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31 octobre 2014 5 31 /10 /octobre /2014 11:20

Avertissement

Ce texte est inspiré des documents de M. Eng Soth, historien khmer, intitulé « Documents sur des héros khmers », publié en langue khmère dans les années 1970. Une partie de mon texte est romancé pour rendre vivant des faits historiques, en particulier dans les scènes de bataille. Il n’est pas donc un document historique. J’ai déjà publié ce texte sous forme de feuilleton depuis l’année 2009 pour raison technique, parce que la plate-forme de mon blog n’a pas pu supporter au-delà de 20 pages de chaque publication et n’a pas accepté le format Pdf.

Avec la possibilité d’aujourd’hui, le regroupement des textes dans un seul document est nécessaire pour un but de faciliter la lecture, d’une part et, de rendre hommage à M. Eng Soth de son œuvre historique, d’autre part.

Voici le résumé de ma vie d’un homme ordinaire dans le bain de l’histoire :

Date de naissance : 17 Novembre 1951

Lieu de naissance : Prek Por, Srok Srey Santhor, province de Kampong Cham, Cambodge.

Père : OP Kim Ang

Mère : TEP Somaly

Après avoir obtenu mon baccalauréat (série Mathématique élémentaire), je me suis rebellé contre la décision de mon père et les autres membres de ma famille de ne plus poursuivre mes études supérieures dans le domaine scientifique. Ainsi, je me suis inscrit à l’université des Sciences Humaines de Phnom-Penh (option « Histoire et Géographie »). La guerre (1970-1975) qui me détournait de mes études, dont je ne pouvais pas terminer mon cycle de licence. Une fois en France[1], après avoir vécu quelques mois dans une base militaire américaine à Otapao[2] en Thaïlande, je me suis obligé d’abandonner mes études de l’histoire, et de me réorienter vers un autre domaine que je le considère comme un cousin des sciences humaines : la Gestion des Ressources Humaines. D’abord à l’IUT[3] de Poitiers, ensuite au CNAM[4] de Paris et enfin à l’ESSEC[5] dans un cadre de formation continue pour les cadres supérieurs d’entreprise (4 certificats que j’ai obtenus avec mention d’encouragement[6], équivalent mention bien). Avec ces atouts, j’ai pu accès au poste de haute responsabilité en tant que cadre dirigeant dans un grand groupe des entreprises françaises, dans les fonctions de Directeur des Ressources Humaines (DRH) d’une filiale de plus de 900 salariés et celles du Directeur Général d’un Centre de formation professionnelle et continue du groupe. Mais mes délections de l’Histoire sont toujours en mois, j’ai donc souvent assisté aux cours d’histoire au collège de France en tant qu’auditeur libre pour garder le contact avec mon ardeur juvénile. Aujourd’hui, dans ma vie de retraité, je peux dire « J’aime l’Histoire ». Je dois remercier à mon père, malgré son opposition à mon choix, il me laissait faire avec son soutien total. Dans nos discussions diverses, y compris la politique, mon père n’avait jamais haussé le ton contre l’opinion de ses enfants. Ceci me donne aujourd’hui un goût de la liberté dans mes prises de position pour faire face aux différentes situations, rencontrées dans ma vie. Pour moi, ce qui est important dans une vie d’un Homme, c’est la « Liberté », parce qu’elle soit la plus belle invention de Dieu.Tel atome, moteur divin appelé l’âme, n’a-il-pas pour emploi de faire aller et venir un homme solaire parmi les hommes terrestres pour être le censeur des ennemis de la liberté de l’Homme. Puisque la liberté divine existe, pourquoi la liberté pour les humains n’existe pas ? Elle existe, parce que la vie de l’humanité marchera pour Dieu et pour eux. Sinon le Dieu n’existe pas.

Aujourd’hui, j’ai choisi de vivre en France avec mon épouse dans un modeste appartement dans un quartier populaire en banlieue de région parisienne, parce que ce pays, ma deuxième patrie, est une République de liberté, d’égalité et de fraternité. Je me rappelle toujours une phrase du Pape Jean Paul II : la richesse, ce n’est pas le pouvoir de cumuler les biens, mais la possibilité de limiter les besoins. Je m’en déduis qu’un être humain puisse vivre heureux, s’il savait cerner bien son champ de bonheur. Le mien est simple depuis toujours, la Liberté.Sans avoir le soutien de mon épouse, mon « désire de liberté » ne soit qu’un égoïsme pour elle. Elle le partage avec moi depuis plus de deux decennies pour un seul but : mon bonheur. Le sien, ce qu’elle me le disait toujours, s’incorpore dans le mien. Merci pour ce bonheur partagé.

J’aime la vie et j’aime la liberté.

[1] Je suis arrivé en France le 4 juin 1975.

[2] Base de B-52.

[3] IUT : Institut Universitaire de Technologie.

[4] CNAM : Conservatoire national des arts et métiers.

[5] ESSEC : Ecole Supérieure des Sciences Economiques et Comerciales.

[6] Les 4 certificats avec mention d’encouragement donnent la possibilité aux stagiaires cadres de rédiger un mémoire de fin d’étude en vue d’obtenir un diplôme reconnu par l’Etat.

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19 juin 2012 2 19 /06 /juin /2012 08:12

ចាប់ពី សតវត្សទី១៥មក រាជានិយមខ្មែរ ជួបប្រទះ នូវ វិបត្តិ នៃ ឧត្តរាធិការ បង្កើតជា ជម្លោះអាវុធ រវាង អភិមនិក នៃ រាជបល្ល័ង្ក។ ស្តេច យុទ្ធការី ទាំងនោះ សូមជំនួយពីបរទេស ដើម្បី ច្បាំង រក្សា ឬ ទាមទារ រាជបល្ល័ង នាំឲប្រជាជាតិ ខាតបង់ប្រយោជន៏ជាតិជាច្រើន។ សង្គ្រាម ជាមួយ សៀម ច្រើនគ្រា (ឆ្នាំ ១៤៣២, ១៤៧៧, ១៥១៥, ១៥៩៤) រំគាយ កម្លាំងជាតិ និង រាជានិយមខ្មែរ។ បន្ទាប់មក នៅ សតវត្សទី១៧ នៅក្នុង រជ្ជកាល ព្រះបាទ ជ័យជេដ្ឋា ទី២ (ទ្រង់បានលើករាជធានី ពីក្រុងលង្វែក មកតាំងនៅទីក្រុង ឧដុង្គ) យួន ក៏ចាប់ផ្តើម លុកចូលមកក្នុងទឹកដីស្រុកខ្មែរ តាមការអនុញ្ញាតពី ព្រះរាជាខ្មែរ ហើយកាត់កាប់ ខេត្តព្រៃនគរ។ ក្រោយពីព្រះអង្គ សោយព្រះទិវង្គត មានការធ្វើឃាតគ្នា បន្តបន្ទាប់ នៅក្នុងព្រះរាជវង្សានុវង្ស ដើម្បី រាជបល្ល័ង និង ការប្តូរសាសនា របស់ព្រះអង្គចន្ទ ហៅ ព្រះសត្ថា (១៦៥៣-១៦៥៦) យក សាសនាអ៊ីស្លាម ជារាជជំនឿ ព្រោះតែ ទ្រង់ស្រឡាញ់ នាង សាវ៉ះបុប្ផា ជាកូនចាម និង ជឿ សង្គ្រាជចាម ថា សាសនាមហាហ្ម័ត អាចទទួលជួយទាំងអស់ ដល់ជនទាំងឡាយ ដែលបានចូលសាសនាគាប់គុណ ដូចមានសម្តែងក្នុងព្រះគម្ពីថា : បើសិស្សានុសិស្សឯណា ចូលលូក្នុងព្រះវិហារហើយ បានរួមសម្ពន្ធលើមាតា ម្តាយមីង ម្តាយធំនោះ ទោះបីម្តាយមីង ម្តាយធំ ខាងខ្លួនក្តី ខាងភរិយាក្តី លោកសន្មតថា សិស្សានុសិស្សទាំងនោះ នឹងរងដួងកែវកំណើតឃើញវិញជាប្រាកដ។ ថាបើសិស្សានុសិស្សទាំងនោះ ធ្វើបាបសម្លាប់អ្វីៗ មួយរយដងក្តី មួយពាន់ដងក្តី អំពើបាបនោះ នឹងអន្ទោលតាមពំទាន់ ពុំជិតដិតដល់ខ្លួនឡើយ។ ទស្សនៈនេះខុសពី ព្រះ សង្ឃរាជា ពន្យល់ថ្វាយព្រះពរព្រះអង្គថា : បុណ្យនិងបាប មានតែដោយចំណែកប្លែកពីគ្នា។ ថាបើទ្រង់បានធ្វើបុណ្យច្រើនតទៅ នឹងសោយសុខជាមុន បើទ្រង់បានធ្វើបាបច្រើន ទ្រង់ទៅសោយទុក្ខ ជាមុនប៉ុណ្ណោះ គ្មានក្នុងព្រះពុទ្ធប្បញ្ញាតិ ឬ ពុទ្ធានុញ្ញាត ឲកាត់កងសងគ្នានោះឡើយ។

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13 juillet 2011 3 13 /07 /juillet /2011 15:55

N° 24 : Règne de Baram khantey Moha Chanreachea ou Preah Chanreachea (1516-1567) (suite)

 

L'histoire des Rois Khmers avec les mots d'aujourd'hui.

Du soir de la victoire contre les Siamois, le Roi khmer victorieux convoqua ses généraux valeureux dans la tente royale pour parler de son cousin trépassé, Ponhea Ong, tué le matin même sur le champ de bataille. Dans la tente, l’ambiance était euphorique. Le Roi s’assit sur un petit lit en bois noir, s’habillant un simple Sarong de soie de couleur jaune et une petite chemise blanche de coton, était radieux. Son Vrah guru (personnage chargé de l’instruction et de l’introduction du roi, et était de ce fait investi d’une très haute autorité morale et politique dans le royaume) se trouvait à sa droite, s’agenouillant sur le tapis de sol, fait de tige de bambou, était en méditation. Ses généraux, étant encore dans leur tenu de combat, à genoux à quelques mètres devant lui, étaient extasiés. Plusieurs pages, en rampant, se prosternaient aux pieds du lit royal. Avec une voix chevrotante qui s’impose le silence dans la tente, le roi dit :

 

« Je sais que vos avis sont partagés sur la cérémonie de crémation du corps de Ponhea Ong. Les uns pensent qu’il fût un traître, il faut donc brûler son corps physique comme son âme perfide. Les autres pensent qu’il fût un fidèle au Bouddha, il faut donc aider son âme désincarné à renaître dans la prochaine vie comme un simple serviteur du Grand Maître en brûlant son corps selon le rituel religieux. Les premiers raisonnent comme des soldats dignes de respect, les seconds réfléchissent comme des hommes de sagesse. Mais Vrah guru et moi, nous sommes obligés de respecter les us et coutumes, parce que Ponhea Ong était un prince khmer et fils d’un ancien roi, il bénéficie donc en tant que tel un honneur à son sang et rang, malgré, de son vivant, son choix de servir le souverain étranger. Il est mort sur le champ de bataille, sous l’étendard qu’il avait servi, en tant que soldat courageux, il n’était pas donc un traître pour nous, mais un chef militaire digne de respect, nous n’avons aucun doute possible que sa mort n’est pas une fin de sa dignité royale. Nous devions lui rendre honneur en tant que fils du roi et chef militaire de haut rang. Que ses funérailles doivent être faite selon la tradition royale khmère. Par cette décision, Vrah guru et moi, nous ne voulons pas commettre une anomie dans mon royaume ».

 

Ayant entendu ces paroles, les généraux se rendaient à la décision de leur souverain. Après quoi, les Brahmanes de la cour se dépêchaient d’organiser les funérailles de Ponhea Ong, selon la tradition royale, dans la citadelle de la victoire (Bantey mean Chay). Les moines bouddhistes étaient invités pour citer le dharma afin que l’âme du défunt l’emporte dans son voyage astral : Qu’elle doive accepter le cycle de la vie : la naissance, le vieillissement, la maladie et la mort. Ce cycle ressemble à une devinette du Sphinx, posé à Œdipe (extrait du livre de Jonathan Black : L’histoire secrète du monde) : « Qui a quatre pattes le matin, deux à midi et trois le soir ? ». Œdipe y répond en évoquant les âges de l’homme. Un bébé marche à quatre pattes, il grandit et marche sur deux jambes jusqu’à ce qu’il soit vieux et s’aide d’un bâton.

