.

Mon ressentiment pour les Américains provient, non pas du fait que je sois pro-communiste, mais bien au contraire du fait que les U.S.A., en s’obstinent à continuer une guerre perdue d’avance et en cherchant à détruire les neutres, se font, sans en être conscients, les meilleurs agents du communisme en Indochine. Si le Cambodge est prochainement entouré de nations « rouges », il le devra sans aucun doute possible aux Américains, à propos desquels un diplomate soviétique a reconnu devant moi qu’ils servaient le camp socialiste « bien mieux que les meilleurs propagandistes marxistes ».

Washington tente de mystifier l’opinion publique occidentale en lui présentant sa guerre au sud-Vietnam comme une guerre de libération, faite à la demande du peuple vietnamien lui-même et dans son seul intérêt – une guerre très différente, moralement et matériellement, de la guerre « coloniale » que menaient autrefois les « impérialistes français » en Indochine.

J’ai bien des raisons d’être anti-colonialiste. Mais je dois à la vérité de reconnaître que, dans leur guerre contre le vietminh, les Français ont bénéficié de la coopération de beaucoup d’Indochinois patriotes, qui espéraient que ce combat déboucherait un jour sur l’Indépendance.

Les Américains, qui prétendent lutter au Sud-Vietnam pour « la liberté et la démocratie », pour « le bonheur du peuple vietnamien », n’ont par contre aucune patriote à leur côté, tant parmi les masses que parmi l’élite – en dehors de la poignée d’ambitieux qu’ils ont hissés au pouvoir et qui n’y demeuraient pas un instant sans leur présence et leur protection.

Le peuple vietnamien est hostile à toute occupation étrangère. Il est las d’une guerre qui, sous des aspects divers, dure depuis vingt-cinq ans et dont les Etats-Unis seuls l’empêchent de voir la fin. Il est las des dictateurs, civils et militaires, que les U.S.A. lui imposent depuis 1955. Il réclame un minimum de liberté et de démocratie et s’indigne de voir ses gouvernements (qui ne l’ont jamais consulté et ne représentent qu’eux-mêmes) recevoir avec soumission les ordres de Washington.

Le résultat est très clair : le Vietcong contrôle actuellement les quatre cinquièmes du Sud-Vietnam, le cinquième demeurant, de jour tout au moins, sous l’autorité des Américains et de leurs protégés de Saigon.

Et l’on voudrait que notre pays suivît l’exemple Sud-Vietnamien alors qu’il est le seul de toute l’Indochine où l’on connaisse la paix, la sécurité, le progrès et le bonheur de vivre ?

Il faudrait vraiment que nous ayons la vocation du suicide pour marcher dans la voie où les U.S.A. ont entraîné les infortunés peuples vietnamien et laotien.

Les chefs de file du monde occidental nous accusent alors d’être pro-communistes – accusation qu’ils lancent automatiquement contre ceux qui objectent à leur folle tactique. Ils ne se rendent pas compte que notre différend avec eux provient essentiellement, non pas de notre sympathie pour le communisme, mais de la différence de nos conceptions quant au moyen d’éviter la communisation de l’Indochine.

Notre conception est la suivante :


 

 

 

- Créer une zone-tampon, composée du Cambodge, du Sud-Vietnam et si possible du Laos, qui sépare réellement les communistes et les occidentaux dans cette région où ils s’affrontent très dangereusement et pour eux, et pour nous.

 

 

 

-       Obtenir le désengagement complet des Américains du Sud-Vietnam et du Sud-Laos, afin d’obtenir un désengagement complet, simultané et parallèle, des communistes au Sud-Vietnam et au Laos.

-       Réaliser la neutralisation de nos trois pays sous garantie formelle de l’Est et de l’Ouest, avec contrôle sérieux approprié.

-       Satisfaire aux aspirations populaires profondes à une démocratie et une liberté réelles, et surtout à l’indépendance.

-       Satisfaire aux aspirations populaires à la paix, à la justice sociale et au progrès (comme nous le faisons avec passion au Cambodge)    

 A 

cet égard, je voudrai souligner que le socialisme khmer, considéré par certains Occidentaux comme une preuve de notre inclination vers le communisme, est au contraire destiné à concurrencer celui-ci en offrant à notre peuple, jour après jour, tout ce que la propagande marxiste promet de lui offrir… au bout de plusieurs générations, et en échange de sa liberté.

 J

e dois tout de même, pour être honnête, prévenir que ce « plan de sauvetage » de l’Indochine non communiste risque chaque jour davantage d’être dépassé. Les progrès du communisme sont tels au Sud-Vietnam et au Laos que la perspective d’y installer des gouvernements nationalistes et neutres devient de plus en plus aléatoire, tandis que se confirme la probabilité de l’installation de gouvernements purement communistes.

 

Il est évident que le camp socialiste, qui accepte encore aujourd’hui la neutralisation des trois pays, n’aura plus aucune raison de le faire demain. Je le répète : demain, il sera trop tard.

 

Je vous demande de m’excuser, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, de vous avoir si longuement exposé nos problèmes et ceux du Sud-Est Asiatique.

 

Mais où aurais-je pu développer ces problèmes, d’une si grande importance pour la paix du monde et l’état des relations Est-Ouest, mieux que devant un auditoire aussi réceptif et indépendant d’esprit que le vôtre, en ce pays de France que j’aime parce que le bon sens et la logique y furent toujours respectés, parce que le racisme y est inconnu, parce que je ne m’y sens nullement un étranger ?

Je vous remercie de votre attention et de votre patience. 


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15 juillet 2010 4 15 /07 /juillet /2010 09:00

Presse de Son Excellence Sim Var, Institute of Southeast Asian Conference on November 3, 1987

Ladies and representatives of the press, welcoming you in this room of the Institute of Asian Southeast, central Committee of the movement for the support of Khmer freedom (Moulkhmer) you contact more thanks for having kindly accept to attend this Conference press on the occasion of its tenth anniversary.

These thanks are even more sincere than many apprehensions darkening the future of Cambodia where raging since 9 years an unjust war... And we say: an unfair, because it is the resultant of a tension between the R.P.C and U.R.S.S global hegemony in Southeast Asia fighting war.

Instead of directly battle between them, these two major powers have preferred fighting indirectly, home, small inlets country: one side is the NVN (supported by the Soviet Union) that has held since January 1979 our territory, the other Cambodian resistance movements supported by the R.P.C.

To help you understand the imbroglio Cambodian, that let me remind you here, briefly, the historical facts dating back to the year 1953: at this time, France had given its return to national independence in Cambodia. The following year was the Geneva Conference in which participated the five members of the UN Security Council powers. On this occasion, the King of Cambodia had urged this Conference for obtaining a status of neutrality to Cambodia "like Switzerland", said it. To repeat the people as neutral Cambodia would be untouchable.

These members of the Conference were more that amazed by demand of Norodom Sihanouk, because they didn't the Cambodia would be able to follow the example of Switzerland, their King himself ignoring all of this country and its system of defence. This does not prevented them surrender, having taken however the precautionary appoint an international control Commission, chaired by the delegate of India, assisted by the Canadian delegate, and the Polish delegate.

To 1963, Norodom Sihanouk authorized Nord-Vietnamiennes troops in the American Expeditionary combat to settle in sanctuaries in Cambodian territory. This is in flagrant violation of Cambodian neutrality claimed by same Norodom Sihanouk a few years earlier.

At the same time, gave the order to his army to carry weapons and munitions delivered by the R.P.C. maritime port of Kompong Som, for Vietnamese, which not happy to shelter us, moved up to commit abuses to the prejudice of the living near the border of Vietnam, Cambodia not soon to show their discontent.

Made aware of these facts, Norodom Sihanouk tried to oppose, but in vain, and Vietnamese troops continued to requisition harvests, Buffalo, or porters coolies oxen.

In 1969 he took fear; but this does not prevented him leaving, in 1970, abroad, on the pretext that he wanted to deal with valuable health.

In France, he then met the Prime Minister, General Lon Nol, who was in treatment at the American Hospital of Neuilly from an auto accident, and asked him to return to Cambodia to ameuter then abuse by the troops of the N.VN dissatisfied people.

LON Nol, despite his injuries, agreed to return to Cambodia to execute the order of the prince. At that time, it was to be the right arm of Sihanouk. Lon Nol therefore made on the spot to investigate concerned people who believed he found, in him, finally, a saviour.

Prince's goal was to show the world that the Cambodian people was exceeded by the behavior of the Vietnamese troops without having to enter the United Nations. Why is it so? Because at that time, facilitating the entry of the troops in question, he had returned the international control Commission who became an annoying witness. Therefore, Norodom Sihanouk of Cambodia in January 1970, his spirit of immediate return, leaving it to others to solve this insoluble problem that he had created.

The crowd of disgruntled, after having demonstrated on-site frontier, rendered in Phnom Penh, whose inhabitants made common cause with it, to express his dissatisfaction of Parliament where their representatives were.

The service order, quickly overwhelmed, the crowd is transformed into riot, loot the North and South Vietnam, embassies and slaughtered Vietnamese residents wherever they are, in the street or at home.

Made aware of these facts, Norodom Sihanouk sent to Phnom-Penh telegram on telegram to condemn Government of Lon Nol and the National Assembly, whose members reacted by calling the testimony of the prince Sihanouk in his position as head of State, but Lon Nol resisted that pressure until the last minute, i.e. up to 18 March 1970.

Lon Nol put more nothing to save the position of the prince in the moment where the refusal to receive the two emissaries that he sent him to keep it informed of the exact situation. And yet, have decided really to cede only after having been threatened to arrest!

During this time, the prince, sacrificing his cure, was in Moscow to be overprotective, unsuccessfully, for his personal, prior to travel to Beijing where Chou En Lai helped him conclude, with Pham Van Dong, a Pact to enable it to regain, with the help of the Vietnamese troops and the Khmer Rouge, his power he had voluntarily abandon defense weapons.

Beijing, Pham Van Dong made strong destroy the Cambodian army in less than a week, but in reality, it took more time that provided, since in 1973, the delegate of North Vietnam took the Paris Conference to require, probably with the Cambodia Sihanouk is neutral. What Kissinger was not disturb, because the USA were so eager to withdraw their troops from Indochina. And what had to happen arrived : Cambodia, not have an alliance with any, isolated, stripped, couls fall to a greater enemy in men and material. The collapse made 17 April 1975 with the entry of the Khmer Rouge in Phnom Penh: today there are finished really long week of Phan Van Dong, a week that had lasted five years!

Why this return back? To point out the logical circumstances degradation of Cambodia. This is why we allow us to use the mass-média to hear our cry of distress to world opinion, with the desire that UN think at a Conference in the spirit of that which was held in Geneva in 1954.

In the meantime, whereas the khmer-red peril has changed in nature, and that consequently the grounds raised by the Vietnamese to keep troops in Cambodia does more. We allow us to seek the immediate withdrawal of troops and their replacement by the forces of the United Nations, as in Germany Federal. 