 

Après la victoire, Preah Chanreachea, Roi du Kampuchéa, prenait quelques semaines de détente dans son ancienne capitale à Pursat. Il ordonna aux services des travaux publics de faire des entretiens de quelques pagodes dans la cité. Plusieurs fêtes de solidarité furent organisées pour récolter des dons des fidèles en vue de faire face aux frais de ces travaux. Après quelques semaines de repos, le Roi décida de retourner à sa capitale, Longveak. Il choisissait un itinéraire par lequel il avait déjà fait pendant sa campagne militaire contre Sdach Kân. Cette route était appelé la route de la victoire. Elle traversait plusieurs provinces et anciens forts : Krakor, Kran, Klong, Baribo, Rong, Rolear Bpir. Dans chaque province, le Roi fit construire une pagode et donna plusieurs dizaines esclaves au chef des bonzes dont le nombre varie en fonction du rang de ce dernier. Une exception à Rolear Bpir, il fit sculpter trois statues du bouddha avec des mesures précises : La première statue est la taille du roi, la deuxième statue est celle de la reine Preah Phakatey Srey Teav Thida, la troisième est celle de la fille du roi.

 

Dans sa politique étrangère, Preah Chanreachea cherchait avoir des relations amicales avec la Chine, Annam et le Champa. En 1535, un des lieutenants de Vasco de Gama, Antonio de Faria, pénétra dans la baie de Tourane (Danang) au Vietnam et releva le site de Fai Foo. Ses récits attirèrent commerçants et missionnaires au Cambodge et en Annam. En Annam, les vaisseaux portugais venaient chaque année à Fai Foo, à 32 kilomètres au Sud de Danang, échanger les armes, le soufre, le salpêtre, le plomb, le cuivre, les draps d’Europe, les porcelaines et le thé de Chine, contre la soie, les bois rares, le sucre, la cannelle, le poivre et le riz du pays. Malheureusement, le Cambodge n’avait pas le port maritime qui lui permettait d’avoir des relations commerciales avec l’occident, la Chine, l’Inde et le Japon. Le Siam et l’Annam devenaient une porte d’entrée dans la région de l’Asie Sud-Est pour des activités de commerce international, de la science et de la modernité dans tous les domaines sociaux-politiques. Face à ces deux voisins émergeants, le Kampuchéa devînt une puissance finissante. L’effondrement de cette puissance vint de l’intérieur. Le Kampuchéa n’échappait pas à une loi de nature : qui n’avance pas recule.

Du XVIe siècle au XVIIIe siècle, le fait dominant dans l’histoire de l’Indochine est l’expansion vietnamienne qui s’opère par un lent glissement vers le Sud, les Vietnamiens consolident d’abord leurs conquêtes du XVe siècle sur les Chams, puis leur arrachant les dernières provinces où ils s’étaient retirés, et enfin s’infiltrant dans le Sud du Royaume khmer, la Cochinchine.

 

Preah Chanreachea eut trois enfants, deux garçons et une fille. Le premier fils s’appelait Samdech Rama Thipadey, le second fils s’appelait Preah Baraminh Reachea et le nom de la princesse était Samdech Preah Srey Tévi Ksattrey. Il éleva son fils aîné au rang de Vice-Roi. Il fit construire un palais en dehors de la citadelle de Longveak pour ce dernier. Le second fils fut nommé le Grand prince du Royaume. Celui-ci habitait dans le palais royal.

Parlons du Vice-Roi. Celui-ci eut une fille qui avait une beauté de déesse. Cela lui fit perdre la tête. Le Vice-roi était un homme à femmes. Avec son intelligence rusée, il cherchait un moyen pour commettre l’inceste. Un jour, il convoqua les dignitaires de sa maison royale en réunion. Au cours de ces conversations, il posa une question aux assistants : « Si l'arbre de votre jardin était porteur de fruits bons à manger, préfériez-vous en donner à quelqu'un autre à manger, ou en garder pour vous-même ? ». Tous les dignitaires présents à la réunion, sans avoir connu l’arrière-pensée de leur prince, répondirent à l’unanimité qu’il vaut mieux garder ces fruits pour manger au lieu d'en donner à quelqu’un d’autre. Ayant entendu cette réponse qui était dans le sens de son intention, à la nuit tombante, le Vice-roi alla dans la chambre de sa fille et la força à faire l’amour avec lui. Il s’enferma dans la chambre avec la princesse pendant sept jours et sept nuits. À minuit du septième jour de l’inceste, le vent se leva, souffla en emportant presque toutes les huttes de paysans qui se trouvaient des environs du palais de Vice-roi. La terre commença à trembler en faisant un bruit assourdissant. Le Vice-roi quitta son palais et s’enfuit en galopant son cheval appelé à Aknar pour se réfugier dans une plaine qui se trouvait à quelques kilomètres de son palais. Après son départ hâtif, son palais fut englouti par l’effondrement du terrain. Au milieu de la plaine, seul avec sa monture, le Vice-roi avait cru qu’il vienne d’être sauvé par son ange gardien, mais soudain, la terre commença à trembler sous ses pieds et s’entrouvrit pour aspirer le corps du Vice-roi et son cheval dans les entrailles de la terre. Voici le pouvoir de la puissance divine foudroyé aux pieds du prince royal. Dans l'épaisseur des ténèbres, son corps vomit son âme, parce qu'il refuse d'être partagé ses crimes : Qu'elle aille donc aux enfers, parce qu'elle méprise la règle de la morale. Quelques heures après, l'abîme fut fermé et la pluie ne tomba plus du ciel. La lumière des étoiles brillait peu à peu de dessus de la terre. Tout redevenait normal, mais le Vice-roi était disparu au milieu de la plaine après la tempête. Cet endroit était appelé par la population Knar- sraup (Knar-aspiré). Plus tard, ce nom se transformait en Knar-Sroth (Knar-effondré). Le Roi fut informé de la mort de son fils dont le corps n’était jamais retrouvé. Il ordonna à son ministre du palais de faire une cérémonie religieuse à l’endroit où son fils eût été absorbé par dieu de la terre pour aider l’âme du défunt à retrouver son chemin de réincarnation au lieu de descendre dans l’enfer pour accomplir sa pénitence.

 

Parlons maintenant de l’histoire du second fils du roi appelé Preah Baraminh Reachea. À la fête du nouvel an, le Grand prince partit au village Dong pour assister à une festivité populaire où il avait vu une jolie fille Neak Tep. Celle-ci était l’enfant de Ta Dong et Neak Chay. Messire Dong était un grand notable du village et riche (Séthey). Au retour du palais, le Grand prince demanda aux dignitaires de sa maison royale d’aller demander la main de Neak Tep à ses parents. Ceux-ci y acceptaient sous certaines conditions : Construire une route qui part du palais royal jusqu’au village Dong. Cette route servira à faire la procession des cadeaux du mariage des parents du marié à ceux de la mariée. Ayant entendu cette exigence, le Grand prince se mit en colère. Avec ses amis fidèles, il aurait eu l’intention d’enlever la fille qu’il aime. Mais cette idée était vite abandonnée, parce que le village de Ta Dong était bien gardé par une milice privée. En outre, il aurait eu trop peur d’être puni par son père de commettre ce genre d'action. Mais construire une route pour son amour à une fille, c’était une idée insensée. On ne va pas mobiliser la population pour ce coup de foudre au village de Dong. De toute façon, son père n’y acceptera jamais de cette idée folle. Désespéré de ne pas trouver une solution à ses problèmes du cœur, le Grand prince s’enferma dans sa chambre et sans manger pendant plusieurs jours. Il tomba malade. Son absence répétée à l’audience royale alertait le roi. Celui-ci demanda la nouvelle de son fils aux membres de la cour. Ceux-ci informèrent le roi que le Grand prince était malade de chagrin d’amour. Le détail de cette histoire était tout raconté au roi. Celui-ci se mit en colère et dit : « Ce Messire Dong est insolent. Il osait refuser la demande de mon fils, un héritier du trône. Cette audace vaut une condamnation à une peine de lèse-majesté ». Le Premier Ministre intervint immédiatement en faisant savoir au roi sur le mérite de Messire Dong : « Pendant votre exil au Siam, Messire Dong était opposant déclaré à Sdach Kân. Il était toujours fidèle à votre famille. Et pendant la guerre contre Sdach Kân, il était le grand bienfaiteur à notre armée. Nous avons emprunté plusieurs tonnes de vivres à Messire Dong. Il nous en a donné sans hésitation. À ce jour, nos reconnaissances de dettes ne sont même pas encore acquittées par le gouvernement. Majesté, s’il était condamné pour l’affaire de cœur du Grand prince, il est certain que la population juge que cette décision soit abusée. Majesté, faire construire une route serait un acte de reconnaissance aux services rendus de Messire Dong à Votre Majesté et serait laissé une trace de vos œuvres dans l’histoire du pays. Et cette construction ne ruinera pas les trésors de votre royaume ». Ayant entendu l’avis de son ministre, le Roi en était ravi. Il ordonne au ministre, chargé des travaux publics, de construire une route en conformité aux exigences du Messire Dong. Une demande au mariage était faite en grande pompe. Les parents de Neak Tep en étaient contents. On fêtait le mariage chez la mariée pendant plusieurs jours. Tous les dignitaires du Royaume étaient invités pour assister à cette fête royale.

 

Après le mariage de son fils, Preah Chanreachea continua de régner sur son royaume en paix. Son dernier geste royal était allé à phnom (montagne) Chriv où l’ancien roi, son aïeul, Preah Bat Ta Trasac Piem était né pour construire un musée royal en l'honneur du roi défunt. Celui-ci était le fondateur de la dynastie de la monarchie khmère actuelle. En 1567, le roi tomba malade et mourut quelques jours plus tard. Les dix Brahmanes gigantesques rampèrent, simplement vêtus d’un pagne blanc, pour approcher du lit royal pour transporter le corps sans vie du roi dans la salle du trône et de le mettre ensuite dans la jarre funèbre. Ils procédaient ensuite une cérémonie pour accorder un titre posthume au défunt. Celui-ci cessait d’être le roi temporel, mais il restait toujours roi dans le monde des esprits, c’est-à-dire roi de paix qui n’a ni commencement de jour ni fin de vie. Cette cérémonie est nécessaire pour éviter l’âme du roi défunt de passer dans la sphère sublunaire. C’est là qu’il est attaqué par des démons qui lui arrachent tous ses désirs bestiaux, corrompus et impurs, toutes ses envies maléfiques. C’est cette région, où l’âme doit traverser ce processus de purification douloureux pendant une période équivalente à environ un tiers du temps qu’il a passé sur terre, que les Chrétiens appellent le Purgatoire. C’est le même endroit qui correspond aux Enfers pour les Egyptiens et les Grecs et Kamaloca (littéralement, « la région du désir ») pour les hindouistes.  À cette heure, les conques marines, houlées par les Brahmanes, annoncèrent à tout le Royaume la mort du roi. Les villes envoyaient la nouvelle aux villages, et les villages aux hameaux, et terre à l’enfer, et l’enfer jusqu’aux cieux où habitaient les grands dieux de l’univers. Son fils, le Grand prince fut invité par les membres de la Cour à monter sur le trône. Le nouveau roi ordonna aux Brahmanes d’organiser les funérailles de son père selon le rituel des funérailles de grands rois. Cette cérémonie durait trois mois. À chaque nuit tombante, dans la salle mortuaire, des pleurs des femmes du palais furent relayés toute la nuit pour faire entendre à l'âme du roi défunt qu'il soit toujours aimé par ses serviteurs et épouses de tous rangs : Seigneur, vous êtes toujours là parmi nous. Par ces pleurs, on t'envoie notre amour éternel. Tu n'as plus de demeure qui n'est que ton corps végétal, animal et matériel, mais t'en auras un autre qui s'appelle le corps céleste. Voici le lait, le miel, bois et mange, Seigneur âme, les offrandes de l'autel, partage avec autres Dieux ton repas nocturne. À la fin de la cérémonie, les Brahmanes récitaient une formule magique : Meurs aux damnés, pitié royale, et ressuscite aux justes !". Ils demandèrent l'âme de quitter son corps dans la jarre en or. Ayant entendu la voix de ces prêtes, l'âme sortit doucement de la chambre mortuaire sans regarder derrière lui. Nous t'en supplions, Seigneur, va-t'en ! ne nous regarde pas !. Au cri des servantes en pleur, l'âme s'envole vers sa nouvelle demeure.

Preah Chanreachea vécut 87 ans et régna 52 ans, il mourut à Longveak en année du lièvre.    

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18 juin 2011 6 18 /06 /juin /2011 04:39

N° 23 Règne de Baram khantey Moha Chanreachea ou Preah Chanreachea (1516-1567)

 

Sdach Kân mourut en 1525 à l'âge de 42 ans, après 13 ans de règne dont 4 ans sur l'ensemble du territoire khmer et 9 ans sur la partie Est du pays, parce qu'à partir de 1516, le Royaume khmer fut divisé militairement et politiquement en deux parties, l’Est et l’Ouest. Le fleuve du Mékong était la ligne de démarcation de cette division politique. L'Est était défendu par Sdach Kân et l'Ouest était sous le contrôle de Preah Chanreachea. Tous les deux se proclamèrent roi du Kampuchéa et se battirent pendant plus d’une décennie pour être l’unique maître du pays.  