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12 juillet 2010 1 12 /07 /juillet /2010 16:17

Conférence de Presse de Son Excellence Sim Var, à l’Institut de l’Asie du Sud-Est, le 3 novembre 1987

 

Mesdames et Messieurs les représentants de la Presse, vous souhaitant la bienvenue dans cette salle de l’Institut de l’Asie du Sud-Est, le comité central du Mouvement pour le soutien de la liberté khmère (Moulkhmer) vous adressez remerciements les plus sincères pour avoir bien voulu accepter d’assister à cette conférence de presse à l’occasion de son dixième anniversaire.

Ces remerciements sont d’autant plus sincères que de nombreuses appréhensions assombrissant l’avenir du Cambodge où sévit depuis près de 9 ans une guerre injuste… Et nous disons : une guerre injuste, parce qu’elle est la résultante d’une tension entre la R.P.C et l’U.R.S.S. qui se disputent l’hégémonie mondiale à partir de l’Asie du Sud-Est.

Au lieu d’en découdre directement entre elles, ces deux grandes puissances ont préféré se battre indirectement, chez-nous, par petits pays interposés : d’un côté se trouve le NVN (soutenu par l’Union Soviétique) qui occupe depuis janvier 1979 notre territoire, de l’autre les mouvements de la Résistance cambodgienne soutenus par la R.P.C.

Pour vous permettre de comprendre l’imbroglio cambodgien, qu’il me soit permis de vous rappeler ici, succinctement, les faits historiques qui remontent à l’année 1953 : à cette date, la France venait d’accorder au Cambodge son retour à l’Indépendance Nationale. L’année suivante eut lieu la Conférence de Genève à laquelle participèrent les cinq puissances membres du Conseil de Sécurité de l’ONU. A cette occasion, le Roi du Cambodge avait insisté auprès de cette Conférence pour obtenir un statut de neutralité pour le Cambodge « comme la Suisse », disait-il. Avant de répéter au peuple que le Cambodge, neutre, serait intouchable.

Ces membres de la Conférence furent plus qu’étonnés par la demande de Norodom Sihanouk, parce qu’ils ne pensaient pas que les Cambodgiens seraient en mesure de suivre l’exemple de la Suisse, leur roi lui-même ignorant tout de ce pays et son système de défense. Cela ne les empêcha pas de céder, après avoir pris toutefois la précaution de nommer une Commission Internationale de Contrôle, présidée par le délégué de l’Inde, assisté du délégué canadien et du délégué polonais.

Vers 1963, Norodom Sihanouk autorisa des troupes Nord-Vietnamiennes en lutte contre le corps expéditionnaire américain à s’installer dans des sanctuaires en territoire cambodgien. Cela en violation flagrante de la neutralité cambodgienne réclamée par le même Norodom Sihanouk quelques années plus tôt.

En même temps, ce dernier, donna l’ordre à son armée de transporter des armes et des munitions livrées par la R.P.C. au port maritime de Kompong-Som, à l’intention des Vietnamiens, qui, non contents de s’abriter chez nous, allèrent jusqu’à commettre des exactions au préjudice des Cambodgiens vivant à proximité de la frontière du Vietnam, qui ne tardèrent pas à manifester leur mécontentement.

Mis au courant de ces faits, Norodom Sihanouk essaya de s’opposer, mais en vain, et les troupes vietnamiennes continuèrent à réquisitionner des récoltes, des bœufs ou des buffles, et des coolies porteurs.

Ce n’est en 1969 qu’il prit peur ; mais cela ne l’empêcha pas de partir, en 1970, à l’étranger, sous prétexte qu’il voulait s’occuper de précieuse santé.

   

En France, il rencontra alors son Premier Ministre, le Général Lon Nol, qui était en traitement à l’Hôpital américain de Neuilly à la suite d’un accident d’auto, et lui demanda de retourner au Cambodge pour ameuter les populations mécontentes des abus alors commis par les troupes du N.VN.

 

Lon Nol, malgré ses blessures, accepta de rentrer au Cambodge pour exécuter l’ordre du prince. A l’époque, il passait pour être le bras droit de Sihanouk. Lon Nol se rendait donc sur place pour enquêter auprès des populations concernées qui crurent avoir trouvé, en lui, enfin, un sauveur.

 

Le but du prince était de montrer au monde entier que le peuple cambodgien était excédé par le comportement des troupes vietnamiennes sans avoir à en saisir l’ONU. Pourquoi agit-il ainsi ? Parce qu’à l’époque, afin de faciliter l’entrée des troupes en question, il avait renvoyé la Commission Internationale de Contrôle qui devenait un témoin gênant. Donc, Norodom Sihanouk part du Cambodge en janvier 1970, son esprit de retour immédiat, laissant à d’autres le soin de résoudre ce problème insoluble qu’il avait créé.

 

La foule des frontaliers mécontents, après avoir manifesté sur place, se rendait à Phnom-Penh, dont les habitants firent cause commune avec elle, pour exprimer ses doléances à l’Assemblée Nationale où se trouvaient leurs représentants.

 

Le service d’ordre, vite débordé, la foule se transforma en émeute, saccager les ambassades du Nord et du Sud Vietnam, et massacra des résidents vietnamiens où qu’ils soient, dans la rue ou chez eux.

 

Mis au courant de ces faits, Norodom Sihanouk envoya à Phnom-Penh télégramme sur télégramme pour condamner le gouvernement du Général Lon Nol et l’Assemblée Nationale, dont certains membres réagirent en demandant la déposition du prince Sihanouk de son poste de Chef de l’Etat, mais Lon Nol résista à cette pression jusqu’à le dernière minute, c’est-à-dire jusqu’au 18 mars 1970.

 

Lon Nol ne put plus rien pour sauver la position du prince à partir du moment où celui-ci refus de recevoir les deux émissaires qu’il lui dépêcha pour le tenir au courant de la situation exacte. Et encore, ne se décida-t-il vraiment à céder qu’après avoir été menacé d’arrestation !

 

Pendant ce temps, le prince, sacrifiant sa cure, se rendait à Moscou pour y quémander, en vain, des armes pour sa défense personnelle, avant de se rendre à Pékin où Chou En Laï l’aida à conclure, avec Pham Van Dong, un pacte destiné à lui permettre de reconquérir, avec l’aide des troupes vietnamiennes et des Khmers Rouges, son pouvoir qu’il venait d’abandonner volontairement.

 

A Pékin, Pham Van Dong s’était fait fort de détruire l’armée cambodgienne en moins d’une semaine, mais en réalité, cela prit plus de temps que prévu, puisqu’en 1973, le délégué du Nord Vietnam profita de la Conférence de Paris pour exiger, d’accord sans doute avec Sihanouk, que le Cambodge soit neutre. Ce à quoi Kissinger ne trouva rien à redire, car les USA étaient alors pressés de retirer leurs troupes d’Indochine. Et ce qui devait arriver arriva : le Cambodge, n’ayant pas d’alliance avec qui que ce soit, isolé, démuni, ne pouvait que tomber face à un ennemi supérieur en hommes et en matériel. L’écroulement se produisit le 17 avril 1975 avec l’entrée des Khmers Rouges dans Phnom-Penh : ce jour-là s’achevait vraiment la longue semaine de Phan Van Dong, une semaine qu’avait duré cinq ans !

 

Pourquoi ce retour en arrière ? Pour souligner les circonstances logiques de la dégradation du Cambodge. C’est pourquoi nous nous permettons de faire appel au mass-média pour faire entendre notre cri de détresse à l’opinion mondiale, avec le souhait que l’ONU pense à organiser une conférence dans l’esprit de celle qui s’était tenue à Genève en 1954.

 

En attendant, considérant que le péril khmer-rouge a changé de nature, et que par conséquent le prétexte évoqué par les Vietnamiens pour maintenir des troupes au Cambodge ne tient plus. Nous nous permettons de demander le retrait immédiat de ces troupes et leur remplacement par les forces des Nations-Unis, comme en Allemagne Fédérale.

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1 juillet 2010 4 01 /07 /juillet /2010 09:28

N° 19 Histoire des Rois khmers : Règne de Sdach Khân (1512-1525) : La sécession.

 Parlons de Samdech Chanreachea. Il décida de changer le nom de la province Akmarakkirboribour  en Baribour (Abondance) (dans la province de Pursat actuelle). Pendant la cérémonie d’attribution des charges aux dignitaires du Royaume, on voyait apparaître dans le ciel bleu de la nouvelle capitale royale, un arc-en-ciel de sept couleurs. C’était un phénomène rarissime. Chanreachea convoqua donc un divin du palais pour en interpréter. Celui-ci dit à son souverain ceci devant les sept brahmanes, conseillers du Roi :

 « À partir de ce jour-ci, Votre Majesté est identifié par tous les dieux comme un souverain puissant, parce que l’apparition de l’arc-en-ciel est un signe de cette légitimation. Quant aux sept couleurs, elles représentent les sept étapes de votre vie, c’est-à-dire le chemin de votre destin majestueux :

 1. Ô Mon Roi, avant la grossesse, votre Samdech mère avait fait un beau rêve, dans lequel elle voit une éclipse de lune ;    

2. Ô Mon Roi, le jour où vous êtes venu au monde terrestre par la volonté du dieu céleste pour le règne de l’Ame et le salut de toutes les créatures, ce jour-là, il y a eu l’éclipse de lune ;    

3. Ô Mon Roi, ainsi, Votre Roi père vous avait donné un nom  « Lune » ;

4. Ô Mon Roi, quand Votre Auguste père était en guerre contre les ennemis de la maison royale, appelés « l’armée de Dragon » qui est aussi vos ennemis d’aujourd’hui, il avait fait un rêve : Il voit un Dragon qui crache le feu pour brûler son quartier général de campagne. Au moment où votre Auguste père se précipite pour poursuivre la bête, il voit apparaître l’âme de son Auguste père venant le monde au-delà pour lui dire qu’il cesse de combattre inutilement ce dragon, parce qu’il s’effondra à la première apparition de la lune dans le ciel de l’Ouest du Royaume. Comme vous le savez, vous venez du Siam qui se trouve à l’Ouest du pays, vous êtes donc la lune de l’Ouest qui apparaît dans les cieux du Kampuchéa pour faire périr le dragon qui n’est que Kan, votre ennemi du moment ;

5. Ô Mon Roi, Vous êtes la fraîcheur de la nuit pour le peuple en colère contre l’imposteur ayant l’intelligence du tigre. Votre royal nom « Lune » n’est que la preuve de cette fraîcheur ;

6. Ô Mon Roi, depuis votre retour au pays, le peuple vous suit comme l’ombre suit le corps partout où il va. Vous êtes l’ombre éternel du peuple ;

7. Ô Mon Roi, l’apparition de l’arc-en-ciel dans le ciel bleu d’aujourd’hui est une manifestation divine qui de dieux qui viennent vous faire connaître d’une manière expresse leurs intentions de vous élever au rang du grand roi.

 Samdech Chanreachéa étant satisfait de ces propos, il donna des récompenses au divin pour ses explications. Après quoi, les sept brahmanes avaient oint d’huile au corps du Roi pour que l’annonce du devin devienne une réalité pour le souverain.

 Quelque temps après, on informa le Roi que la rivière qui traversait la ville était sec. Le roi emmena avec lui quelques ingénieurs hydrauliques pour visiter la source de ce cours d’eau. Arrivé sur la place, il constatait que le lit de la rivière était bouché par un arbre tombé par terre. Cet engorgement faisait changer l’écoulement d’eau vers le Nord. Le Roi ordonna aux services des travaux publics de déblayer l’arbre afin que la rivière rentrait dans son lit habituel. Il fit construire en plus un petit barrage en pierre pour empêcher définitivement l’eau de couler vers le nord.

 Parlons des deux femmes, nommées Em et Aing. Elles étaient enceintes et trompaient leur mari, nommés Lous et Som. Un jour, ces deux bonnes femmes décidaient de tuer leur mari par leur amant, nommés Kao et Keing. Elles tendaient un piège à leur époux à l’endroit où le Roi fit construire le barrage. Les amants avaient réussi à tuer les deux maris comme dans leur plan, mais au cours de leur lutte corps à corps, ils détruisirent involontairement le barrage du roi. Cette destruction provoquait le changement de la direction des cours de la rivière. Le Roi ordonna à la police de faire une enquête pour trouver les coupables de ce dégât. Après cette enquête, les deux femmes et les deux amants furent arrêtés et condamnés à la peine capitale par le Roi. Ils furent enterrés vivants à côté du barrage. D’après la légende, les six âmes, deux femmes, deux amants et deux fœtus, hantaient cet endroit et protégeaient ce barrage. Au fil des années, cette source d’eau donnait de plus en plus d’eau qui transformait le lit de la rivière en une voie fluviale navigable pour toutes les tailles de bateaux de transport de marchandises. Ces activités fluviales transformaient la ville Baribo en une grande ville commerciale. La population appelait cette ville le « marché d’abondance » (Psar Baribo). Elle demeure jusqu’à aujourd’hui.

 En 1517, le Roi Chanreachéa entreprit une vaste campagne de guerre de propagande dans le territoire d’ennemi, afin de rallier les gouverneurs, les fonctionnaires, les populations et les esclaves. Cet appel fut entendu par les populations.

 Revenons au Sdach Kân. Dans sa capitale Sralap Pichay Prey Norkor[1](1), pendant la saison des pluies, l’année de bœuf, il décida de lancer une offensive contre l’armée de Preah chanreachea. Il décida de rassembler en Conseil de guerre tous les grands dignitaires civils et militaires, afin d’avoir leur opinion sur la question.  Après quoi, il ordonna aux généraux de mobiliser une armée de 120 000 hommes. Une fois faite, Kân se consacra à la répartition des tâches :  Chao Ponhea Lompaig emmena une armée d’avant-garde de 20 000 hommes à Samrong Taung. Ensuite, il confia à Samdech Chao Fa Kao, son oncle, le commandement d’une armée de 30 000 homme pour aller s’installer à Phnom-Penh.

 Chanreachéa fut immédiatement informé des intentions de Kân. Il se mit en colère car, cet imposteur ne respectait pas l’accord de trêve, dans lequel il était clair que pendant la saison de pluie, les deux parties belligérantes devaient se faire taire leurs armes pour laisser la population faisait pousser le riz. Pour riposter à cette offensive, il marcha à la tête d’une armée à la rencontre des assaillants. Il confia à Okgna Chakrey Keo et à Okgna Vongsar Atakareach Key le commandement de l’avant-garde de 20 000 hommes, lui-même conservant le commandement du centre de 30 000 hommes. Il quitta sa capitale pour emmener ses troubles camper à Chay Sour, situé dans la province de Longveak.

 Arrivé à Samrong Taung, Key lança une attaque de front contre la division de Lompaing selon le plan arrêté. Cette attaque fut soutenu par les troupes du général Okgna Norin Niryourk. Cette unité possédait 140 éléphants.  Norin Niryouk attaqua Lompaing par derrière. Au milieu des ennemis, Lompaing ne perdait pas son sang froid, il organisa énergiquement les contres attaques avec courage. Mais, après quelques heures de combat, son arrière garde s’effondra face à des assauts des éléphants. Vu le danger, Lompaing ordonna à son adjoint opérationnel, Ponhea Sral, de sonner la retraite. Pour fuir le danger, Lompaing fut allé se retirer avec ses troupes à Phnom-Penh. Ils furent poursuivis par les soldats de Key jusqu’à la porte de cette ville. Mais, au lieu d’attaquer la citadelle où Lompaing se réfugiait, Key la contourna pour attaquer des points importants d’ennemis tout au long de la rive Est du fleuve du Mékong et jusqu’à la province de Trang (Soc Trang au Viêtnam actuel) et ouvrir la voix aux bateaux de guerre depuis Cheung Eak jusqu’à la mer. Cette action était stratégique, car elle permettait à Chanreachea d’avoir une ouverture vers l’océan pour les activités commerciales et les opérations militaires. La défaite de Lompaing encouragea la désertion de beaucoup de gouverneurs de Kân au profit de Chanreachea, comme les gouverneurs de Bati, Prey Kabas, Kandal Steug, Kaung Pisey, Phnom Srouch, Bantey Meas, Peam, Sré Ronaung, Cheuk Kach chom. Avec la grâce de Chanreachea, ces gouverneurs continuèrent d’occuper leurs charges de gouverneur, mais ils travaillèrent cette fois-ci contre leur ancien maître de leur vie. Cependant les autres gouverneurs de cette région, comme les gouverneurs de Bassac, Preah Trapaig, Kramoun Sar et Euv Mao se manifestèrent davantage leurs agressivités contre Chanreachea .

 Après cette victoire, Preah chanreachea demeurait dans son quartier général à Longveak.  Il assista à la fête des « courses de pirogues » et de « manger du paddy écrasé au pilon » à Kompong Sèth. Pendant cette fête, à la nuit tombée, on fit tirer les feux d’artifices pour amuser la population et sur le fleuve on organisa le défilé des pirogues ornées des lanternes lumineuses de toutes les formes. Les festivités duraient pendant trois jours et trois nuits. Pour laisser les traces de son passage dans les communes de Jayso où il avait installé son quartier général pendant la campagne militaire et Kompong Seth où il avait assisté la fête des courses de pirogues, Chanreachea décida de changer les noms de ces deux lieux : Jayso devint « Sorivong » et Kompong Seth devint « Kompong Prasat ». Ces deux noms continuèrent d’exister jusqu’à aujourd’hui. Quelque temps après, Chanreachea décida de reprendre l’offensive contre la position d’ennemi. Il ordonna aux Okgna Chakrey Keo, Vongsa Akareach et Kralahom Kam d’attaquer la citadelle de Phnom-Penh avec 30 000 hommes. Cette citadelle était défendue par des hommes téméraires de Kân, tels que Samdech Chaofa Kao, Chao Ponhea Lompaing, Sral, Dekchau (gouverneur de Samrong Taug, et Chao Ponhea Reachea Métrey (gouverneur de Phnom-Penh). Pendant plusieurs mois de batailles, les armées des deux côtés ne s’étaient pas affaiblies. Tantôt l’armée de l’Est prenait des avantages sur celle de l’Ouest, mais le lendemain, la situation aura été inverse. La perte élevée des hommes commençait à faire sentir dans les deux camps. À la première pluie de la mousson, Chanreachea et Khan acceptèrent sans hésitation la trêve pour laisser la population de cultiver du riz.

 Quelque temps plus tard, Chanreachea convoqua les membres de son Conseil de guerre pour leur dit ceci : « Voilà plusieurs fois que nous attaquons la citadelle de Phnom-Penh, mais sans avoir remporté aucune victoire. À mon avis, il faut convenir que nos ennemis sont habiles. Ils savent toujours profiter de notre faiblesse pour repousser nos assauts. La citadelle de Phnom-Penh est imprenable. Qu’on me donne le nom du monarque de l’Ouest ; en fait, ce n’est pas tout à fait exact, parce que Phnom-Penh, Kompong Som et une grande partie de Kampot sont encore sous le contrôle de AKhan. Si AKhan tient Phnom-Penh, il contrôle automatiquement Kompong Som et Kampot. Il faut faire tomber Phnom-Penh par la ruse. Voici ce dont il s’agit : Provoquer nos ennemis par la ruse pour qu’ils sortent de Phnom-Penh pour nous attaquer en masse, mais en plusieurs endroits à la fois. Qu’ils osent sortir de leur fort à une condition qu’ils aient une assurance de gagner la bataille. Il y aurait un moyen pour y parvenir : Faire semblant d’être vulnérables devant leurs assauts. Le simulacre de débandade de nos troubles serait en effet notre procédé.

 Le 18 décembre de l’année de tigre, Chanreachea ordonna au Général Peuv, coordinateur général du plan de lancer la campagne militaire : Les divisions du Général Chakrey et Vongsa Angreach. attaquèrent Phnom-Penh. Le chef de la commanderie de cette ville, Chao Fa Kao répondit comme l’habitude par une contre-attaque : Il inonda les ennemis d’une pluie de flèches et des tirs de canons. Ensuite il lança ses troupes cuirassés pour repousser les attaques des soldats de l’Ouest. Cette méthode de défense permettait à Chao Fa Kao de repousser plusieurs d’assaut successif des soldats adverses au cours de ces derniers mois. Cette fois-ci, en haut du rempart de la citadelle, Chao Fa Kao observa que la retraite d’ennemis ressemble plutôt à une débandade généralisée. Les soldats n’écoutaient plus leurs officiers : Ils se battaient en retrait quand on leur ordonnait à maintenir la position. La confusion fut total dans les rangs des troupes de l’Ouest. Pour Chao Fa Kao, ce beau spectacle de calamité d’ennemis fut une victoire annoncée. Il ordonna donc au valeureux Colonel qui commandait la cavalerie de chasse de 2 000 cavaliers cuirassés de poursuivre la fuite des soldats de l’Ouest. Cette cavalerie fut soutenue par les troupes transportées par des chars de guerre pour anéantir les ennemis en fuite. Arrivée à O Phôr, la cavalerie de Kân livra un combat singulier à la garnison d’ennemis. Le combat ne dura pas même dix minutes : Les soldats de l’Ouest abandonnèrent leur position dans le désordre total. Cette situation encourageait les troupes de l’Est à poursuivre leur progression dans le territoire d’ennemi. Vu l’arrivée des soldats de Kân en liesse, le Général Kralahom de l’Ouest, commandant de la citadelle d’Oudong quitta la ville avec ses troupes sans livrer la bataille contre les ennemis. À partir de cette ville, les troupes de Kân poursuivirent les ennemis en deux directions différentes : La direction de Chroy Paunlear et celle de Prek TaTeang.

 Cette manœuvre insidieuse poussa les troupes de Kân à la faute. Ce qui devait arriver, arriva : À Dambauk Mean Leak, le Général Kralahom ordonna à ses troupes de faire demi-tour pour livrer un combat aux chasseurs de Kân. Presque simultanément à Prek Pneuv, les soldats, conduits par So et Kaing, que Chanreachea avait embusqués de toutes parts sortirent de leur cache afin de surprendre les soldats de l’Est par leurs flancs. Quant au Général Tep de l’Ouest, il ordonna à ses fantassins d’attaquer à revers la deuxième colonne des troupes de Kân dont les soldats s’étaient déjà fatigués par la marche rapide pour poursuivre le simulacre de fuite des ennemis. Cette attaque surprise bloqua l’avance ennemie dans le bourg de Prek Tateang. Elle constituait l’essence de la frappe des soldats de Chanreachea. Dans ces batailles celui-ci mobilisa 20 000 hommes et il confia le commandement au Général Prom, un prodige qui savait insuffler du courage à ses troupes dont le succès couvre de honte aux généraux de Kan.         