 

Avant de parler du règne de Preah Chanreachea, après la mort de Sdach Kân, il est utile d'informer les lecteurs qu'il y a plusieurs versions différentes de la circonstance du décès de Kân. La première est indiquée dans les documents de la pagode de Kompong Tralanh Krom. C'est la version dont j'ai présenté dans mon récit. La deuxième est indiquée dans les documents déposés à la bibliothèque royale sous le numéro K – 53-3. Voici le résumé de cette variante :

 

"La capitale de Sdach Kân fut assiégée par les troupes de Preah Chanreachea. Après trois mois de lutte épuisante, la ténacité de résistance de Kân fut récompensée : Preah Chanreachea leva son camp et s'éloigna à une bonne distance de la capitale de l’Ouest pour laisser reposer ses soldats épuisés, comme dirait l’autre, « la guerre ne serait pas trop insupportable si seulement on pouvait dormir davantage ». Après plusieurs jours de débats entre les stratèges, Preah Chanreachea décida d’employer une ruse pour démoraliser les soldats de Kân : On répand des rumeurs auprès des gens ayant des membres de famille qui combattent dans l'armée de Kân que dans trois jours, ce dernier n'ait plus la protection divine et sa tête sera décapité par Preah Chanreachea. Ceux qui veulent la vie sauve, auront une seule possibilité : déserter et quitter la ville fortifiée. Sinon, ils devront partager le sort tragique de leur maître, réprouvé par dieu. Ayant entendu cette prédiction, les parents des soldats avaient peur et faisaient tout pour en informer les membres de leur famille dans la citadelle en les demandant d’abandonner le poste de combat. Cette nouvelle créa la panique générale dans la capitale. Le 3e jour, suivant la diffusion de cette nouvelle, les soldats de Kân ouvrirent les portes de la citadelle et s'enfouirent dans toutes les directions. Cependant, une force spéciale de l’Ouest, profitant de cette aubaine, s'infiltrèrent en petit groupe dans la citadelle et tuèrent par surprise un grand  nombre des soldats fidèles aux Sdach Kân, parmi lesquels, il y avait deux éminents officiers généraux : Kao et Lompeng. Une unité de la force spéciale de l'Ouest se faufila dans la foule de la population en fuite pour pénétrer dans le palais du souverain de l'Est. Un gradé fut surpris Kân avec ses concubines dans la salle de repos, il lança son javelot et blessa gravement le bras de ce dernier. Celui-ci tomba par terre en fixant son regard vindicatif à l’auteur de sa perte. Au même moment, les autres soldats de l'Ouest arrivèrent sur lieux et se précipitèrent pour ligoter Sdach Kân devant les dames du palais en pleure de peur. En moins de deux heures, la citadelle fut maîtrisée et occupée par les troupes de Preah Chanreachea. Cinq cents proches de Kân, hommes, femmes de tous les âges, furent capturés et décapités sur le champ. Quant au Sdach Kân, il fut promené enchaîné dans la ville pendant trois jours avant d'être décapité. Sa tête fut exposée devant la porte principale de la citadelle de Sralap Pichey Norkor pour l'exemple".

 

Parlons du prince Yousreachea, fils du roi Srey Sokun Bât (1504-1512), après la victoire, il fut tombé malade et mourut quelque temps plus tard à l'âge de 29 ans. Il avait un fils, appelé Preah Chey Chettha. Dans les documents, déposés à la bibliothèque du palais royal, dans son tombe 3, Yousreachea mourut à 33 ans dans une bataille avec les troupes du général Kao. Il avait une fille, nommée Socheth Ksattrey.

 

Revenons à Preah Chanreachea. Après la victoire, son premier acte, ce fut d'aller chercher la relique de son frère, roi Srey Sokun Bât (1504-1512) à Samrong Sen (Kompong Thom) pour faire la crémation selon la tradition des rois khmers. Après quoi, il retourna à Pursat. Mais avant son départ, il avait ordonné aux services des travaux publics de bâtir sa nouvelle capitale à Longveak. Les travaux prenaient trois ans. Mais les résultas sont à la hauteur d'attendre du souverain. Tous les détails n'ont pas été oubliés par l'architecte en chef. Tous les agencements de défense de la cité ont été aussi réfléchis conjointement entre les généraux et les ingénieux. Dans ces travaux, on cherche la beauté, l'efficacité et l'ordre. C'est une cité des anges habitée par les humains. On dirait que Preah Chanreachea ait le goût du beau.      

 

En 1528, l'année du porc, Preah Chanreachea quitta Pursat pour s'établir à Longveak, sa nouvelle capitale victorieuse. Au cours de ce voyage, son éléphant de combat fut tombé malade. Tous les vétérinaires de la cour se dépêchèrent pour le soigner. Tous les remèdes avaient été essayés, mais il fut impossible de le faire marcher à nouveau. Le roi fut informé de l'état mourant de son animal, il en était triste. Il ordonna à son ministre d'envoyer des crieurs d'ordre dans les villages avoisinants de son campement : Celui qui puisse guérir l'éléphant du roi sera récompensé d'un Hape d'or (1 hape = 60 kg) et nommé haut dignitaire de la cour. Après cette annonce, il y avait un certain vieillard, nommé Dek, ancien chef du village, qui se présenta au roi et lui dit :

 

"Votre éléphant n'est pas malade, il est seulement possédé par l'esprit de génies qui lui fait défaillir. Pendant le règne du roi Ponhea Yat (1385-1427), votre aïeul, le roi avait fait sculpter 4 statues de génie de dix visages et plusieurs statues de Preah Ayso (dieu hindou), Preah Noray (dieu hindou), la dame Tep (génie populaire). Il avait donné l'ordre de les poser à la montagne Triel, Srang pour qu'ils défendent la porte Nord-Ouest du royaume contre les attaques siamoises et laotiennes. Et les autres statues étaient posées à la pagode SlaKèk, Prek Ampeul, Preah Vihear Sour pour qu'ils défendent la porte du royaume Sud-Est contre les Chams et les Annamites. Tous les ans, il faisait le Kathen (fête de solidarité) et cérémonie d'offrandes au Bouddha dans les différentes pagodes du royaume, Prek Ampeul, Kien Svay, Triel, Srang et Vihear Sour. Quand Votre Majesté a décidé de venir s'établir à LongVeak, vous n'avez informé ces génies. Pour cette raison, ils sont en colère contre vous et la maladie de votre éléphant n'est que l'expression de leurs courroux".

 

Ayant entendu ces propos, Preah Chanreachea ordonna aux chefs des services religieux de la cour de faire des cérémonies pour informer ces génies sur son désir de venir s’établir à Longveak. Après la fin des rites de cérémonie, le vétérinaire en chef  informa le roi que sa monture s'est rétablie. Le roi en fut content et décida de récompenser le dénommé Dek, 60 Kg d'or, 100 étoffes et la charge du gouverneur. Mais ce dernier refusa les cadeaux du roi et lui dit avec sa voix de la mort :

 

"Ces cadeaux sont inutiles pour moi, parce que je vais mourir dans quelques instances. J’en fais don au trésor public afin d'aider les soldats à combattre les Siamois, parce que dans deux ans, ils vont venir envahir votre royaume. Ici quelques jours, vous allez trouver un objet magnifique, ce sera votre porte-bonheur". À la fin de sa phrase, Dek tomba par terre et mourut soudainement. Après la crémation de Dek, Preah chanreachea ordonna aux services religieux de la cour de faire le Kathen dans toutes les pagodes citées par feu Dek. Après quoi, il continua son voyage à Longveak. Sur son trajet, le Roi aperçut un grand arbre Tirl (nom d'un arbre), sur ses grandes branches, il y avait une grande plaque de pierre. Curieux, il demanda aux villageois pour savoir qui a posé cette plaque de pierre là. Un vieillard du village lui dit :

 

"Je ne le savais pas. Mais j'ai entendu mes aïeux raconter que pendant le règne de Preah Barom Prom, ce roi quand il n'était pas encore roi, était élévateur des bœufs. Un jour, il avait dormi sous cet arbre pour surveiller ses troupeaux, cependant, il y avait un oiseau Kounh (nom d'un oiseau), percé sur la branche, fit ses besoins sur sa tête, Prom fut en colère, ramassa cette plaque de pierre et la lança sur l'oiseau, le blessa mortellement. Et cette plaque était coincée sur ces branches d'arbre. Et aujourd'hui, tous les 5, 8 et 15 Keuth et Rauch (dates des rites bouddhiques), tous les villageois venaient, pendant la nuit, décorer cet arbre avec leurs lanternes".

 

Ayant entendu cette histoire extraordinaire, le Roi se dit : "Avant sa mort, le vieux Dek m'avait dit que bientôt je trouverai un objet magnifique. Cette plaque de pierre, n'est-ce pas ce dont Dek avait parlé. Après quoi, il ordonna aux sculpteurs de prendre cette pierre pour sculpter 4 paires de pieds du Bouddha et abattre l'arbre pour sculpter une statue du Bouddha debout d'une hauteur de 18 bras. Ces sculptures sont déposées dans un temple royal, appelé la pagode Télékeng. Le Roi ramena le reste du bois de l'arbre à la capitale pour faire fabriquer des objets de décorations des palais de ses fils, parce que ce bois est un porte-bonheur pour sa famille. Arrivée à Longveak, le Roi donna l'ordre de planter des bambous des trois côtés de la citadelle dont la largeur de plantation est de 2 Send (60 mètres) à partir du fossé dont la profondeur est de 4 mètres et la largeur est de 20 mètres. Compte tenu de la diminution du nombre de la population dans le royaume, il demanda une corvée des paysans pour cultiver du riz pour nourrir une armée permanente de 10 000 hommes au lieu de 100 000 hommes, chiffre exigé dans la loi ancienne. En 1538, il donna l'ordre d'inaugurer la nouvelle capitale royale. Une grande fête publique fut organisée à Longveak. Il procèda la réorganisation d'administration territoriale du Royaume. Il nomma les cinq grands gouverneurs du Royaume :

 

Chao Ponhea Outey Thireach, grand gouverneur d'Asanthouk. 24 districts y dépendent à cette grande préfecture : Moeung Staung, Chikreng, Prom Tep, Prasath Dâph, Prêt Kdey, Srkèr, Cheu Tiel, Gnaun, Kompong Lèhn, Koh ké, Preah khane, Purthiraung, Sen, Norkor, Mplou Prey, Chom Ksanh, Vari Sen, Prey Sambor, Kampoul Pich, Prah Prasâb, Tbeng, Preah Kleing et Koh Sès ;

Chao Ponhea Sourkir Lauk, grand gouverneur de Pursat. 6 districts constituent cette province : Moeung Krakor, Trang, Tphauk, Klong Taing et Samrès ;

Ponhea ār Choun, grand gouverneur Thaung Khmoum. Celui-ci administre 5 districts : Chao Moeung Angkounh, Dambèr, Phnom Preah, Chrey Prahar, Cheuk Kour et commande 4 circonscriptions militaires : Tvear Lauk, Tvear Phak, Tvear Roung et Tvear Viel ;

Chao Ponhea Thomma Dekchaur, grand gouverneur de Baphnom. 7 districts sont placés sous son administration : Chao Moeung Koh, Chao Moeung Méchong, Mékang, Svay Teap, Romdoul, Kandal ;

Chao Ponhea Pisnolauk, grand gouverneur de la province de Trang. Cette province est composée de 6 districts : Chao Moeung Peam, Cheuk Prey, Choun Chum, Bantey Meas, Sré Ronaug, Ta Bour ;

Et les autres chefs de districts avec un grade de 9 houpeang (grade des fonctionnaires).

 

En outre, Preah Chanreachea procéda la réforme des règles protocolaires de sa cour et des tenues vestimentaires des membres de la famille royale et des dignitaires. À chaque audience royale, les femmes de la cour doivent couvrir leurs épaules et leur poitrine avec un châle de longueur de 8 bras, orné des motifs de fleurs. Les gardes royaux tiennent à leur main un éventail de feuille de palmier, orné des motifs d'étoiles. Les princes et princesses se déplacent sur le palanquin découvert, en bois de Krâr nhoung (nom du bois), lequel est porté par 4 porteurs. Pour se protéger du soleil, ils (elles) portent une ombrelle de modèle birman avec la frange dorée. Quant aux fonctionnaires de tous les rangs, ils ont droit à une ombrelle laquée ou argentée avec la fange dorée. Les cinq grands gouverneurs ont droit au parasol à un étage.

 

En 1539, les hauts dignitaires invitèrent Preah Chanreachea à se faire sacrer roi victorieux selon la tradition royale khmère. Ce dernier n'y pas acceptait, parce qu'il manquait un objet sacré pour la cérémonie de ce sacre royal, tel que l'épée royale. Au cours d’une audience royale, le général Sok proposait à son roi d’aller rechercher cette épée dans la province de Bati :

 

"Après la mort du roi Srey Sokun Bât en 1512 à la citadelle de Samron Sen (Kompong Thom), dans sa fuite, le grand Brahmane Sours avait amené avec lui tous les objets de sacre royal pour qu'ils ne fussent pas tombés dans la main de Sdach Kân. Compte tenu de son âge, il certain qu'il ne soit plus de ce monde, mais nous ne savions pas où il avait caché ces objets. Le Brahman Sours était natif de la province de Bati, il avait eu une maison familiale au sud de la pagode de Pnom-Penh. Si j'étais lui, je choisirais mon village natal pour me cacher. Je pense que c'est à cet endroit que nous devions chercher l'épée royale, Majesté", dit le général Sok.