 Retournons maintenant à Phnom-Penh. Après le départ de ses troupes d’élites de la citadelle pour poursuivre les ennemis en fuite, Samdech Chao Fa Kao chercha de son côté à exploiter cet avantage inattendu. Depuis quelques jours déjà, les agents de renseignement militaire lui informèrent que la flotte de Chanreachea à Chroy Chanvar était en nombre inférieur par rapport à sa flotte. Pour Chao Fa Kao, la retraite d’infanterie pédestre de Chanreachea de la porte de Phnom-Penh laissa sans doute la base navale de Chroy Chanvar sans défense. La vue de la victoire personnel est un appât séducteur pour un homme avide d’honneurs qui ne raisonne pas. Il décida donc de lancer sa flotte de 60 bateaux pour attaquer la base d’ennemi sans avoir pris de précaution pour empêcher l’effet des embuscades que ces derniers pourraient former. Il laissait deux de ses officiers supérieurs, Lompaing et Vieng à garder la citadelle. Apprenant l’arrivée des bateaux de guerre d’ennemis, les commandants de base de Chroy Chanvar, Vibol Reach et Pratest Reach firent sortir leurs bateaux pour riposter à cette attaque. La bataille navale entre les flottes offrit un beau spectacle pour la population de Phnom-Penh. Mais après une demi-heure de lutte, Vibol Reach ordonna à sa flotte de battre en retraite selon le plan arrêté. Vu ce décrochement, Kao ordonna à ses chefs de flottille de poursuivre les ennemis. Arrivé à Prek Pneuv, Kao fut surpris par des pluies de flèches et des tirs de canons venant des deux rives. Le Général Tep était le responsable de cette embuscade mortelle. N’ayant pas le plan B pour agir contre cet imprévu, Kao laissa son destin à la main du Bouddha. Il enleva son uniforme d’Amiral et sauta dans l’eau pour s’enfuir. Étant un bon nageur, Kao put arriver à Basane (Prek Por). Là-bas, il rassembla le débris de ses troupes en déroute pour reconstituer son armée.

 Revenons à Phnom-Penh, après la sortie de Kao avec sa flotte, la disposition de défense de la citadelle de cette ville fut affaiblie. Selon le plan arrêté, Chanreachea ordonna aux unités de grimpeurs des murs de livrer la bataille. L’objectif était de brûler les palissades de la citadelle. Lompaing et Vieng n’avaient pas assez d’hommes pour repousser les assaillants. Ils finissent par abandonner leur poste en quittant la citadelle par bateau. Ils furent captés et tués par les troupes de l’Ouest. Le bilan de cette prise de la citadelle de Phnom-Penh était juteux pour Chanreachea : Plusieurs tonnes de riz et beaucoup de matériel de guerre abandonnés par les ennemis, 85 officiers supérieurs capturés. Chanreachea ordonna immédiatement de tuer 35 pour crime de haute trahison et 50 autres étaient condamnés de peine d’esclavage pour toute leur vie. À peine avait-il fini de donner les ordres, on entendit la voix du héraut proclamant les noms de ceux que le roi les avait condamnés à mort. Ces prisonniers étaient traînés et furent attachés et tués. Puis tous les cadavres furent traînés hors de la citadelle. La chute de Phnom-Penh permit à Chanreachea de libérer plusieurs provinces : Phnom-Penh, Samrong Taung, Bati, Tran, Kampot, Kampong Som. Mais son offensive fut repoussée au Sud-Est par Chao Ponhea Pisnolauk, le Grand général de l’armée de l’Est. Ce général contrôlait un vaste territoire : les provinces de Bassac, Preah Trapeang, Kramoun Sar et Euv Mao.

 Kan fut informé de cette défaite, laquelle lui rebutait. Il traita en effet ses généraux de petites têtes devant ses conseillers. Dans la bouche de Kan, cette insulte reviendra comme une antienne pendant les années à venir : « Combien il est nécessaire d’user de prudence en suivant un ennemi qui fuit. Comment avaient-ils osé de changer la stratégie de défense de la ville pour une petite ruse de rien du tout de Chaneachea. Et pourtant dans nos règlements militaires, les commandants d’unités ne font rien sans délibération préalable, rien d’improvisé ; la réflexion précède toujours l’action et les actes se conforment aux décisions. Je blâme toujours à ceux qui risquent une attaque, dont les suites désavantageuses peuvent être plus nuisibles que le succès n’en peut être utile ; car on ne saurait mettre en balance un médiocre avantage contre une ruine totale ». Ensuite, il ajouta : « Chanreachea mérite bien de mourir par assassinat comme son feu frère, roi Sokunbât. S’il mourait, son armée s’effondra. Actuellement, Chanreachea fait appel à nos soldats de déserter pour rejoindre son camp. Il soit confiant en lui d’accepter les transfuges de travailler pour sa victoire. Il faut donc chercher 100 volontaires, parmi nos hommes de confiance pour s’infiltrer dans son camp. Après quoi, ils profiteront le moment de défaillance dans la sécurité de Chanreachea pour le tuer comme nous avons tué son frère. Je crois que ce plan puisse encore réussir. Il suffit de bien le monter et personne ne doit être dans la confidence de ce projet, ni au Palais, ni aux Grands dignitaires ».

 Quelque temps plus tard, les conseillers informait Kan que les 100 volontaires étaient trouvés. Kan étant très content, il nomma son neveu, fils d’une tante maternelle, chef des 100 braves ayant les âmes fortes. Il dit à ses conseillers qu’il a choisi son neveu, parce que ce dernier ne compte pas à remplir ses devoirs, mais de se battre pour la gloire de sa famille.  Ces 101 téméraires parvenaient à s’intégrer dans la garde prétorienne de Chanreachea. Ils suivaient le Roi dans tous ses placements.

 Au mois d’avril 1519, année du lièvre, au cours d’une baignade habituelle, Chanreachea avait de doute sur du comportement de certains de ses gardes approchés, parce qu’ils se baignaient avec leur sarong. Il quitta le bassin d’eau pour se reposer sous un grand arbre. Après quoi, il ordonna à tous ceux qui se baigner à côté de lui d’enlever immédiatement leur Sarong, parce qu’il soupçonnait qu’ils cachassent les armes sous leur sarong. Le neveu de Kan et ses compagnons se sentaient mal à l’aise. Il fallait agir maintenant, sinon leur plan aura découvert par le roi. Il donna signale à ses hommes de se diriger vers l’endroit où le roi se trouvait. Arrivé à cet endroit, il demanda aux gardes de corps du roi d’une audience royale pour une affaire de haute importante. Les gardes de corps n’avaient même pas le temps d’en informer le roi, ils furent bousculés par les membres de commando de Kan. Ces derniers se ruèrent vers le roi. Ayant aperçu de loin l’arrivée des saillants, le roi saisit son épée et alla en avant pour les attaquer en tuant plusieurs personnes. Les valets et les fonctionnaires se précipitèrent à arracher les pieux pour riposter l’attaque des traîtres. En quelques secondes seulement, les bords de l’eau calme se transformèrent en champ de bataille. Les gardes de corps et autres soldats fidèles au roi arrivèrent sur lieux et massacrèrent les membres de commando de Kan un par un. Ces derniers battirent en retraite et s’enfuirent dans la forêt en laissant 35 corps de leurs camarades sur place et plusieurs autres furent capturés. Les morts et les vivants furent décapités par ordre de Chanreachea. Leurs têtes furent exposées sur la place publique pour l’exemple.

 Quelque temps plus tard, Preah Chanreachea ordonna au ministre de la guerre de consolider les armées par les moyens suivants : Chercher des bois pour construire des bateaux et des pirogues de guerre ; créer un corps des forgerons pour fabriquer des lances, des sabres de diverses tailles, des phkā’ks[2] (2),  des couteaux et coutelas de toutes dimensions, des fusils et des canons ; créer un corps des artisans spécialisés dans la fabrication des chars de guerre et de transport, des arcs, des arbalète, des balistes sur roues, des flèches, des carquois et des boucliers ; acheter des chevaux pour renforcer la cavalerie, capturer et acheter des éléphants au Laos pour développer les unités des éléphants. Pendant la saison de pluie, il renvoyait les soldats chez eux pour aider leur famille à cultiver le riz. Dans cette année-là, la culture du riz était 5 à 6 fois supérieure par rapport aux autres années.

 Il éleva une de ses épouses, née des parents de sang royal, au rang de reine. Elle porta le nom de sacre, Samdech Preah Phãkvatey Ksatrey Sirich Chakrapath. Il créa des rangs pour les femmes de son harem : Ek (Premier rang), Tŭ (Deuxième), Trey (Quatrième rang) et Chhatva (Quatrième rang).

 Du côté de Sdach Kan, il procéda à remplacer les Hauts dignitaires et des généraux qui étaient morts dans le champ d’honneur, de maladie et de vieillesse par les nouveaux qui étaient membres de sa famille :

 - Prom, nommé Chao Ponhea Vieng, Ministre de la Justice ;

- Chum, nommé Chao Ponhea Veing, Ministre du Palais ;

- Chaut, nommé Chao Ponhea Sral, Ministre de la Mer ;

- Penh, nommé Chao Ponhea Lompaing, Ministre des Armées.

 Ces nominations furent informées à tous les gouverneurs de province sous son contrôle. Il leva une armée de 80 000 hommes pour reconquérir les territoires de l’Ouest. Il confia la garde de sa capitale royale à son oncle Kao. L’armée de campagne fut organisée de façon suivante :

 - Chao Ponhea Veing (Prom) commanda une armée d’avant garde de 15 000 hommes,

- Chao Ponhea Lompaing (Penh) commanda une armée de gauche de 10 000 hommes,

- Chao Ponhea Yothear Thipadey Noun commanda une armée de droite de 10 000 hommes,

- Chao Ponhea Moha Séna Toun commanda une armée d’arrière garde de 10 000 hommes.

- Kan commanda une armée du centre de 20 000 hommes,

- Une flotte de 300 bateaux et pirogues de guerre. Elle avait pour base à Prek Por.

 Kan s’établit son quartier général à la commune de Mouth Kmong dans la province de Thaung Khum. Après quoi, il ordonna à Prom et Penh d’attaquer la citadelle de Kompong Siem. Ayant appris le mouvement des troupes de l’Est par sa garde provinciale, le gouverneur de Kompong Siem envoya un messager pour en informer son roi. Celui-ci ordonna à ses deux officiers Chim et Ko d’emmener sa famille et celle des membres de sa cour à Pursat pour les mettre en sécurité. Après quoi, à la tête de 50 000 hommes, il partit pour secourir son gouverneur. Son armée de campagne s’organisait de façon suivante :

 - Une flotte de 100 bateaux avec 1 000 soldats à bord, commandée par Okgna Vibol Rap, partit en premier comme force d’avant-garde,

- Une flotte de 50 bateaux avec 500 soldats à bord, commandée par Okgna Baratès Reach, formait l’aile gauche,

- Une flotte de 50 bateaux avec 500 soldats de l’eau à bord, commandée par Okgna Reachea Barakreach, formait l’aile droite,

- Une flotte amirale de 100 bateaux avec 1 000 soldats à bord, commandée par Okgna Kralahome.