 

Ayant entendu ce propos, Preah Chanreachea décida de confier cette mission au général Sok. Celui-ci quitta la capitale avec 500 hommes à destination de Bati où ses hommes explorèrent toutes forêts de la province en vain. Pendant ce temps, il y avait un villageois, nommé Krala Pyrs Sours. Celui-ci avait fait un rêve dans lequel il vit un vieillard qui lui dit d'aller chercher l'épée royale en lui désignant l'endroit où il pourra la trouver. Le lendemain matin, Sours en parla à sa mère et partit à recherche cet objet sacré. Il retrouva l'épée et tous les autres objets de sacre royal et décida de les amener au roi à Longveak. À mi-chemin, il rencontra le général Sok et ses hommes. Ayant appris que ce dernier était l'envoyé du roi pour rechercher les objets qu’il venait de les retrouver, il demanda donc le voir pour lui confier ces objets. Sok en était content, il envoya, en effet, une estafette pour informer le roi de cette bonne nouvelle. Une délégation royale était envoyée immédiatement pour ramener les objets sacrés retrouvés au palais royal. Le Roi attendait l'arrivée de la parade devant la porte de la cité. La population était présente à cette fête nationale avec cœur de joie. Les gens de toutes les catégories sociales formaient une haie d'honneur de plusieurs kilomètres pour honorer le retour de l'épée royale à la capitale. Parmi ces objets trouvés, il y avait 13 petites statuettes de dieux hindous, mais il en manquait encore 12 autres pour être au nombre exigé par l'usage du sacre royal. Le Roi ordonna donc au grand Brahmane, Samdech Preah Eysakphan, de les fabriquer pour compléter le nombre manquant.

 

Parlons maintenant du roi du Siam, Preah Chao Chakrapath. Un beau jour dans la salle du trône, celui-ci avait évoqué le cas de Preah Chanreachea pendant le Conseil des dignitaires :

 

"Preah chanreachea a été retourné dans son pays, il a gagné la guerre contre Sdach Kân. Il est couronné roi du Krong Kampuchea. Il m'a promis qu'après sa victoire de m'envoyer des tributs pour me remercier d'avoir lui prêté 5 000 hommes, des chevaux, des éléphants de guerre et des vivres pour combattre contre Sdach Kân, usurpateur du trône khmer. Le temps passe, nous n'avons plus de nouvelle de lui. Il est temps de lui donner une leçon de politesse par une incursion militaire. Que pensiez-vous, dit le roi".

 

Les ministres ne partageaient pas les idées de leur Roi. Par voix du Premier Ministres, ils faisaient entendre leurs voix :

 

"Le Kampuchea est un état indépendant. Un manque de parole donné de son roi à Votre Majesté ne suffit pas de déclarer la guerre sans lui demander l'explication préalable. Il faudrait envoyer une ambassade pour lui rappeler de ses promesses".

 

Après quoi, Preah chao Chakrapath envoya une ambassade à Longveak. La délégation siamoise arrivait à la capitale khmère avec une lettre royale. Celle-ci demanda une audience immédiate à Preah Chanreachea. Pour montrer aux membres de la délégation siamoise qu'il ne fût pas aux ordres de leur Roi, Preah Chanreachea leur faisait attendre pendant quinze jours. Après avoir lu la lettre du Roi Preah Chao Chakrapath, le Roi Khmer s’adressa aux ambassadeurs siamois dans les termes suivants :

 

"Votre Roi ne m'a jamais aidé à gagner la guerre. Je ne vois pas, pourquoi je lui doive une gratitude. Mon pays est un état souverain et je ne vois pas non plus, pourquoi je doive envoyer des tributs à votre Roi. Je ne parle même pas du passé : Votre pays a été inféodé à mon royaume. C'était notre roi, Preah Botom Sorya Vong qui avait accordé une autonomie à votre royaume, dont la naissance d'un état indépendant, appelé Sukhothaï, parce qu'il voulait faire cadeau de ce territoire à son propre frère cadet, nommé Ponhea Raung. Plus tard, vos rois successifs pratiquaient une politique d'expansion territoriale. Ils avaient fait la guerre contre mon pays sans même faire la déclaration préalable. Ils avaient annexé beaucoup de territoire de mon royaume. Cela s'appelle le vol par la victoire. J'étais réfugié pendant 9 ans dans votre royaume, durant ce temps-là, j'ai demandé à votre roi de m'aider à chasser Sdach Kân du trône de mes ancêtres, mais votre roi a repoussé sa promesse aux calendes grecques. J'ai trouvé moi-même une ruse pour fuir, sans doute, le Siam avec les hommes de votre roi, mais ce n'était pas avec ce nombre qui m'aide à détrôner Kân, c'était plutôt l'œuvre de mon peuple. Il n'est pas question donc pour moi de reconnaître la suzeraineté du roi Preah chao Chakrapath sur mon royaume".

 

Après quoi, Preah Chanreachea ordonna à son secrétaire de rédiger une lettre pour le roi d'Ayuthia dont le contenu était identique à ce qu'il venait dire aux membres de la délégation siamoise. Après le retour des trois ambassadeurs siamois dans leur royaume, Preah Chanreachea convoqua les membres de son Conseil de guerre et leur dit :

 

"Avant sa mort, le sage Dek avait prédit que le roi d'Ayuthia envoie des troupes pour nous attaquer. Il faut donc que nous préparions pour faire face à cette éventualité. Il est temps de prendre les devants. Je partirai à Pursat avec une armée pour empêcher les troupes siamoises de pénétrer en profondeur dans notre territoire". 

 

Revenons au royaume d'Ayuthia. Après avoir lu la lettre du roi khmer, le souverain siamois se mit en colère. Il ordonna à ses généraux de lever une armée pour envahir le Kampuchea. En 1530, l'année du tigre, le jour faste, il marche à la tête de ses troupes pour punir Preah Chanreachea. Arrivé au district de Neang Raung dans la province de Moha Norkor, l'avant-garde siamois fut interceptée et attaquée par la garde provinciale khmère. Mais, la bataille ne dura pas longtemps, car les effectifs de l'armée khmère,    5 000 hommes, ne firent pas le poids contre les ennemis en force de tsunami. Le gouverneur khmer se vit donc obliger de battre en retraite. Il aura rejoint Preah chanreachea à Pursat avec le reste de ses troupes. Après la victoire, le Roi siamois entre dans la cité de Moha Norkor pour visiter les temples khmers. Il dit à ses généraux :

 

"Le nom de Moha Norkor correspond bien à la splendeur de la cité. Jadis ce pays avait 121 royaumes sous sa domination. Maintenant quand j'ai vu de mes propres yeux la grandeur de cette cité, je ne suis rien étonné de cette réputation".

 

Pendant sa visite des temples khmers, Preah chao Chakrapath fut informé de l'arrivée des troupes khmères à 50 send (1 send=30 m) de la cité de Moha Norkor. Il rassembla ses généraux dans sa tente de commandement pour organiser son plan d'attaque. Le lendemain matin, l'armée siamoise se mit en mouvement pour attaquer l'armée khmère. Les soldats de son avant-garde portaient la chemise rouge, ceux de son aile gauche portaient la chemise bleue, ceux de son aile droite portaient la chemise verte, ceux de son arrière-garde habillaient en noir et la couleur jaune fut réservée à l'armée du roi qui se plaçait au milieu de la formation de l’armée en campagne. En face de l'armée siamoise, les troupes khmères étaient aussi en formation de combat. Le général Sok commandait l'avant-garde. Son frère, le général Tep, assurait l'aide droite. Le général Oknha Yaureach Sours surveillait le flanc gauche. Quant à l'arrière-garde, Samdech Preah Sotoung était le responsable. Le fils de Preah Chanreachea, Samdech Preah Rama Thipadey était chef de manœuvres et le tout était coordonné par Preah Chanreachea qui se trouvait au centre des dispositifs de combat.

 

Nous ne connaissons pas le détail de cette bataille, parce que dans les documents de la pagode de Kompong Tralanh Krom, le livre n° 17, qui en décrit est disparu.

 

En revanche, nous pouvons en savoir dans les documents déposés à la bibliothèque royale sous le numéro K – 53-3: Après la victoire de Preah Chanreachea, le Roi siamois envoyait des émissaires pour exiger Preah Chanreachea de lui fournir des éléphants de guerre. Ce dernier refusait de se plier à cette revendication. Pour punir le roi khmer, Preah chao Chakrapath envoyait une armée pour envahir le royaume khmer, laquelle fut mise en déroute par l'armée de Preah Chanreachea au Moha Norkor (province de Seam Reap actuelle). Voici le détail de ces évènements.

 

Le Roi d'Ayuthia conduisait lui-même une armée de 90 000 hommes pour envahir le Kampuchea. Mais il laissait entendre que cette armée fut commandée par le prince khmer, Ponhea Ong, fils de l'ancien roi khmer, Preah Sérey Reachea (1471-1485). Trahis par son frère, Thomma Reachea (1478-1504), le père de Preah Chanreachea, Preah Sérey Reachea fut capturé par le roi siamois et amené au Siam avec son fils en 1485. Il mourut par la tristesse au cours de ce voyage. Son fils, Ponhea Ong, fut adopté par le roi siamois et nommé gouverneur Phitsanulok (lire n° 11).  Thomma Reachea, était le fils du roi Ponhea Yat, né de mère siamoise, Preah Mneang Sisagame (lire n° 8).

 

Un autre corps d'armée siamois de 50 000 hommes, commandé par le général San, débarque à Kampot par voie maritime. Pour faire face à cette invasion étrangère, Preah Chanreachea donnait l'ordre d'enrôler les habitants des provinces de Thaung Khmoum, Kompong Seam, Kompong Svay, Ba Phnom, Prey Veng et Samrong Thorg pour former une armée de campagne de 200 000 hommes. Après quelques semaines de formation militaire, cette armée quittait Longveak pour aller s'établir à Pursat. La mobilisation générale était décrétée pour recruter des soldats dans les provinces de Basac, Preah Trapeang, Kramoung Sâr, Bati, Bantey Meas pour créer un autre corps d'armée de 60 000 hommes pour faire face aux Siamois à Kampot.

 

Arrivé au fort de la victoire (Bantey Meanh Chay) dans la province de Pursat, Preah Chanreachea était informé que les Siamois occupaient déjà la province de Moha Norkor (Siem Reap) dont leur chef militaire n'était que Ponhea Ong, son cousin. Il convoqua ses généraux et leur dit :

 

"Ponhea Ong est un fils du roi khmer. Il est mon aîné. Je vais lui proposer un duel entre deux princes de sang pour épargner la vie des soldats. Le but de ce duel sur le dos d'éléphant est simple : Si j'y gagne, il se retirait avec ses troupes du Kampuchea. S'il y gagnait, je lui donnerais mon trône. Je lui fais cette proposition, parce que je suis certain que Ponhea Ong ne puisse pas me gagner dans ce duel. Il est engourdi par la vie aisée au royaume d'Ayuthia. Il est venu faire la guerre contre son propre pays par obligation et en tant que mercenaire avec la peur au ventre. S'il rejetait ma proposition, je lui demande de désigner son champion siamois pour se mesurer à moi dans ce duel".

 

Après avoir entendu les paroles coriaces de leur Roi, les généraux s'inclinent devant la volonté royale. Après quoi, Preah Chanreachea donne l'ordre d'envoyer une missive à Ponhea Ong pour l'inviter à venir s'extérioriser son courage martial dans ce duel. Ce dernier est fou furieux de la provocation de son cousin. Tu diras à ton Roi que je serai au rendez-vous, dit Ponhea Ong au messager. Je n'ai pas peur de combattre contre celui qui ne connaisse pas le sens de gratitude envers le bienfaiteur, le Roi d'Ayuthia. Pendant 9 ans, il était logé et nourris par mon Roi et pour des bijoux de pacotille, ton roi ose y refuser à une requête officielle de mon roi au prix de la rupture de la paix entre deux royaumes".

 

Au jour convenu, Preah Chanreachea quitta son fort avec son armée pour se mesurer en duel à son cousin, Ponhea Ong. Dans un grand terrain de plusieurs centaines d'hectares, les deux armées, khmère et siamoise, se massaient face à face. Du côté siamois, le prince Ong se tenait debout sur le dos de son éléphant. Il portait une jaquette recouverte d'une cuirasse, de la main gauche un bouclier rond et de la main droite une épée, sur sa tête, un diadème orfévré qui s'incurve au niveau des oreilles et paraît emboîter du crâne. Un carquois, un arc et quatre lances posés dans le bât, étaient ses armes de combat. Son cornac se trouvait derrière le bât pour diriger l'animal. Ce dernier tenait une lance avec une lame latérale plus ou moins courbe. Ce croc devait aussi lui être précieux dans les combats. Preah Chanreachea se tenait debout sur le bât redenté de motifs sculptés divers. Il portait de la main droite une lance, de la main gauche un bouclier long.  Contrairement à son cousin, ses cheveux sont rejetés en arrière et noués sur le haut de la nuque en petit chignon rond très serré. Il posait son arc et son carquois dans le bât. Son cornac était assis à califourchon sur la nuque de l'éléphant coincé entre la tête de l'animal et le bât. Ce dernier portait une jaquette recouverte d'une cuirasse et de la main droite un croc pour diriger l'animal.

Vu son cousin aîné à cinq cents mètres de lui, Preah Chanreachea se mit debout sur le dos de son éléphant et dit :

Votre Altesse va bien ?

Comme un ange, Auguste petit frère, répond Ponhea Ong ;

Pourquoi continuez-vous à vous servir le souverain étranger. Vous êtes chez vous ici, vous êtes la bienvenue dans la patrie de nos ancêtres, votre défection est un honneur pour notre nation et une fierté pour moi, je vous invite à me rejoindre pour rebâtir ensemble la grandeur du passé de notre nation, dit le Roi khmer.

Ponhea Ong restait quelques instances sans parole. Les larmes aux yeux, il s'efforçait de cacher cette émotion spontanée, laquelle pût être interprétée par ses soldats comme une faiblesse et une trahison. Il reprenait son esprit après avoir entendu le son de tambour des troupes khmères et répondit à son cousin :

Je suis ici pour faire un duel et la guerre, pas pour vous écouter des bobards.

Après quoi, il fit signe à son cornac de faire manœuvrer sa bête de combat. Celui-ci lava sa trompe et barrit. Aristote avait dit que l'éléphant est "la bête qui dépasse toutes les autres par l'intelligence et l'esprit". Celui-ci était encore exceptionnel par sa beauté et son courage, il chargea à une distance de plusieurs centaines de mètres et s'arrêta pour laisser la possibilité à son maître de lancer une lance sur le roi khmer. Deviné la manœuvre de son adversaire, Preah Chanreachea ordonna à son cornac de manœuvrer son éléphant à droite pour être hors du trajet de l'attaque de son cousin. Ponhea Ong poursuivit la retraite de Preah Chanreachea en lançant encore deux lances et s’écria l'ordre à ses fantassins de lancer des assauts contre les troupes khmères. Cette initiative était contraire à l’accord prévu avec Preah Chanreachea. Dans la mêlée des soldats des deux parties, le roi khmer fit signe aux snipers khmers de tirer de plusieurs balles sur l'éléphant de Ponhea Ong. Cette décision avait pour but de répondre à la transgression de l’accord de duel de son cousin, naturalisé siamois. Touché à plusieurs reprises, la monture de guerre de ce dernier perdit son équilibre. Cette faiblesse offrit une occasion à Preah Chanreachea de frapper un coup d'épée sur son cousin en difficulté. Celui-ci n'avait pas le temps d'esquiver cette attaque, parce qu'il eut été dérangé par la chute de son éléphant blessé. La lame de l'épée du roi khmer coupa avec force toutes les côtes droites de Ponhea Ong. Celui-ci tomba sur le dos de son éléphant et mourut sur le coup. Sa mort provoqua la panique dans les rangs des troupes siamoises. Dopés le courage par la victoire de leur roi, les soldats khmers s’engagèrent dans le combat avec un une idée en tête : la victoire. Vus le déferlement des troupes khmères avec un roi victorieux à la tête, les Siamois se battaient en retraite sans avoir le temps de ramener leurs camarades blessés avec eux. La direction de leur fuite en désordre était la frontière. En quelques jours seulement, on ne voyait plus un soldat siamois sur le territoire khmer. La victoire de Preah chanreachea était donc totale. Comme son grand père, le roi Ponhea Yat, Preah Chanreachea s’inscrivait son nom sur la liste des rois vainqueurs des Siamois dans l’histoire khmère. By Chay Lieng, un illustre écrivain khmer, avait inspiré cette histoire victorieuse pour écrire un roman célèbre dans les années soixante, dont le titre est « Preah Chanreachea ».

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5 février 2011 6 05 /02 /février /2011 11:43

Règne de Sdach Kân (1512-1525)

  

La chute

 

Nous mettons de côté les péripéties de Sdach Kân pour remonter dans des siècles précédents. Jadis dans le pays khmer, il y avait un roi puissant. Il s'appelait Preah Bat Arân Pol Pear Sau. Celui-ci offrit la province de Thaung Khmoum à un de ses fils comme apanage et conféra à ce dernier le titre royal Samdech Chao Ponheaār Choun. D'après le récit, la lignée de celui-ci régnait sur son fief pendant huit générations. Après l'extinction des mâles, un des descendants de ār Choun prit possession du domaine et régnait sur la province de Thaung Khmoum. Il s'appelait Preah Ang Kem.

La grande province de Thaung Khmoum était divisée en cinq préfectures : Toul Angkouhn, son gouverneur portait le titre Okhna Rithi Déchau ; Prey Cheuk Kour, son gouverneur portait le titre Okhna Krey Sarséna Chap Choun ; Chumchèr, son gouverneur portait le titre Okhna Montrey Snéhar ; Chhrey Rorha, son gouverneur portait le titre Okhna Chan Ansar ; Thâr Krey, son gouverneur portait le titre Okhna Kiri Puth Bat. Les quatre points cardinaux de la province de Thaung Khmoum étaient défendus par quatre circonscriptions militaires : Porte Roug, son officier de garde portait le titre Okhna Krey Sar Sangkram Roug ; Porte Riel, son officier de garde portait le titre Okhna Krey Yothir Riel ; Porte Laur, son officier de garde portait le titre Krey Anouk Chit Tvir Laur ; Porte Kâth, son officier de garde portait le titre Okhna Reug Rong Tvir Kâth.

Un beau jour, la population de cette province avait vu un spectre du Bouddha qui vola dans le ciel, tomba et disparut. Avant de pénétrer dans la terre, ce spectre se brisa en sept morceaux de couleurs différents.  Ponhea ār Chhoun Kem, gouverneur de Thaung Khmoum, fut informé de ce phénomène rarissime. Il se décida de venir visiter le terrain où le spectre fut tombé. Après quoi, Il mobilisa la population pour creuser cet endroit dans l'espoir de trouver quelque chose exceptionnelle sous la terre. Après creusage plus d'un mètre de profondeur, on trouva quelques os d'humain. Cette découverte faisait croire aux gens qu'ils avaient trouvé la relique du Bouddha, laquelle était envoyée par le ciel. Ponhea ār Chhoun Kem en était content. Il fit construire une pagode et un stupa en pierre de qualité pour déposer cette relique. Pour fêter cet évènement heureux, le gouverneur invita les moines à prononcer les sermons bouddhiques pendant trois mois. Comme il était un érudit de l'histoire du Bouddha, il sollicitait les moines de sermonner sur les cinquante vies du Bouddha. Quelque temps plus tard, le gouverneur avait entendu parler d'un joli tombeau au Dai-Viêt (Vietnam), lequel était bâtit pour symboliser le stupa du Bouddha. Fervent du bouddhisme, il fit construire le même tombeau dans sa province, lequel était plus grand et plus joli que celui de Dai-Viêt.

Note personnelle : Il est fort probable que Ponhea ār Chhoun Kem eût une concubine vietnamienne ou bien il fût métis vietnamien ou chinois pour qu'il s'intéressait au tombeau.

 

Revenons maintenant à l'histoire de Sdach Kân. Nous le savons que l'histoire de toutes les guerres dans le Cambodge ancien, ne parle ni le nombre de morts, ni de crimes. Elle ne récite que la gloire des vainqueurs qui reposent tout entière sur la force, et non sur la sagesse, elle encourage presque toujours les hommes de l'épée dans les combats violents contre leurs adversaires. Que la conquête de la totalité du territoire par la force assure la destruction totale de l'opposition. C'était le but recherché par Sdach Kân et Preah Chanreachea dans leur lutte pour le pouvoir. Dans cette optique, Preah Chanreachea se décida de poursuivre son offensive contre Sdach Kân jusqu'à la forteresse de Sralap Pichey Norkor. Son plan visait à prendre la province de Thaung Khmoum afin de crever ce dernier dans sa demeure. La conquête durait trois mois, mais sans vainqueur, ni vaincu. Cette guerre de position se prolongeait jusqu'à la saison de pluie.

Nous sommes en 1522. La première goutte d'eau tombe sur les champs de rizière abandonnés, parce que les paysans sont mobilisés pour faire la guerre qui dure déjà plus de deux décennies, c'est-à-dire depuis le règne du roi Srey Sokun Bât (1504-1512), le frère de Preah Chanreachea. Cette guerre entraîne la déchirure du pays en deux parties comme dans le temps passé, Chen-La de terre et Chen-La d'eau. Sdach Kân gouverne la partie de l'eau, quant à Preah Chanreachea, il est maître du Chen-Là de terre. On dirait que ce conflit soit une guerre entre l'eau et la terre qui coûte d'innombrables vies des Khmers et plonge le pays dans la misère. Dans chaque village, au crépuscule, on ne voit que des vieillards chenus et diaphanes qui s'asseyent par terre et regardent vers l'horizon qui s'assombrit petit à petit. Là-bas et ailleurs, il y a leurs fils qui sont mobilisés pour faire la guerre. Au village, il n'y a pas non plus des femmes et des enfants, parce qu'elles (ils) suivent leur mari, leur père au champ de bataille. Quand reviendront-ils à la maison ? Cette question rompait le sommeil de Kân. C'était seulement son rêve, mais l'angoisse restait encore après son réveil. Soudain, il entendait le clapotis de l'eau de pluie qui frappe la surface de la terre en soif. Cette retrouvaille régénère la nature et la vie. Ce n'est pas le bruit de la guerre entre l'eau et la terre. C'est plutôt la clameur de l'union entre ces deux créatures de dieu qui sont les maîtres de la vie. Le lendemain, Sdach Kân donna l'ordre d'envoyer une requête à Preah Chanreachea, dans laquelle il lui demande une trêve en conformité avec la tradition. Cette trêve permettait à la population et aux soldats en permission de cultiver du riz pour nourrir leur famille. Ce dernier en accepta sans broncher.

 

Pendant la période de trêve, à chaque jour saint (bouddhique), Samdech Srey Chetha (Sdach Kân) et sa favorite allaient à la pagode de Thaung Khmoum pour faire la prière devant le stupa du Bouddha. Le service d'espionnage du Royaume de l'Ouest en signala à son supérieur, Okhna Yaurmechea Sours. Celui-ci convoqua ses officiers, à l'insu de son roi, pour organiser un attentat contre Srey Chetha. Au cours de ce conciliabule, il disait à ses officiers : "D'après les renseignements, la distance parcourue de son palais à la pagode est à peine vingt kilomètres. Je crois qu'il soit possible de trouver un droit pour mettre une embuscade". Après un instant de silence, un officier lui dit : "Mon général, après les renseignements, Sdach Kân a fait raser tous les arbres des deux côtés de la route pour empêcher ce genre d'embuscade. La visibilité des deux côtés de la route est estimée à plus de huit cents mètres. Il est donc impossible d'organiser une attaque surprise de son cortège. En plus, à chaque déplacement, Sdach Kân est escorté par cinq mille soldats. Mon général, avec tous mes respects que je vous dois, je ne crois pas à la réussite de ce projet".

Quand Sours convoque ses proches, ce n'est pas pour but de leur entendre, mais de les faire entendre de son plan d’attentat contre Kân. Depuis qu’il était chargé par Preah chanreachea de surveiller les activités de Kân pendant la période de trêve, il se nourrissait l’idée de tuer ce dernier. Il avait envoyé ses espions dans le territoire d’ennemis pour enquêter sur les activités quotidiennes de Kân. Après plus d’un mois d’observations, il trouvait la faille de Kân : La route reliée du palais de Kân à la pagode Thaung Khmoum est très fréquentée par la population et animée par des petites activités commerciales. En outre, pendant le jour saint, les citadins aimaient bien venir voir le passage du cortège de leur roi. Ça vaut le coût pour le déplacement, disaient-ils. C’est beau de voir des soldats sont en tenue de parade et des membres de la cour se revêtirent d’ornements d’élégants. Quant aux éléphants, ils sont parés des objets de valeur et des fleurs de toutes les couleurs. Sans parler de la beauté de la première dame du roi dont son corps est embelli de l’or et des pierres précieuses. Pour Sours, cette ambiance de fête facilite la préparation de l'attentat. Ayant entendu l'observation de son officier, Sours lui objecta : "Imbécile, huit cents mètres, c'est parfait. Un espace idéal pour manœuvrer nos unités d'armes à feu". Il s'arrêta quelques instants, le temps pour construire ses idées en un plan de bataille. J'ai beaucoup réfléchi à ce plan, dit-il.  Maintenant j'en ai trouvé un. Après quoi, Sours commençait à en expliquer en détail à ses assistants. Tout le monde se tut devant la velléité de Sours. Il n'est plus question de discuter avec lui sur la faisabilité du projet, mais plutôt de l'organisation ses actions. Dans son plan, Sours comptait sur trois atouts : la vitesse d'exécution, la qualité de ses fusiliers et l'arme à feu.             