 Cette armada quitta Phnom-Penh pour aller s’établir une base fluviale à Preak Rokakaug. Au même moment, le premier corps d’armée fut immédiatement envoyée pour intercepter les ennemis à la porte de Kampong Siem, laquelle fut composée de 4 divisions d’intervention rapide :

- une division d’avant-garde de 10 000 hommes, commandée par Okgna Chakrey,

- une division de droite de 6 000 hommes, commandée par Okgna Vongsa Akakreach,

- une division de gauche de 6 000 hommes, commandée par Okgna Reach Tekchak,

- une division d’arrière-garde de 6 000 hommes, commandée par Okgna Ya Norintryne Thipadey.

 Le deuxième corps d’armée composée de deux divisions lourdes : une division de 10 000 hommes, placée sous les ordres Okgna Yomreach, laquelle avait pour mission d’attaquer les ennemis à partir de Prey Chamcar. La deuxième division de 10 000 hommes, commandée par Samdech Chao Ponhea Yauthir Norin, partit de Longveak pour barrer la colonne d’ennemis à l’Est de Kompong Siem.

 Preah Chanreachea, à la tête de 2 000 soldats d’élites de sa garde prétorienne, suivit la marche des deux corps d’armée. À cette époque, presque l’ensemble du territoire de l’Est fut inondé par la crue du fleuve du Mékong. La marche de l’armée rencontrait beaucoup de difficulté. Le premier corps d’armée atteignit la porte de Kompong Siem, après 17 jours de marche. La citadelle fut pris, après 16 jours d’assaut par 40 000 hommes de l’armée de Kan contre 10 000 hommes de la garde provinciale de Chanreachea. Le gouverneur de Kompong Siem put s’échapper à la justesse de ces assauts d’ennemis. Il vint à la rencontre de son roi pour informer celui-ci de la prise de sa forteresse par les ennemis. Le roi l’assura que cet échec n’était pas de sa faute. Le renfort arriva en retard à cause de l’inondation. Le lendemain matin, Chanreachea ordonna à ses généraux d’attaquer les ennemis pour libérer le fort. Le général Yomreach de l’Ouest mena l’assaut foudroyant contre la division de Lompaing de l’Est. Vers l’après midi, Yomreach ordonna à ses troupes de battre en retraite. Il fut poursuivi de près par Lompaing. À Siem Boye, celui-ci fut surpris par les attaques coordonnées de sa gauche et sa droite par les troupes de l’Ouest dont le Général Vongsa Akarreach était à la commande. Lompaing ordonna à ses troupes de se retirer à 35 Sèn (1 Sèn = 30 mètres) de Siem Boye. Encore une fois, il fut attaqué à nouveau par les troupes d’ennemis dont le chef n’était que Chanreachea en personne. Sur sa monture avec son cornac, celui-ci coordonna la contre-attaque de ses troupes avec vivacité. Mais son destin fut lié à celui de son ennemi royal, futur roi du Kampuchéa par le choix du ciel. À la vue de Chanreachea sur sa monture, les soldats de Lompaing commencèrent à perdre toute assurance d’être soldats. L’instinct de peur en tant que petit peuple surgit dans leur esprit qui paralysa les forces de bras de combattant.  Pendant un laps de temps, ils laissèrent tomber leurs armes et se mirent à genou devant l’Auguste Royal en lui demandant la soumission et le pardon. Lompaing et son adjoint Chao Ponhea Yauthir Thipadey observèrent cette scène avec stupéfaction. Après quoi, ils s’enfuirent dans la forêt pour se suicider. Leur corps fut retrouvé par les soldats de Chanreachea. Ceux-ci coupèrent les têtes de ces deux généraux malheureux pour les apporter à Chanreachea. Celui-ci ordonna à ses soldats d’exposer les deux têtes sur la place publique. Après cette victoire, Chanreachea ordonna à ses troupes d'assiéger la citadelle de Kompong Siem. En quelques heures seulement, ses troupes arrivèrent à percer la défende d’ennemis, ils pénétrèrent dans la citadelle en vigueurs et libérateurs. Les soldats de l’Est, s’enfuirent pour embarquer à bord des bateaux et pirogues de guerre pour sauver leur vie. Le nombre de bateaux était insuffisants par rapport au nombre de fuyards, mais tout le monde voulait absolument monter à bord des embarcations : Les uns poussent les autres pour avoir une place à bord de pirogue surchargée. Ceux qui ne pouvaient pas monter à bord, cherchaient une petite espace à bâbord et tribord du bateau pour y accrocher leurs mains. Certains bateaux ne supportaient pas le poids des humains en excitation extrême à bord se renversèrent et provoquèrent le naufrage. Ceux qui ne savaient pas nager furent emportés par le courant du fleuve en colère. Il y avait beaucoup de morts dans cette débâcle, parmi lesquels il y avait Ponhea Moha Séna, commandant de la citadelle.

 Ayant appris la défaite, Kan lança une contre attaque. Le général Sral et le Général de l’eau Vibol Reach furent chargés de reprendre la citadelle de Kompong Siem. Cependant, la flotte de l’armée de l’Ouest quitta sa base de Rokakaug pour mesurer à celle de Vobol Reach de l’Est. Arrivé à la commune d’Angkor, le Général Kralahom, commandant de la flotte de l’Ouest, avait vu une centaine de pirogues de l’armée de l’Est dans un port improvisé. Cette flotte état gardée seulement par 1 500 soldats. Kralahome ordonna à ses troupes de les emparer immédiatement. Cet abordage surpris fit fuir un grand nombre d’entre eux. Le trophée de cette bataille improvisée était impressionnant : 150 pirogues de guerre saisies et 800 soldats de l’Est demandèrent la soumission. Ayant appris cette nouvelle, Sral et Vibol Reach s’immergeaient dans le désespoir. Cette perte se propageait vite dans le corps des officiers. Elle se transforma en une panique générale dans les rangs de soldats. Entre quelques heures seulement les troupes de Sral et Vibol Reach se décomposaient en bande de déserteurs. Sral et Vobol Reach et beaucoup des officiers décidèrent de se suicider par noyade. Kralahom fit 500 prisonniers de plus dans cette débandade sans bataille. Mais, elle ne décourageait pas Kan. Il ordonna à nouveau à ses généraux Pich, fils de Kao, Krès, fils de Lompaing et Koy, fils de Vieng de conduire une armée de 20 000 hommes pour attaquer la citadelle de Kompong Siem.

 Cette campagne se prolongeait plusieurs mois, sans vainqueur, ni vaincu. Pendant la saison de pluie, ces deux armées s’attachaient alors à appliquer leur accord de trêve pour laisser les paysans de cultiver du riz. Profitant de cette accalmie, Kan se méditait pour trouver une nouvelle stratégie. Après concerté avec ses conseillers, Kan décida de demander la paix à Chanreachea en proposant au dernier la séparation le pays en deux États indépendants. Il envoya donc une ambassade composée de trois ministres plénipotentiaires, Chao Ponhea Sangkram Keo, Ponhea Rasasambath Em et Preah Chumnygn Avuth Kam pour porter une lettre au Roi de l’Est. L’ambassade quitta la capitale Pichay Norkor par voie fluviale. Elle remontait le Mékong à destination Kompong Siem. Arrivé au niveau de Peam Chi Kang, le convoi des légats fut attaqué par la patrouille fluviale de l’armée de l’Est. Au cours de l’assaut surpris, le chef de la délégation Keo fit tomber le tube en or dans l’eau, dans laquelle, il y avait la lettre de Kan. Les membres de l’ambassade furent capturés et amenés au quartier général de Preah Chaneachea. Ayant appris que ses soldats avaient attaqué le convoi de l’ambassade, celui-ci ordonna à ses officiers de punir immédiatement tous ces saillants de 24 coups de fouets au dos, parce que leur attaque était une transgression à loi de la diplomatie. Ensuite, il accorda une audience royale aux membres de la délégation de Kan. À genou devant Preah Chanreachea perché à un mètre de la terre sur son lit royal, l’ambassadeur Keo informa l’Auguste Roi que la lettre de son roi était tombé dans le fleuve pendant l’assaut des soldats, mais il connaissait une grande partie du contenu de cette missive. Sans perte le temps, Chanreachea dit à Keo de lui informer les intentions de Kan. Keo lui dit à haute voix la proposition de son Roi. Ayant entendu ce projet, Chanreachea assena une réplique à ces idées malfaisantes : « Le Kampuchéa est le pays de mes ancêtres. Je suis donc l’héritier légitime de leur trône. L’unité du pays est une pierre angulaire de mon action. Est ce que trouves-tu normal qu’il ose me proposer cette solution ? Ma réponse est non. Tu diras à Kan, s’il voulait prolonger la trêve au-delà de la saison de culture du riz, il n’ait qu’à retirer ses troupes du territoire de l’Est, mais une des deux parties réserve le droit de rompre la trêve à n’importe quel moment ». Glacial il conclut : « De toute façon, AKan n’est qu’un voleur éhonté, il ne mérite pas d’être, ni un ami, ni un membre de ma famille. Il faut AKan sache que tout ce qui est possible pour lui est impossible pour moi ». 

 Retourné à Pichay Norkor, Keo informa son roi tous les propos de Preah Chanreachea. Ayant entendu ces insultes, Kan s’en indigna. Pour reprocher à son ambassadeur de ne pas répondre cette injure, il fit une circonlocution dont il usait quand il était découragé : « Bien sûr que tu n’as pas eu droit d’en conteste en tant qu’ambassadeur d’un Royaume le plus civilisé de la région. Ton comportement est irrépressible ».

 Après quoi, Kan ordonna à ses généraux d’évacuer tous ses troupes du territoire de l’Est. Il renforça deux bases militaires importantes : Preak Pou et Mouth Khoum. Après ce retrait, Chanreachea retourna à Pursat pour se reposer après une longue campagne militaire. Quelque temps après, il ordonna au ministre de la guerre d’organiser un concours général pour recruter des meilleurs officiers de son armée. Les gagnants du concours auront des récompenses de grade d’officier dans les Armées Royales.

 En 1520, la reine donna un enfant au Roi. Ce dernier porta le nom royal Rama Thipadey. L’année suivante, 1521, la première dame, Bothom Bopha, donna aussi un fils au roi. Il porta le nom royal Borimin Reachea. Le Roi aimait éperdument ses deux enfants.



[1] (1) Cette se trouverait dans la province de Prey Veng. Elle se situerait à Bak Dav, non loin de Kompong Popil. 

[2] (2) Phkak’k : une sorte de couteau.