Cent fusiliers, triés sur le volet et entraînés pendant deux semaines, furent envoyés pour arquebuser Sdach Kân à Sralap Pichey Norkor. En se déguisant en paysans, en commerçants, en moines errants, en saligauds, en fauchés et en rupins, ils se dirigèrent vers le point de rassemblement prévu dans le territoire d'ennemis. Au jour J, ils étaient ensemble et guettaient le cortège de Sdach Kân à sept kilomètre de la pagode de Thaung Khmoum. Ils se cachaient dans leur trou et attendaient le signal d'assaut de leur capitaine. À 9 h du matin, un escadron de la cavalerie de l'armée de dragons pointa à l'horizon. C'était l'unité de reconnaissance. Tout le monde ne respirait plus pendant son passage. Un quart d'heure plus tard, un corps d'infanterie, qui forme l'avant-garde du cortège, arriva à son tour au niveau de la cachette des membres de commando de Sours. Cette fois-ci, tout le monde fait le mort dans le trou. Une demi-heure après, on voyait Kân et sa favorite sur le dos d'éléphant, lequel était entouré par centaine de pages en uniforme de parade. Chaque page avait une lance à la main. Il y avait aussi des musiciens qui jouaient des classiques de la musique khmère. Vingt cavaliers de chaque côté de la monture royale accompagnaient leur roi en pèlerinage. Plusieurs d'autres éléphants, transportés les membres de la cour, suivaient celui du souverain. Une arrière-garde de plus d'un millier de soldats fermait le cortège. Le chef de commando de Sours observait l'arrivée de Kân avec une appréhension. Il se rendait compte que sa mission soit une mission de suicide. Mais en tant que soldat d'élite et chef des braves, il doit accepter que son devoir soit la mort sur le champ d'honneur. Quand Kân arriva dans son champ de manœuvre, il donna l'ordre d'attaquer les ennemis selon le plan établi. Les fusiliers de l'armée royale se ruèrent vers le cortège comme des tigres prenaient en chasse leur proie. Les bruits de tirs d'arquebuses cassent l'ambiance de fête de Kân et sa favorite. Les dix tireurs d'élites de Saurs, déguisés en soldats de Kân, se faufilent dans le rang des soldats d'ennemis pour se rapprocher de Kân en alerte. Ils tirent enfin sur Kân. Cinq balles effleurent le vêtement de ce dernier, mais Kân est saint et sauf. Kân riposte cette attaque avec son arc en tuant un grand nombre des membres du commando. En cinq minutes d'assaut, plusieurs membres de soldats de Sours avaient pu tuer un grand nombre des membres de l'escorte de Kân. Dans cette bataille, Kân avait pu tirer 25 flèches sur le dos de son éléphant. Vu Kân fut hors atteint par l'arme à feu, le chef de commando sonna la retraite. Parmi les cent soldats envoyés en mission, soixante quinze soldats avaient pu retourner au camp. Cette mission était un fiasco.

Kân était fou furieux. Arrivé au palais, il ordonna à son directeur de cabinet de rédiger une plainte auprès de Preah Chanreechea. C'est la deuxième fois, vous avez envoyé des assassins pour me tuer pendant la période de trêve, écrit-il. Tuer un adversaire par parjure, ce n'est pas répandre un prestige, c'est tuer un homme. Et tuer un homme est un crime, Majesté !. Après avoir lu cette missive, Preah Chanreachea était en état second. Il se dit : "Kân n'est pas tort d'être en colère et de me traiter de lâche". Pour lui, un individu qui meurt par la trahison est une victime innocente. Il ordonna à ses conseillers d'enquêter sur cette affaire. Le nom de Sours était pointé par les agents du roi comme auteur de cet attentat. Que faire ? C'est la question qui oblige Preah Chanreachea à trouver une réponse. Il disait à son conseiller : "Sours a sans doute transgressé la loi militaire qui déshonore mon nom dans son forfait, mais il est un grand général estimé de tous. Ce qu'il avait fait, est sans doute pour ma gloire et pour gagner la guerre. Si je condamne ce brave à mort selon la loi d'airain, tous ses hommes vont me traiter de l'ingrat. Si je n'en fais pas, l'armée tout entière me considérera comme un faible". Son conseiller lui répondit : "Majesté, le général Sours est loyal, il serait donc incoercible. Mais il cache la vérité à Votre Majesté. Dans une situation de guerre comme dans les affaires de l'État, un ami, même le plus fidèle, qui trahit votre confiance est plus dangereux que l'ennemi déclaré. Si Votre Majesté lui corrige par l'arme de parole, il n'y comprendra pas et y vexera. Il partira rejoindre Kân. Dans son cas, il ne faut ni condamner, ni pardonner. Il faut faire éliminer sa personne par les services secrets. La solution est cruelle, mais elle est nécessaire pour maintenir la discipline militaire". Après une nuit de réflexion, Preah Chanreachea donna l'ordre de tuer discrètement Sours, mais son corps sans vie doit être abandonné à un endroit où beaucoup des gens, civils et militaires, y fréquentent. Trois jours après, Preah Chanreachea fut informé la mort de son général par les membres de la famille de la victime. Après l'enterrement de Sours, Preah Chanreachea ordonna aux 75 survivants de la mission d'attentat de Kân de garder la tombe de leur général jusqu'à leur mort. Ainsi on entend parler jusqu'à aujourd'hui "l'esclave de Yaureach (Sours)" au village où Sours fut enterré.

 

Pendant la période de trêve, Preah Channreachea avait démobilisé presque la totalité des effectifs de son armée. Il ne gardait que dix mille hommes pour fixer Kân dans son palais. Quelque temps après, il décidait de retourner à Pousat. Il laissait quatre mille hommes, un prince de haut rang, Yousreachea et trois généraux, Sok, Tep et Keo à Kdol (non du village) pour continuer à surveiller Kân dans sa ville fortifiée. Il désigna Yousreachea général en chef. Yousreachea est le fils du feu roi Srey Sokun Bât (1504-1512). Sa mère est la sœur aînée. 

Revenons à Kân. À la fin de la période de la moisson du riz, celui-ci ordonnait à ses généraux de lever une armée de 15 000 mille hommes. Le but était de chasser Yousreachea de Kdol, avant poste de Preah Chanreachea, et ensuite de reconquérir les territoires perdus pendant la dernière guerre. Son projet fut démasqué par les espions de Yousreachea. Celui-ci convoqua ses lieutenants pour préparer un plan de défense. Il s'inquiétait du nombre insuffisant de ses soldats pour faire aux troupes de Kân. Il demanda conseil à Sok. Ce dernier lui répondit : "Avant sa mort, mon père, Ponhea Moeung, nous avait dit qu'en cas de difficultés majeures devant les ennemis, nous pouvions compter sur lui. Il pourra toujours lever une armée des morts pour venir nous aider. Mais pour le faire, il faut que nous demandions au chamane Chan, parce que selon mon père, il n'y ait que Chan qui puisse communiquer avec lui. Ayant entendu parler du nom de Ponhea Moeung, les anciens officiers présents à cette réunion se souviennent bien de l'armée de fantômes qui ont été venus aider Preah Chanreachea à vaincre les ennemis pendant la bataille de Pursat. En pensant à cela, ils avaient la chair de poule. Ils se sentaient le sang qui coule en grand débit dans leur tête. Quand les fantômes arrivent, la terre tremble, le ciel gronde, les foudres qui frappent les êtres humains comme le fouet divin. Des centaines des soldats d'ennemi qui meurent sans avoir versé une goutte de sang sur le champ de bataille. Beaucoup de corps sans vie restaient toujours debout avec des yeux grands ouverts et les cheveux hérissés. On a l'impression en les regardant qu'ils aient vu quelques choses épouvantables avant de mourir par étouffement. D'après ces anciens officiers, aucun champ de bataille n'avait présenté jusqu'alors un aspect si horrible.

Bien sûr le prince Yousreachea n'est pas encore né, mais il en a toujours entendu parler. Et à chaque fois, il avait aussi la chair de poule. Ayant entendu la proposition de Sok, le prince ordonna à ce dernier de faire le nécessaire afin que cette affaire soit réalisée. Le lendemain matin, une cérémonie chamanique fut organisée par Chan. Quelques heures plus tard, celui-ci était en transe. Son esprit était en contact avec celui de Ponhea Moeurg. Il demanda l’aide à ce dernier pour vaincre les ennemis. La solution fut vite donnée. Il faut fabriquer une grande quantité des soldats en paille. Et à chaque nuit tombée, il faut les déplacer hors de la citadelle et les bruler en face du campement d’ennemis et frapper les tambours de guerre, accompagné par des cris de soldats. Il faut reproduire cette ruse pendant plusieurs jours et jusqu’à l’arrivée de l’armée des morts.

Les instructions de l’esprit de Ponhea Moeung étaient précises. Ayant appris cette nouvelle, Yousreachea donna l’ordre de fabriquer en grande quantité des soldats en paille et d’attendre l’arrivée des ennemis. Quelques jours plus tard, les troupes de Sdach Kân arrivaient à Kdol. Kân ordonna à ses généraux de camper à deux kilomètres de Kdol pour que ses soldats soient à l’abri des tirs de canons de Sok. À la nuit tombée, Yousreachea ordonna à ses généraux d’exécuter les instructions de Ponhea Moeung. Les troupes de Kân répondirent à cette attaque fictive par des tirs d’arme à feu et des flèches pendant plusieurs heures. Le lendemain matin, Kân convoqua les membres de son État-major pour analyser la situation d’hier soir. Pendant la réunion, personne n’était capable de comprendre la ruse d’ennemis. Ils demandaient à Kân d’attendre pour savoir un peu plus de la stratégie de Yousreachea. La nuit suivante, c’était la même attaque et les soldats de Kân y ripostèrent par des tirs d’arme à feu et des flèches. Les généraux de Kân suggéraient encore une fois à leur Roi de rien faire. Ils veulent attendre et voir. Cette situation durait quand même pendant quinze jours. Ils croyaient qu’ils pouvaient attendre encore pour comprendre la tactique, deviner les secrets de ces attaques. Mais, ce qu’ils ne savaient pas, c’est que pendant cette attente, la morale de leurs soldats est affectée par le syndrome de peur de fantôme, parce qu’il y ait la rumeur qui se propage dans leurs rangs que l’esprit de Ponhea Moeung vienne avec ses soldats fantômes pour punir de leur perfidie à Preah Chanreachea. Ce qui devait arriver, arriva. Le seizième jour. Ce jour-là, le temps était très mauvais. Vers 9 h du matin, le ciel était noir, on croyait qu’il fût encore nuit. On n’entendait plus la chanson des oiseaux et l'on ne voyait plus les chiens errants à Kdol. Une taciturnité totale. Tout d'un coup, la terre commença à trembler avec un bruit de tonnerre qui venait de partout.  Yousreachea ordonna immédiatement à ses troupes de lancer les assauts contre les lignes d’ennemis. Quant aux soldats de Kân, ils n’avaient plus de flèches et de balles pour repousser les assaillants et en outre, ils avaient peur d’être tué par les fantômes de Ponhea Moeung. Pour ces raisons, ils abandonnèrent leur poste de combat et fuirent le champ de bataille. Certains officiers supérieurs étaient partis à la province de Raug Damrey pour demander l'aide du roi de Champa. Abandonné par ses troupes, Kân et les membres de son État-major se voyaient contraint de fuir aussi. Ils prenaient la direction du Laos avec la garde prétorienne. Après quelques jours de marche, Kân ordonna à sa garde de bivouaquer dans une grande forêt. Celle-ci laisse son nom jusqu'à aujourd'hui, la forêt Ban ang (Ralentir). Dans cette forêt, il y avait beaucoup des grands arbres de Koki (nom d'un arbre). Kân était attiré par un arbre de Kaki de neuf bras tendus (Pyiem) de circonférence, de trente quatre pyiem de hauteur. Il ordonna à ses soldats de l'abattre pour construire une pirogue de vingt cinq pyiem de longueur et douze pyiem de largeur. Cette pirogue était plus longue de sept pyiem que celle de Preah Chanreachea. Si mon pays était en paix avec celui de Preah Chanreachea, je lui demanderais de faire un pari de course entre nos deux pirogues, plaisanta-t-il avec ses officiers. Je suis certain que je sois le gagnant. Étant en symbiose avec la forêt, Kân comptait de transformer son campement en nouvelle capitale de son royaume. Il ordonna à ses soldats d'aller à la pagode de Thaung Khmoum pour voler la statue du bouddha noir. Quelque temps après, la terre commença à trembler. Kân et ses grands dignitaires se persuadaient qu'ils furent attaqués par les fantômes de Ponhea Moeung. Ils décidèrent d'abandonner en hâte le campement. Kân avec son oncle, Kao et son beau-père, Heng quittèrent les lieux sans avoir le temps d'aller chercher la première dame. Celle-ci partit avec sa mère, un autre ministre, Chakrey Ny et ses gardes au village Svay Kvang et puis, elle prenait la direction de Thaung Khmoum en pensant que Sdach Kân vint lui rejoindre là-bas. Arrivé avec sa suite à Thaung Khmoum, elle se décida de se cacher dans le tombeau vietnamien pour attendre Kân. Quelques jours plus tard, Kân y arriva. Il était content de retrouver sa première dame et les autres membres de sa cour. Ensemble, ils décidèrent de ne pas retourner tout de suite à la citadelle de Sralap Pichey Norkor, parce qu'ils avaient peur d'être encerclé par les fantômes de Ponhea Moeung. Ils erraient d'un endroit à l'autre pour fuir la patrouille de Sok et les fantômes. Quant aux généraux Kao, Chakrey Ny, Vieng et deux cents soldats, décidèrent de partir à Ba Phnom pour chercher les renforts. Ils étaient surpris par la patrouille du général Sok. Celle-ci attaqua immédiatement la troupe de Kao. Et après plusieurs heures de combat, Kao fut capité par le chef de la patrouille. Sa tête fut envoyé au prince Yousreachea.

Revenons au Sdach Kân. Pendant sa fuite, il rencontra un devin. Il lui demanda de prédire son avenir. Ce dernier lui dit qu'il n'aurait aucune chance de gagner son adversaire. En revanche s'il voulait avoir une vie meilleure dans le futur, il fallait qu'il aille demander le pardon à Preah Chanreachea. Quelque temps après de cette rencontre, les parents de la première dame étaient morts de maladie. Après les funérailles, Kân convoqua ses troupes, cinq cents en tout et leur dit : "Je me rendrai à Yousreachea. Il est mon neveu. Il me pardonnera et interviendra auprès de Preah Chanreachea pour qu'il me laisse la vie sauve. Je ferai tout pour que vous auriez aussi cette chance. Avec mes expériences et mes connaissances, je pense que Preah Chanreachea me confia au moins une charge d'un ministre. Bien sûr je vous reprendrai tous dans mon ministère". Après ce discours, tous les soldats se rendaient à l'avis de son roi. Après quoi, Kân donna l'ordre d'enterrer tous les armes de guerre et chercha un moyen pour informer le général Yousreachea, son neveu, de son intention.

Nous sommes en 1525. Au cours d'une promenade avec sa première dame, Sdach Kân était capturé accidentellement par la patrouille du nouveau gouverneur de Thaung Khmoum, le général Kay. Kân et son épouse étaient amenés tout de suite à la préfecture. Kay fut immédiatement informé de ce trophée. Il convoqua ses conseillers et leur dit : "Si je livre Kân et son épouse au prince Yousreachea, je suis sûr que le prince fasse tout pour que Preah Chanreachea pardonne à son oncle. Si Kân survivait, il constituerait un danger pour nous tous pour l'avenir. Kân est homme intelligent et il n'oublierait jamais ses ennemis. Et nous sommes ses ennemis. Un jour, il nous tuera. Je décide donc de livrer Kân à son neveu, mais seulement sa tête". Après quoi, il donna l'ordre de couper la tête de Kân et Neak Monieng Pha Leng et de les envoyer à Yousreachea.

Revenons à Yousreachea. Après avoir brisé l'offensive de Kân à Kdol et compte tenu des effectifs de ses troupes, il décida de ne pas poursuivre la retraite de Kân. Il pensait que ce dernier se retournât à la citadelle de Sralap Pichey Norkor. Il se dépêcha une navette à Pursat pour en informer Preah Chanreachea et demander ses instructions pour réagir à cette provocation. Il ordonna à Sok d'augmenter les patrouilles pour surveiller les mouvements de troupes de Kân dans la province de Thaung Khmoum. Après quoi il attendait les nouveaux ordres de son Roi à Kdol jusqu'au jour où Sok lui avait amené la tête de Kao. Pendant l'audience, Sok disait à son prince : "Nous avons trouvé Kao avec ses troupes sur le chemin de Ba Phnom. Pour moi Kao avait eu une mission pour lever une armée là-bas. Il est mort, la citadelle Sralap Pichey Norkor est donc affaiblie par cette perte. Je vous suggère de l'attaquer pour voir comment Sdach Kân va agir sans Kao". Yousreachea accepta la proposition de son général. Mille hommes furent envoyés à Sralap Pichey Norkor. Arrivé sur lieux, Sok donna l'ordre de bombarder la citadelle avec ses canons pendant trois jours. Il n'y avait aucune réaction d'ennemis. Contrairement à l'habitude de Kân : L'attaque est toujours répondue par la contre-attaque.  Yousreachea, Sok et les autres chefs militaires se concertèrent pour comprendre le pourquoi. Soit prudent, dit Yousreachea. Sdach Kân est malin, il est en train de nous attirer dans ses pièges. La ruse est toujours sa force. Il faut continuer de bombarder encore quelques jours avant de lancer l'assaut, parce que nous ne voyons pas encore clair dans la stratégie d'ennemis". Sok était à cet avis. Le septième jour de bombardement, Yousreachea et Sok furent informés qu'il y avait une colonne de cent soixante bonzes et cinq cents soldats qui sortait de la citadelle avec le drapeau blanc. Yousreachea envoya immédiatement un escadron de cavalerie pour intercepter de cette marche. Une demi-heure après, le chef de la cavalerie était revenu et rapportait à son prince ce qu'il avait entendu que le moine supérieur du Royaume de l'Est demande l'audience au prince Yousreachea. Qu'il vienne, répondit l'Altesse Royal. Après les échanges de règles de politesse, le moine informait Yousreachea que Sdach Kân n'est pas dans la citadelle. Il ne savait où il se trouvait. Trois mois déjà la citadelle est abandonné par les généraux. Après quoi, le moine invita Yousreachea à prendre possession de la citadelle. Au même moment, Yousreachea fut informé que le gouverneur de Thaung Khmoum amenait la tête de Kân et Neak Monieng Pha Leng. Ayant appris cela, le visage de Yousreachea changea de couleur. Tous les assistants présents se rendaient compte que le prince fût troublé par cette nouvelle. Kân était son oncle. Quoique Kân soit l'ennemi de son parti, le prince admire chez son oncle, son courage et son intelligence. Le lendemain matin, Yousreachea et ses troupes pénétrèrent dans la citadelle de Sralap Pichey Norkor. Ils étaient stupéfiés par la beauté de cette cité. Devant la statue magnifique de Bouddha, tous soldats se jetèrent à genoux et remercièrent le Dieu de la paix de les avoir conduits par la victoire dans la capitale de leur ennemi. Ce jour-là le temps est superbe, ce qui rend la visite de la cité de Kân d'autant plus spectaculaire.

Vu ce spectacle, Yousreachea avait les larmes aux yeux. Il pleurait en cachette devant les œuvres de son oncle. Jamais le sentiment d'être seul au monde n'avait été si fortement lui atteint. Il combattait contre Kân en pansant que ce dernier était son oncle au même degré que Preah Chanreachea. À sa vista d'un orphelin de père et mère dès son jeune âge, Yousreachea se posait encore la question : "Qu'est-ce que la guerre ?" Il a la même réponse que Napoléon : "Un métier de barbare où l'art consiste à être plus fort sur un point donné". Mais ce point fort est évalué par la mort d'un adversaire. Et cet ennemi-là est son oncle, le frère unique de sa mère. Il a grandi sans sa mère à son côté, mais on lui raconte souvent que sa mère aime bien son frère et elle puisse donner sa vie pour lui. Quand il pense à cet amour naturel, il se console par une pensée que cette victoire ne lui interdit pas de pleurer de la mort de son rival noble après les batailles meurtrières. Mais cette gloire est nécessaire pour mettre un terme à une guerre civile et pour les combattants des deux côtés qu'il faut reposer et vivre auprès de leur famille. Visiblement, ils en ont assez de cette guerre.   

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20 janvier 2011 4 20 /01 /janvier /2011 07:05

N°21 : Règne de Sdach Kân (1512-1525)

 Le commencement de la fin

 Avertissement : Cette histoire est romancée pour rendre vivant les évènements du passé.

Après sa défaite, Sdach Kân regagnait son quartier général de Srey Santhor (Preak Pou) avec son armée de campagne. Le Général Kao, son oncle, retournait à la capitale Sralap Pichey Nokor. Sa mission est de lever une nouvelle armée en vue de poursuivre la campagne militaire contre Preah Chanreachea. Avant de se séparer de son Auguste neveu, Keo cherchait à réconforter ce dernier de sa présence à Basane : "Srey Santhor est notre source de pouvoir. Majesté, vous êtes né, grandi et devenu roi ici. La population de cette province vous aime bien. En plus la forteresse de Basane est imprenable. Vous êtes donc en sécurité ici. Je pars à Sralap Pichey Nokor pour quelques mois seulement, le temps nécessaire pour trouver des vivres pour nos soldats et de lever une armée pour une nouvelle campagne militaire. Preah Chanreachea n'oserait pas de vous attaquer, parce qu'il n'eût pas le courage de venir à Basane qui est notre fief".

Après la débâcle des troupes de Kân, Preah Chanrachea venait s'installer à Odong. Il était accompagné par ses quatre généraux de renom, Déchau, Monomontrey, Reachmétrey et Sok.

Quelques jours plus tard, Preah Chanreachea fut informé que Kân n'est pas retourné à sa capitale et il se réfugiait à la forteresse de Basane avec 20 000 hommes et un corps de cavalerie de 500 chevaux, mais dans ce refuge, il est privé de l'appui de son oncle, parce que celui-ci est reparti à la capitale avec son armée. Ayant su cette nouvelle, Preah Chanreachea convoqua les membres de son conseil de guerre pour chercher avec eux une réponse à cette situation. Après avoir examiné toutes les solutions et la motivation de Kân évoquées par ses lieutenants, il décida de poursuivre l'offensive contre son adversaire. Il disait à ses généraux dans les termes suivants : "Basane est sans doute le fief de Kân, mais il a été aussi l'ancienne capitale royale de ma dynastie. C'est ma famille qui a fondé cette ville. Je veux donc reprendre cette ville symbolique, juste pour montrer à la population du pays que mon mérite (au sens bouddhique) est supérieur à celui de Kân".

Après quoi, Preah Chanreachea dépêcha donc le général Yousreachea à Prey Veng pour contraindre Kân coupé de ses arrières et demanda à Sok d'élaborer un plan d'attaque de la forteresse de Basane, l'avant-poste de l'armée de dragons. Après avoir présenté son plan de campagne et approuvé par le Roi, Le Général Sok partait à Preak (canal) Liv Ti Bei pour préparer sa campagne militaire. Une semaine plus tard, au petit matin calme avec un souffle de vent rénové qui annonce l'arrivée de la nouvelle saison, Sok, le fils de Neak Ta Kleing Moeung, à la tête de son armée, traversait le Mékong pour mission de capter Kân, mort ou vivant. Aux bords de l'eau, la colonne de marche s'étire à plusieurs kilomètres et remonte vers le nord du pays. L'avant-garde, composée des meilleurs soldats, cuirassés, armés des épées, des Phkā'k (haches), et des unités des armes à feu, se lance en avant comme une allure de lion en chasse de sa proie. Elle est suivi de près par des chars de guerre et des charrettes de transport de vivres et matériels de campagne et des éléphants. L'arrière-garde, composée des archers et des troupes défensives, armées de lances et de boucliers. Sok, juché sur son l'éléphant, porté sur la tête d'un chapeau de général, sa poitrine est recouverte d'une cuirasse, avec un Phkā'k à la dextre, se trouvait au milieu de la colonne de marche. Vingtaine de cavaliers étaient autour de sa monture. Ce sont des agents de transmission et de maintien de la discipline militaire. Chaque cavalier portait sur son dos un petit étendard de longue hampe, décoré des divers motifs d'images qui indiquent le rôle de chacun sur le théâtre de guerre.    

Arrivé à Basane, Sok ordonna à ses troupes d'attaquer la citadelle de la ville pour tester la capacité de défense d’ennemis. Sa surprise est totale. À chaque assaut, ses soldats furent repoussés par des tirs de canons depuis des embrasures de la fortification, des flèches et la charge de la cavalerie des assiégés. Ils n'arrivèrent même pas à approcher des mâchicoulis et contrescarpes, dont la hauteur est plus de cinq mètres. En outre, Sok constata que Kân ne manquât pas de tenter de fréquentes sorties de la nuit pour inquiéter ses troupes. Il sait que l'attaque inopinée, dans la nuit, est toujours favorable à ceux qui le font, et dangereuse et terrible pour ceux qui l'essuient.