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29 juin 2010 2 29 /06 /juin /2010 05:31

 

Il y a ceux qui pensent que le Roi khmer actuel tient ses pouvoirs constitutionnels du peuple en essayant interpréter les textes de la constitution actuelle en faveur de leur thèse. Cet exercice cérébral est sans doute un droit de chaque citoyen khmer, mais il suscite une controverse dans le rang des démocrates khmers. Cette tendance existe depuis la minute où la première Constitution khmère a été promulguée en 1947. En ce qui me concerne, je ne partage pas leurs explications quel qu’il soit leur rang officiel et leur titre académique prestigieux. En revanche, si cette interprétation avait pour but politique, c’est-à-dire d’utiliser la personne du roi comme opposant de son propre gouvernement actuel, dans ce cas-là, je comprends un peu mieux de leurs motivations politiques. Mais il faut qu’ils se posent d’abord la question : Est-ce que le roi veut-il bien jouer ce rôle ?

 Visitons ensemble la Constitution actuelle du Royaume du Cambodge. L’adoption de cette Constitution est due à la volonté du peuple khmer comme confirme dans son préambule : « Nous, Peuple khmer…Nous établissons ce qui suit comme la Constitution du Royaume du Cambodge ». Par cette proclamation, il est clair que le principe de toute souveraineté réside dans le peuple. Le peuple l’exerce, en matière constitutionnelle par le vote de ses représentants et par le référendum. En toutes matières, il l’exerce par ses députés à l’Assemblée nationale élus au suffrage universel, égal, direct et secret. Le rapport entre la monarchie et le peuple est bien défini dans l’article Premier de cette Constitution : « Le Cambodge est un Royaume où le Roi exerce ses fonctions en vertu de la Constitution et des principes de la démocratie libérale pluraliste ». Quelles sont les fonctions du Roi ?

 - Symbole de l’unité et de la permanence de la Nation, le Roi exerce un rôle constitutionnel d’ « Arbitre Suprême » en vue d’assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics de l’État (articles 8 et 9) ;

- Gardien de l’indépendance nationale, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale » du Cambodge (article 8) ;

- Garant du respect des traités internationaux (article 8). Le Roi signe les traités et conventions internationaux et les ratifie après approbation par l’Assemblée Nationale » (article 26).

- Commandant Suprême des Forces Armées Royales Khmères » et « Président du Haut Conseil de la Défense Nationale » (articles 23 et 24) ;

- Président du Conseil Supérieur de la Magistrature » (article 134 nouveau). Le Roi dispose d’un pouvoir de grâce et de commutation de peine.

 Tels sont les arguments avancés par les tenants de la thèse « Roi khmer actuel tient ses pouvoirs constitutionnels du peuple », arguments tirés essentiellement des dispositions constitutionnelles.

 Nous pouvons nous poser la question : Le peuple, titulaire du pouvoir souverain, a-t-il délégué ces pouvoirs au roi ? La réponse est non car l’article 7 stipule : « Le Roi du Cambodge règne, mais ne gouverne pas ».

 M. Tith Houn, docteur en droit, ex-Président de la section française du Parti Sam Rainsy, a écrit en 2005. Bien entendu, cet écrit date d’un moment, mais récemment l’auteur relance le débat dans son courriel daté du 24 juin 2010 (mes idées sur le Cambodge). Je suppose que ses idées aient une valeur d’actualité. Je me permets donc de participer à ces débats d’idées en tant qu’un Khmer ordinaire. Voici l’extrait de son écrit :

  « Il n’en demeure pas moins qu’elle Lui confère par ailleurs des pouvoirs très importants dans certains domaines essentiels de la vie politique nationale, dispose de pouvoirs constitutionnels très étendus en matière de relations internationales et de défense nationale concurremment avec le Gouvernement Royal. Se plaire à ne citer de façon récurrente que les dispositions de l’article 7, qui, d’ailleurs ne prime pas les termes des autres articles de la Constitution, c’est vouloir de façon évidente minimiser le rôle politique du Monarque et laisser au Gouvernement, qui est redevable à notre voisin de l’Est, les mains libres dans la direction du pays ».

 Il existe une catégorie d’écrits sur la politique, celle de la spéculation, dont la fonction consiste à suppléer chez le militant le défaut de motivation personnelle par des adjuvants verbaux. L’interprétation intellectuelle peut contribuer, certes, à élever le débat, mais aussi à en sortir jusqu’au danger : en une démonstration juridique, on a poliment mis en lumière le contresens de l’esprit démocratique. À mon avis, les indications de M. Tith Houn ne sont pas pertinentes. Elles ne conforment pas à l’esprit de la Constitution et aux principes démocratiques :

 L’esprit de la Constitution : Le peuple khmer, titulaire du pouvoir souverain, a déjà délégué celui-ci à ses représentants, les députés. Il est inconcevable qu’une partie de ce pouvoir soit confié à un seul homme, le Roi qui est placé hors cadre du principe de séparation des pouvoirs : Pourvoir législatif, pouvoir exécutif et pouvoir judiciaire. Le détenteur de pouvoir dans le cadre démocratique doit être responsable devant le peuple souverain : Celui-ci a le pouvoir de contrôle, de sanction à celui qui délègue son pouvoir. Or, nous savons que la personne du Roi est inviolable. Comment peut-on contrôler ou sanctionner une personne inviolable ? Tout pouvoir monte vers l’absolu tant qu’il échappe au contrôle.  

 Les principes de la démocratie : La délégation de pouvoir a trois caractères centraux : Elle est temporaire, circonscrite et réversible.

 1. Le caractère temporaire : Le peuple ne saurait déléguer un pouvoir un temps illimité à un seul homme, car ce serait lui conférer qu’une apparence d’absolu. Mais il peut se faire que certaines tâches collectives deviennent continues pour assurer, par exemple, la sécurité extérieure ou la concorde intérieure de sorte que la délégation devrait permanente. Il existe une parade à ce dilemme. Il suffit de distinguer entre la fonction et le titulaire, que la première devienne permanente et le second soit désigné à titre temporaire, pour que la mission soit assurée et les risques de pouvoir absolu exorcisés. Nous le savons que le Roi est désigné à vie, par cette nature, il est donc impossible au sens de logiquement contradictoire que le Roi tient ses pouvoirs constitutionnels du peuple.

 2. Le caractère circonscrit : Certaines tâches peuvent être difficilement circonscrites, en ce que leur accomplissement exige le contrôle de domaines très vastes. Ainsi la défense nationale, la diplomatie, la justice. Mais la délégation ne peut jamais être un blanc-seing : le chef de guerre, de la diplomatie, de la justice, il ne peut pas faire n’importe quoi à sa fantaisie sans être contrôlé par un contre-pouvoir. Je répète encore une fois que la personne du Roi est inviolable. Il est donc impossible de lui contrôler.

 3. Le caractère réversible : Comment peut-on retirer la confiance au Roi sans avoir passé par le jugement de son incompétence patente dans l’exercice de ses pouvoirs ? Nous le savons que sa personne est sacrée, inviolable et irresponsable. En cas de conflit dans l’exercice de ses pouvoirs avec la majorité parlementaire, le Roi n’a pas le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale et l’on sait que celle-ci est le dépositaire de la souveraineté nationale, cela est normal parce que c’est elle qui est responsable devant le peuple dont elle a reçu le mandat de faire les lois pour le pays. Il est donc normal que l’Assemblée nationale qui a le droit de dire le dernier mot. Le Roi devrait-il abdiquer dans ce genre de divergence ? Et l’Assemblée nationale n’a pas le droit de révoquer le Roi, parce qu’il est désigné pour toute la vie. Supposons que dans ces divergences le Roi, en tant que Commandant Suprême des Forces Armées, utilise cette force pour faire taire à ses adversaires, qui pourrait l’empêcher de faire ?

 Il est incontestablement que les fonctions théoriques citées ci-dessus appartiennent au Roi, mais ces pouvoirs, dans l’esprit de la démocratie, sont plutôt des pouvoirs symboliques et honorifiques. Ce sont des attributions qui comportent beaucoup plus d’apparence que de réalité. Il vaut mieux qu’il soit ainsi, parce que le Roi est le symbole de l’unité et de la permanence de la Nation et l’Arbitre Suprême dont il devrait être placé au-dessus des partis politiques. A mon avis, toutes formes d’interprétation en faveur de thèse « le Roi khmer actuel tient ses pouvoirs constitutionnels du peuple » est plutôt réductrice pour le prestige du Roi et son rôle symbole de l’unité et de la permanence de la Nation et l’Arbitre Suprême. Ce genre de débat n’existe pas aux Royaumes unis, au Japon et en Thaïlande, parce que les politiques ne chercheraient pas à utiliser la personne du roi comme arme politique contre le parti au pouvoir, la dérive de dictature des hommes au pouvoir et toutes sortes de crises politiques dans leur royaume.

 Confier des pouvoirs à un seul homme dont la durée de son mandat est à vie, les exemples de cela sont, hélas ! trop connu dans ce monde et dans notre pays. Je ne suis pas un antimonarchiste. Du grec « anti- » est révolu pour moi : Le Cambodge actuel est une monarchie constitutionnelle, mon seul souhait, c’est de vouloir voir le Roi khmer qu’il soit au-dessus des affaires politiques du pays, qu’il soit un Roi unificateur du peuple khmer, qu’il ne tombe pas dans des calculs politiques des politiciens de tous bords.

 Comparer le Roi khmer au Président de la République française en oubliant que le premier est désigné à vie et le second est élu pour un temps limité est une dialectique anguleuse. Voici l’écrit de M. Tith Houn :

 «  …en outre, elle s’inspire sans nul doute de la Constitution française de 1958. C’est ainsi que les articles conférant les pouvoirs au Roi, au Cambodge, et au Président de la République, en France, sont rédigés presque dans les mêmes termes. C’est sur le fondement des dispositions de ces articles que les Présidents successifs de la République française se sont attribués un rôle éminent dans la conduite de l’Etat français. Le premier Président de la cinquième République française, le Général de Gaulle, s’attribuait ce rôle prépondérant avant même qu’il ne fût élu au suffrage universel. Il serait donc insensé de prétendre que les mêmes dispositions, transplantées de France au Cambodge, deviennent intrinsèquement sans portée juridique ».

 Dans un pays où il y a deux organes de décisions, la confusion règne. Nous souvenons bien de l’invention de Samdech Norodom Sihanouk en 1993 du système du gouvernement bicéphale et des co-ministres. Tout le monde savait que ce système conduisait le pays dans le mur, mais personne osait critiquer Samdech Sihanouk, parce que sa personne est inviolable. Je me rappelle bien une phrase de François Mitterrand, ex-Président de la République française (1916-1996) à propos de Jacques Chirac : « Chirac court vite, mais il ne sait pas vers où ». 

 La solution aux problèmes du Cambodge, à mon avis, n’est pas dans le renforcement des pouvoirs du Roi, mais plutôt dans le développement économique. À la question aux Khmers : Dans quel pays souhaitez-vous vivre ? Dans un pays qui favorise le développement économique où le Roi tient un rôle aussi discret que possible ; la réponse est déjà connue dans les résultats des dernières élections législatives. Nous le savons que dans le pays qui n'enfante pas de richesse, n’élargit pas la liberté. Une société qui favorise le goût du risque, de l’effort, de l’entreprise individuelle, et où l’État tient un rôle de « facilitateur et régulateur économique » est une société qui fait reculer tôt ou tard la dictature politique. L’axe de la politique khmère d’aujourd’hui, à mon avis, c’est le développement économique, et l’axe du développement économique, c’est la paix.

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14 mai 2010 5 14 /05 /mai /2010 03:04

Publication dans le bulletin « Vimean Ekkrach » n° 2, mai 1992. Directeur de publication : Sam Rainsy ; Rédacteur en chef : Pen Vano.

 Le mot de la rédaction : Dans une lettre ouverte aux puissances du monde libre, datée du 14 janvier 1990, Samdech Norodom Sihanouk a fait une analyse extrêmement pertinente du régime actuel de Phnom-Penh. Nous reproduisons ci-dessous de larges extraits de cette lettre pour rappeler à nos lecteurs la véritable nature du régime de Chea Sim-Hun Sen, dans la perspective des prochaines élections. Même après la signature des Accords de Paris le 23 octobre dernier, ce document demeure d’une brûlante actualité, car il pose les vrais problèmes du Cambodge.

 Voici le contenu de la lettre :

 Texte manuscrit :

 Vous êtes des États souverains. En tant que tels, votre « politique cambodgienne » ne doit dépendre que de vous. Vous pouvez la modifier ou la changer complètement, à votre gré. Je n’ai pas à m’ingérer dans vos affaires même s’il s’agit d’affaires ayant un rapport direct avec ma Patrie et le sort de mon peuple.

 Texte traitement de texte :

 (…) si le régime de HUN SEN-HENG SAMRIN est maintenu pour longtemps au Cambodge, ce dernier (le Cambodge) deviendra de facto, non seulement un satellite (s’il ne l’est déjà) de la R.S. du Vietnam, mais, chose beaucoup plus grave et même mortelle pour lui (Cambodge), une colonie du Vietnam en ce qui concerne, en particulier, le peuplement et l’exploitation sans limite, le pillage catastrophique des ressources naturelles du pays colonisé. (…)

 Je vous demande de bien vouloir vous pencher sur le problème autrement plus grave pour le Cambodge et pour le peuple cambodgien de la vietnamisation physique et du pillage extensif des ressources naturelles du Cambodge par le gouvernement de Hanoï avec le plein consentement du régime de Hun Sen-Heng Samrin.

À ce sujet, ayez le courage d’interroger les militaires, les diplomates, les fonctionnaires, les intellectuels, les étudiants khmers du régime et qui ont pu déserter ce régime pour se réfugier dans plusieurs pays du monde libre.

 Ces « defectors » vous diront, très clairement, ceci :

 a) le groupe de Hun Sen-Heng Samrin est Khmer-rouge pur sang ; ce groupe est aussi mauvais que celui de Pol Pot ; les 2 factions khmères rouges (celle de Hun Sen et celle de Pol Pot) ne diffèrent que sur la question de leur dépendance : les Polpotiens dépendent de la RP de Chine et les Hunséniens dépendent (…) de la RS du Vietnam.

 b) le régime de Hun Sen (tout comme celui de Lon Nol en 1970-1975) bat tous les records de corruption et les soi-disant « progrès socio-économiques » ne profitent qu’aux familles des dirigeants et aux classes sociales supérieures, mais pas au vrai peuple cambodgien.

 c) le régime de Hun Sen viole constamment et gravement les droits de l’homme.

 d) le régime de Hun Sen n’est absolument pas indépendant. Il obéit au doigt et à l’œil au gouvernement de Hanoï. Dans les ministères, les services, l’administration du régime de Hun Sen, ce sont les « conseillers » vietnamiens qui dirigent en maîtres ces ministères, services, administration. Et c’est Hanoï qui dirige la politique intérieure et extérieure du régime de Hun Sen.

 e) à l’intérieur du Cambodge, il y a plus de 1 million de colons vietnamiens, immigrants illégaux, qui sont venus du Vietnam pour coloniser physiquement les terres des Cambodgiens et exploiter les ressources naturelles du Cambodge (pierres précieuses, forêts, caoutchouc, céréales, fruits, poissons, etc.…).

 À l’heure actuelle, les îles côtières cambodgiennes sont peuplées de pêcheurs vietnamiens ; il en est de même des régions du « Grand Lac » (Tonlé Sap), Mékong, Bassac.

Plusieurs centaines de villages jadis khmer sont, aujourd’hui, peuplés de Vietnamiens et portent des noms vietnamiens. Il en est de même de certains bourgs et petites villes jadis khmers, se trouvant près des frontières du Vietnam. En certains endroits, les frontières du Cambodge sont modifiées au profit du Vietnam.

Au plan culturel, la vietnamisation (surtout au plan linguistique) se poursuit à grande vitesse. Les Cambodgiens (Khmers) qui ne parlent pas bien et n’écrivent pas bien le vietnamien sont outrageusement défavorisés (dans l’obtention des diplômes ou des emplois, dans l’avancement administratif) par rapport aux Khmers parlant et écrivant brillamment le vietnamien.

Ainsi, dans quelques décennies, le Cambodge sera peuplé d’une majorité de Vietnamiens et les Khmers (comme au Kampuchea krom devenu Sud-Vietnam depuis l’arrivée des Français « coloniaux » en Cochinchine, en 1860) deviendront une minorité ethnique dans leur propre Patrie, laquelle verra également se rétrécir son territoire avec des modifications de ses frontières et maritimes au profit du Vietnam.

 Vous voulez « commencer » avec le régime de Hun Sen.

Et c’est ainsi qu’un nombre croissant de vos compagnies (banque, commerce, industrie, exploitation et plantation, etc.) se sont installées ou s’apprêtent à s’installer au Cambodge.

Ceci n’a rien de choquant.

Mais je me permets d’attirer votre attention sur certains (très graves) dangers que le Cambodge (en ce qui concerne son avenir) rencontrerait si vos compagnies se livraient à certaines activités, telles que les coupes extensives des arbres des forêts cambodgiennes (coupe non suivies d’un reboisement obligatoire, extensif et méthodique), l’exploitation intensive des ressources piscicoles dans nos lacs, fleuves et mers, le commerce des objets d’art antiques (d’Angkor, etc.…).

 Le régime de Hun sen permet la destruction des forêts du Cambodge. Cette destruction qui se poursuit à une cadence accélérée a déjà contribué (fortement) au changement du régime des pluies, au déséquilibre croissant entre les éléments positifs et les éléments négatifs de l’écologie au Cambodge, jadis pays exportateur de céréales, poissons, fruits et bétail, aujourd’hui importateur de nourriture et mendiant d’aides humanitaires et « demain » un pays aride et stérile, ne pouvant plus survivre par lui-même. (…)

 Pour 90 % au moins de Cambodgiens et Cambodgiennes à l’intérieur et à l’extérieur du Cambodge, la « légalisation » par vos soins du régime pro-vietnamien de Hun Sen voudra dire que vous sacrifiez cyniquement le Cambodge sur l’autel du colonialisme vietnamien, de la vietnamisation du Cambodge et de l’intégration à long terme (comme cela s’est passé, au 19ème siècle, avec le Kampuchea Krom), l’intégration à long terme, dis-je, du Cambodge actuel dans le Grand Vietnam, ce dont avaient toujours rêvé les Empereurs vietnamiens et, après eux, HO CHI MINH. (…)

 Vous savez que plus de 90 % des Cambodgiens et Cambodgiennes n’admettent pas le communisme au Cambodge ; même pas le communisme « libéra à Hunsénienne ».

 Au moment où en Roumanie on met hors la loi le Parti communiste roumain, au moment où tant d’autres Pays de l’Europe de l’Est se décommunisent vigoureusement (…), vous n’hésitez pas à embrasser le régime communiste, marxiste-léniniste, hochiminhien (…) de Hun Sen , Heng Samrin, Chea Sim.

 Et c’est au nom de Droits de l’Homme et des idéaux du Monde libre que vous allez consolider le communisme Vietnamien dans un Cambodge profondément nationaliste, foncièrement anti-communiste et « viscéralement » neutraliste. (…)

 À cet égard, je peux vous assurer que les patriotes Cambodgiens et Cambodgiennes ne vous en remercieront pas. (…)

 NORODOM SIHANOUK

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12 mai 2010 3 12 /05 /mai /2010 08:41

 

Dans une lettre ouverte du Prince Sihanouk, datée du 14 janvier 1990, adressée aux pays puissants, publiée dans la revue « Vimean Ekreach » du mois de mai 1992, n°2, le Prince écrit ceci : «… À l’intérieur du Cambodge, il y a plus d’un million de colons vietnamiens, immigrants illégaux, qui sont venus du Viêtnam pour coloniser physiquement les terres des Cambodgiens et exploiter les ressources naturelles du Cambodge (pierres précieuses, forêts, caoutchouc, céréales, fruits, poissons, etc. ». « …Au plan culturel, la vietnamisation (surtout au plan linguistique) se poursuit à grande vitesse. Les Cambodgiens (Khmers) qui ne parlent pas bien et n’écrivent pas bien le vietnamien sont outrageusement défavorisés (dans l’obtention des diplômes ou des emplois, dans l’avancement administratif) par rapport aux Khmers parlant et écrivant brillamment le vietnamien ». « Ainsi, dans quelques décennies, le Cambodge sera peuplé d’une majorité de Vietnamiens et les Khmers (comme au Kampuchéa krom devenu Sud-Viêtnam depuis l’arrivée des Français « coloniaux », en Cochinchine, en 1860) deviendront une minorité ethnique dans leur propre Patrie, laquelle verra également se rétrécir son territoire avec des modifications de ses frontières terrestres et maritimes au profit du Viêtnam ».

 Nous sommes en 2009, dix-huit ans après, est-ce que le Prince Sihanouk pourrait nous dire ce qu’il a écrit en 1990 est encore une actualité ? Tout change, depuis lors, Samdech Norodom Sihanouk redevint Roi et Roi abdiqué en faveur de son fils. Selon le Chef de son secrétariat, Le Prince Thomico, le roi père a pris sa retraite et s’est retiré vivre en paix en Chine. A 87 ans et après une longue activité politique, il est normal, un homme de cet âge qu’il soit Restr (petit peuple) ou roi, a droit de se reposer. Je ne fais que souhaiter, longue vie, beauté, santé, force à Samdech Norodom Sihanouk. Ses activités politiques dans le temps passé appartiennent désormais à l’histoire.

 Revenons à ce que le prince Sihanouk écrivait en 1990. L’Opposition parlementaire et les opposants du régime actuel, en parlent aussi. Le téméraire utilise la méthode spéculaire, comme le cas de S.E. Sam Rainsy, député et leader de l’Opposition parlementaire, pour attirer l’attention du public national et international : enlever quelques pieux qui servent à identifier le marquage des frontières khméro vietnamiennes. Celui-ci juge et démontre que ces lieux de piquage des bornes de frontière par le comité khméro vietnamien, étaient dans le territoire khmer. Quoique les pieux enlevés soient implantés par erreur, Sam Ransy est condamné par le tribunal khmer pour cet acte une peine de deux ans de prison. Le prévenu se fuyait à temps du Cambodge pour revenir vivre en France. Il n’a pas besoin de demander l’asile politique, parce que le pays de Molière est sa deuxième patrie : il est Français. Mais, les deux autres coauteurs de cette croisade sont aujourd'hui en prison. On parle peu de cette affaire dans la presse des pays de grande démocratie, y compris en France dont Sam Rainsy est citoyen de la République. L’affaire de Sam Rainsy ne provoque pas le chambardement dans les rues de la capitale de Phnom-Penh comme celle de Thaksin Shinawatra, leader de l’opposition thaïlandaise. Pourquoi ?

 Parlons de la « citoyenneté khmère » : Nous avons fait un extrait du texte de la Loi de la nationalité du Royaume du Cambodge, datée du 20 août 1996.

 La nationalité khmère d’origine :  

 Article 4 :

1) Est obligatoirement khmère, toute personne remplissant une des conditions ci-dessous :
- être un enfant légitime né de père ou de mère ayant la nationalité khmère, ou
- être un enfant naturel, né de père ou de mère de nationalité khmère, et reconnu par ce (cette) dernier (dernier), ou
- être un enfant non reconnu par le père et la mère, mais être déclaré né de père ou de mère
ayant la nationalité khmère par jugement du tribunal.
2) Est obligatoirement khmère, toute personne née sur le territoire du Royaume du Cambodge, si elle possède une des qualités suivantes :
a ) être né de père ou de mère étrangers qui eux-mêmes, sont nés et vivent régulièrement et
légalement sur le territoire du Royaume du Cambodge.
b ) être né de parents inconnus et avoir été trouvé sur le territoire du Royaume du Cambodge.

 Si nous tenons compte de cette loi, article 4, alinéa 2, : Tous les enfants des colons vietnamiens qui sont nés au Cambodge sont Cambodgiens d’origine. Aujourd’hui, on pourrait estimer qu’il y ait au moins trois millions des Cambodgiens d’origine vietnamienne au Cambodge. Ce nombre représente 23 % de la population totale du Cambodge (14,5 millions d’habitants). Ils parlent le Khmer et sont très actifs sur le plan économique. Dans certains endroits, ils sont majoritaires.

 J’ai eu occasion d’en parler aux opposants du régime et je les ai posé la question suivante : Que comptiez-vous faire ?

 Certains m’ont dit : Il faut d’abord gagner les élections, et l'on verra bien. La réponse est vague et je ne vois même pas leur lueur de solution. Je me souviens bien en 1970, Lon Nol avait pris de mesure de renvoyer les colons vietnamiens au Sud-Viêtnam avec l’accord de ce dernier. A l’époque, les opinions internationales ont taxé le régime républicain de racisme.

 Sans avoir eu la réponse précise des opposants du régime de Phnom-Penh, j’ai essayé de donner des hypothèses des mesures suivantes :

 1. - Supposons que le nouveau gouvernement khmer compte faire comme Lon Nol. Aujourd’hui, il ne s’agit pas des colons vietnamiens, mais des Cambodgiens d’origine vietnamienne. Cette mesure déclenchera l’indignation internationale ; le Viêtnam en opposera avec force ; les Cambodgiens d’origine vietnamienne refuseront de quitter leur région où ils sont majoritaires et le Viêtnam soutiendra dans leur soulèvement armé. De toute façon, le Cambodge n’aura ni la force, ni la solidarité nationale pour prendre une telle mesure. Il ne faut pas non plus croire que les Cambodgiens peuvent chasser l’armée vietnamienne en une nuit du Cambodge, comme dans le temps passé. A l’époque, nous avons eu le soutien de la Thaïlande. Et nous savions que la contrepartie de cette aide était la reconnaissance de la suzeraineté du roi siamois par le roi khmer.       

 2. -  Supposons que le nouveau gouvernement khmer compte négocier avec le Viêtnam pour trouver une solution pacifique à ces problèmes cités par le Prince Sihanouk. Quels problèmes ? dit Hanoï : « Ce sont vos compatriotes et nous n’avons pas droit de s’immiscer dans vos problèmes internes. Ce que, je vous demande, c’est de ne pas utiliser les mesures de violence contre les minorités. Au Viêtnam, nous respectons les droits des Vietnamiens d’origine khmère qui vivent en Cochinchine. Faites-le comme nous ! Je crois qu'Hanoï aurait déjà dit au Prince Norodom Sirivudh, alors Ministre des Affaires Etrangères, quand celui-ci voulait évoquer, avec son homologue vietnamien, les problèmes des colons vietnamiens au Cambodge.

3. – Supposons que le nouveau gouvernement khmer compte déclencher l’hostilité armée avec Hanoï comme Pol Pot avait fait pour régler les problèmes de frontières khméro vietnamiennes. Nous savions à l’avant que ce dernier n’hésite pas à envahir le Cambodge.

4. – Supposons qu’il y ait une guerre civile au Viêtnam. Le soulèvement du peuple du Sud contre le régime d'Hanoï et le nouveau gouvernement khmer exploite cette faiblesse pour prendre des mesures contre les Cambodgiens d’origine vietnamienne. Les conséquences seront identiques des trois hypothèses ci-dessus.

5. – Supposons que le nouveau gouvernement khmer demande l’arbitrage international. Il n’est pas impossible pour régler des problèmes de frontières, mais il est inconcevable pour résoudre des problèmes de nationalité.             

Je racontais de sottise. J’écrivais une histoire imaginaire de mon pays. Mais dans la complexité des problèmes khmers actuels, il vaux mieux être plutôt philosophe que de donneur de solutions ou de leçons. On peut me traiter d’être un pessimiste, pas nationaliste, voir même pro-vietnamien. Pro-vietnamien, bien sûr que non. Pas nationaliste ; je ne sais même pas, qu’est ce que c’est le nationalisme khmer à l’heure où je parle ? Quand je vois Pol Pot qui tue sans raison valable plus de deux millions des Khmers, je me dis où se trouve le « Nationalisme khmer » ? Pessimiste, possible, parce que j’ai peur de ne plus crois en grand-chose. Je suis volontiers pessimiste en politique khmer. Bien sûr, en disant tout ça, je ne suis fier de moi, parce que je n’avais pas non plus fait grandes choses pour mon pays. Je rougis aujourd’hui de ma résignation. Il me reste quand même une petite lueur d’espoir. Il repose sur la jeunesse khmère. Les jeunes khmers sont très actifs dans les rues des grandes villes ; ils sont tristes de leur avenir. Mais, ils ont soif de bonheur. Cela leur donne envie de se battre.   

Renan disait dans un soupir que la vérité est peut-être triste. Celle de la patrie des Khmers serait-elle triste ? Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que le Cambodge ne disparaîtra pas comme le Champa sous le poids du grand Viêtnam. Mais il survivra avec un autre visage : le Kampuchéa multiethnique : Khmers, chinois, Vietnamiens. Nous devons porter sur nos épaules le poids de cette vérité. Mais elle ne nous donne pas droit de laisser tomber le pays de nos ancêtres et nous empêcher de nous battre pour lui tant qu’il est encore là. Mais notre combat devrait être un combat d’idées, pas de fusils, pour devenir un peuple leader parmi les autres composantes dans notre société. Comme disaient toujours les Français : « Nous n’avons pas le pétrole, mais nous avons des idées ». 

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30 avril 2010 5 30 /04 /avril /2010 09:12
Convention entre la France et le Cambodge, le 17 juin 1884, pour régler les rapports respectifs des deux pays.

Entre S.M. Norodom Ier, Roi du Cambodge, d’une part ; et M. Charles Thomson, Gouverneur de la Cochinchine, agissant au nom de la république française, en vertu des pouvoirs qui lui ont été conférés, d’autre part ;

Il a été convenu ce qui suit :

Article Premier. – S.M. le Roi du Cambodge accepte toutes les réformes administratives, judiciaires et commerciaux auxquelles le gouvernement de la République française jugera, à l’avenir, utile de procéder pour faciliter l’accomplissement de son protectorat.

Art. 2 – S.M. le Roi du Cambodge continuera, comme dans le passé, à gouverner ses États et à diriger leur administration, sauf les restrictions qui résultent de la présence convention.

Art. 3 – Les fonctionnaires cambodgiens continueront, sous le contrôle des autorités françaises, à administrer les provinces, sauf en ce qui concerne l’établissement et la perception des impôts, les douanes, les contributions indirectes, les travaux publics et en général les services qui exigent une direction unique ou l’emploi d’ingénieurs ou d’agents européens.

Art. 4 – Des Résidents ou Résidents adjoints, nommés pat le gouvernement français et préposé au maintien de l’ordre public et au contrôle des autorités locales, seront placés dans les chefs-lieux de province et dans tous les points où leur présence sera jugée nécessaire. Ils seront sous les ordres du résident chargé, aux termes de l’Art. 2 du traité de 1863, d’assurer, sous la haute autorité du Gouverneur de la Cochinchine, l’exercice régulier du protectorat, et qui prendra le titre de Résident général.

Art. 5 – Le Résident général aura droit d’audience privée et personnelle auprès de S.M. le Roi du Cambodge.

Art. 6 – Les dépenses d’administration du royaume et celles du protectorat seront à la charge du Cambodge.

Art. 7 – Un arrangement spécial interviendra après l’établissement définitif du budget du royaume, pour fixer la liste civile du roi et les dotations des princes de la famille royale.

La liste civile du roi est provisoirement fixée à trois cent mille piastres ; la dotation des princes est provisoirement fixée à vingt-cinq mille piastres dont la répartition sera arrêtée suivant accord entre S.M. le Roi du Cambodge et le Gouverneur de la Cochinchine. S.M. le Roi du Cambodge s’interdit le droit de contracter aucun emprunt sans l’autorisation du gouvernement de la république.

Art. 8 – L’esclavage est aboli sur toute l’étendue du royaume.

Art. 9 – Le sol du royaume, jusqu’à ce jour, propriété exclusive de la couronne, cessera d’être inaliénable. Il sera procédé par les autorités françaises et cambodgiennes à la constitution de la propriété au Cambodge.

Les chrétientés et les pagodes conservent en toute propriété les terrains qu’elles occupent actuellement.

Art. 10 – La ville de Phnom-Penh sera administrée par une commission municipale composée : du Résident général ou de son délégué, Président ; de six fonctionnaires ou négociants français nommés par le Gouverneur de la Cochinchine ; de trois Cambodgiens ; un Annamite ; deux Chinois ; un Indien et un Malais nommés par S.M. le Roi du Cambodge, sur une liste présentée par le Gouverneur de la Cochinchine.

Art. 11 – La présente convention, dont en cas de contestation, et conformément aux usages diplomatiques, le texte français fera seul foi, confirme et complète le Traité du 11 août 1863, les ordonnances royales et les conventions passées entre les deux gouvernements en ce qu’ils n’ont pas été contraire aux dispositions qui précèdent.

Elle sera soumise à la ratification du gouvernement de la République Française, et l’instrument de ladite ratification sera soumis à S.M. le Roi du Cambodge dans un délai bref que possible.

En foi de quoi, S.M. le Roi du Cambodge et le Gouverneur de la Cochinchine ont signé le présent acte et y ont opposé leurs sceaux.

Fait à Phnom-Penh, le 17 juin 1884.

 

CH. Thomson.                                                                                       Norodom.                                   

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