Ces résistances inattendues obligeaient Sok à lancer des assauts d'envergure contre la défense d'ennemis pour leur montrer qu'il dominât la situation. Mais les résultats étaient désastreux : Le nombre de morts et des blessés dans son rang augmente de plus en plus. Le pire est que Sok était incapable de déterminer la partie de la citadelle contre laquelle il voulût diriger son attaque principale. Son espoir de pouvoir gagner la bataille s’évapore. Après un mois de combat acharné, Sok se rendait à l’évidence. Il faut qu'il demande des renforts et davantage d'engins de projectile pour casser les remparts de la citadelle. Il a sans aucun doute besoin des effectifs complémentaires pour environner entièrement l'enceinte étendue de la forteresse. Il envoya donc une missive pour informer son roi de ses difficultés rencontrées et de lui demander ce dont qu'il eût besoin. Celui-ci se dépêcha d'expédier un corps de fantassins à Basane, lequel était commandé par le frère de Sok, le Général Moha Tep.

Renons un peu en arrière, au cours d'une contre attaque des assiégés, les troupes de Sok n'avait pas pu empêcher un détachement de cavalerie de Kân de briser le siège. Pendant sa sortie de la citadelle pour soutenir les fantassins, ce détachement avait enfoncé trop en profondeur dans la ligne d'ennemis, à tel point, qu'il ne pût plus revenir en arrière. Le chef de ce détachement, qui était le neveu de Kân, nommé Phat, se rend compte de cette situation un peu trop tard. En revanche, Phat avait bénéficié de la confusion de l'arrière-garde d'ennemis. Personne ne peut imaginer que les ennemis se trouvent là. Quand les soldats de Sok avaient aperçu les cavaliers de l'armée de dragons à cent mètre d'eux, c'était déjà aussi trop tard pour eux d'organiser efficacement le barrage pour les empêcher de sortir de l'encerclement. Phat, un chef expérimenté, avait compris vite de son avantage exceptionnel, mais pour profiter de cette situation, il faut que ses hommes soient déterminés à gagner. Avant d'affronter le choc décisif, Phat avait fait une brève déclaration :

" Soldats, voilà la lutte pour la vie et la mort. La victoire dépend de vous : elle est nécessaire. Elle nous épargne notre vie afin que nous puissions retourner auprès de nos femmes et nos enfants à Sralap Pichey Nokor ".

Après cette déclaration pathétique, Phat avait ordonné à ses cavaliers d'attaquer la ligne d'ennemis pour frayer le chemin de sortie. La charge de la cavalerie était épouvantable pour les jeunes soldats de Sok. Certains d’entre eux n'avaient jamais vu la lutte entre le cheval au galop et l'homme. L’animal dompté pour le combat flaire un ennemi par trace olfactive. Son agressivité s’anime quand il se sent que son maître soit en danger. Il lutte par instinct pour son maître et son soigneur. Après un quart d’heure de combat, Phat gagna la partie. Il brisa le barrage d’ennemis et s’en alla en abandonnant la moitié des corps de ses hommes, morts, blessés ou vivants aux ennemis en colère. Une fois sortie de l’enfer, Phat et ses cavaliers survivants se filèrent à Sralap Pichey Norkor. Ils traversèrent la ligne d’ennemis sans difficulté, parce qu’ils connaissaient tous les chemins de leur territoire. Arrivé à la capitale, Phat, prince de l’Ouest, alla voir son grand-père, le général Kao pour l’informer de la situation militaire à Basane.                   

Ayant appris cette nouvelle, Kao tremblait d’apprendre le danger de son neveu royal. Il convoqua ses généraux au son des tambours de guerre pour qu’ils rassemblassent leurs soldats en repos depuis déjà plusieurs mois. Après quoi, il confia la garde de la capitale au beau-père de Kân, le général Hèng, et à la tête de ses troupes, il marcha sur Basane. Cette marche militaire ressemblait plutôt à un envol de dragon en colère, elle brisa le barrage militaire du général de l'Ouest, Yousreachea, sans faire beaucoup d'effort et arriva en une semaine à Basane. Kao, un roturier, devenu prince de l'épée, fit installer son quartier général en face de Sok. Pour montrer sa puissance aux ennemis, fatigués d’être toujours sur la brèche, il ordonna à ses troupes d'armes à feu et des archers d'attaquer immédiatement les camps d'ennemis. Le son de tambours, les sérénades des armes à feu et les cris des soldats des deux côtés se propageaient jusqu'à la chambre de Kân et réveillèrent ce dernier en pleine sieste. Il sortit de la pièce et chercha à comprendre d'où vient ce tohu-bohu. Son aide de camp lui informa que Samdech Kao était arrivé avec son armée à la porte de la cité. Ces bruits sont des échanges d’armes à feu entre les troupes de Samdech et celles de Sok. Ayant appris cette bonne nouvelle, Kân bondit hors du palais en criant qu'on lui amenait immédiatement son cheval. Après quoi, il sauta sur sa monture et le galopa vers le rempart de la citadelle, suivi par un détachement de garde prétorienne. Arrivé à la porte de l'Ouest, il monta sur la tour de garde pour observer le déroulement de la bataille dans son moucharaby. Quand il voyait les étendards des troupes d’élite de son oncle en mouvement, il était fou de joie. Il donna l’ordre au général de garde de la porte de faire sortir ses troupes d'assaut pour lancer une attaque contre la ligne d’ennemis. La bataille durait quelques heures, après quoi, Kao de son côté donna l’ordre de cesser le combat, quant à Kân sur la tour de garde, il suivait la décision de son oncle.

De retour dans son palais, Kân convoqua les membres de son État-Major pour étudier une nouvelle stratégie qui lui permettra d’en finir au plus tôt l’encerclement d'ennemis. Il disait à ses généraux : « Mon oncle est là, il faut se servir nos avantages numériques pour briser le siège. Il faut que nous soyons prêts à unir nos armes aux siens pour casser la couille de Sok ».

Revenons à Sok. Il fut surpris de l’arrivée de Kao sur le théâtre de guerre. Dans ce siège, il a commis une erreur fatale, non seulement il ne parvenait pas à détruire l’adversaire, en outre, il laissait Kao de venir pointer tranquillement devant sa tente avant même l'arrivée des renforts. Maintenant, il fallait qu’il attende le pire, parce que les ennemis sont deux fois plus nombreux que son armée.

Ce qui devait arriver arriva. Après deux jours de repos, Kao lança des attaques d’envergure. Kân de son côté faisait autant. Les deux voulaient, forts de leur immense supériorité numérique, casser l'avant-garde et l'arrière-garde de Sok. En quelques heures seulement, l’armée de Sok se trouvait au milieu des ennemis. Les assiégeants sont devenus assiégés. Sok voyait le danger, parce que ses parapets furent cassés en confettis et tous ses hypogées de défenses allèrent à vau-l'eau.  Sur le dos son éléphant de commandement, Sok donna l’ordre à ses troupes de battre en retraite par le flanc gauche. Cette retraite était rangée dans le meilleur ordre, soit pour la contre-attaque, soit pour la marche. Mais il laissait davantage d’espace aux troupes de Kân d’avancer pour rejoindre celles de Kao. La jonction entre ces deux troupes ne va pas tarder à se réaliser, c’est seulement une question de temps. Dans cette situation désespérée, Sok se posa la question : Comment ? Il faudrait arrêter le déferlement des soldats de Kân dans sa ligne sans avoir sacrifié d’un grand nombre de vies de ses soldats ? Non, la vie d’abord, la flétrissure ensuite. Ainsi, Sok laissait partir Kân avec le cœur contrarié.   

Parlons un peu du siège de Banteay (fortification) Basane, durant lequel, le Général Sok a commis une erreur. Pendant la période de siège, Sok n'a pas organisé ses attaques pour mettre les assiégés en danger permanent, c'est-à-dire il n'est guère susceptible de repos. Trois corps de troupes auraient dû être monté pour harceler les ennemis toute la journée et tout temps : Commencer l'attaque avec le premier corps, et ordonner au second d'être prêt et en réserve, et au troisième corps de prendre du repos. Le premier attaque le matin et il le fera retirer et relever par le second de l'après-midi et le troisième prendra la relève su second corps pendant la nuit. Par cette succession de troupes fraîches, elles peuvent toutes se reposer, et les attaques se continuer sans intervalles. Cette méthode permet d'user les ennemis. Mais Sok a choisi une stratégie de prudence en croyant qu'il soit en face d'une armée principale ou royale de Sdach Kân, donc aucune chance de gagner la bataille par l’affrontement direct. Il a opté une stratégie d'encerclement pour affamer les ennemis dans leur retranchement et de blocus fluvial pour empêcher des vivandiers d'approcher le port sous contrôle d'ennemi. Il pense que le temps travaille pour lui.

Revenons à Sdach Kân. Il avait réussi sans doute son coup comme par miracle, mais dans sa fuite, il en perdait tout bagage de son armée. Kao sur son cheval observait la réussite de son neveu avec joie. Quand il le voyait sortir complètement de la nasse de Sok, il donnait l’ordre de sonner la retraite de ses troupes. Il galopa son cheval à la rencontre de son roi. Kao, dans un entretien bref avec son roi, il conseilla à ce dernier de poursuivre la retraite avec un corps d’élite de cinq mille hommes. Il avait choisi l’itinéraire pour son roi. La colonne devait passer par Prey Romlaug, une vallée morte couverte de bois avec une distance parcourue à peu près quatre kilomètres et une largeur à peine deux cents mètres. Un passage secret, mais c’est un chemin raccourci pour aller à la capitale de l’Est. Quant à lui, il décida de rester avec sa cavalerie et ses troupes pour ralentir la poursuite d’ennemis.

Au moment où Kao était occupé à dépiauter la situation militaire et à délibérer le plan de retraite de toutes les unités de l’armée, un officier vint annoncer l’arrivée de la cavalerie d’ennemis, laquelle était commandée par un officier de renom dans le rang de l’armée de l’Ouest, nommé Pèn dont Kao entendait parler de lui à plusieurs repris aux champs d’honneur. Ayant appris l’arrivée Pèn, Kao monta sur son cheval, avec rage écumante, et à la tête de son escorte de cent hommes, part à la rencontre de son ennemi. Vu Kao de loin, Pèn lui crie dessus : « Ton armée de Dragon est en fait une bande de lâche…". Pèn n’avait même pas eu le temps de finir sa phrase, soudain son cheval tombait violemment par terre, parce qu'une de ses pattes a été coincée dans un trou. Dans cette chute, le corps de Pèn se jeta à plusieurs mètres de sa monture.  Celui-ci s’efforça de se lever difficilement de cette chute inattendue, mais la lance de Kao ne lui laissait pas la chance de vivre encore longtemps. Touché en pleine poitrine, Pèn n’avait même le temps de sentir le choc, il retomba et mourra sur le coup. Kao avait bien réussi son exploit. Ses soldats ovationnaient de cette victoire inattendue. Quant aux hommes de la victime, ils décidaient d'abandonner la partie contre les ennemis irrités du succès de leur général.

Après cette victoire, Kao retournait à son camp de campagne et ordonnait à toutes les unités de l'armée de retourner à la capitale, bien entendu, une arrière-garde de 10 000 hommes avait pour mission de couvrir cette retraite. Après quoi, il allait rejoindre son neveu à la vallée de Prey Romlaung.

Revenons un peu en arrière pour parler de la bévue du général Kao, d'esclave devenu Premier Ministre et Chef des Armées du Royaume de l'Est. Après la défaite de l'offensive de Sdach Kân contre Preah Chanreachea, au lieu de conseiller de son roi de retourner à la capitale pour décompresser de cette défaite, il demandait au dernier de rester à Basane. À ce moment-là, Kân devenait une proie pour Preah Chanreachea. Celui-ci n'attendait que cette aubaine pour poursuivre son offensive contre son ennemi juré et l’assassin de son frère, parce que Banteay Basane n'est que quelques jours de marche seulement de son quartier général. Dans cette décision, Kao avait mis son Roi en péril et avait aussi divisé ses forces armées en deux corps devant la force d’ennemis. Le premier corps reste à Basane, le second part à la capitale avec lui. Oui, nous le savons que Kân partage aussi la stratégie de son oncle, parce qu'il ait une conviction que Preah Chanreachea dans cette guerre ne se contente que de repousser seulement la pénétration de son armée dans son territoire.  

Revenons maintenant à la vallée de Prey Romlaung. Kao envoyait ses éclaireurs pour observer l'ennemi dans la vallée. Ils revenaient lui rapporter l’information que le passage était vide de vie des humains. À la tête de ses troupes d'élite, Kao s’engagea en avant-garde dans la vallée. Kân le suivit après, et une arrière-garde, composée des meilleurs soldats, fermait la colonne. Celle-ci s'avançait lentement et sans faire de bruit inutile, mais dépourvue de protection des deux flancs, gauche et droite, parce que la largeur de cette vallée ne permet pas d'organiser cette assistance.

Revenons à Moha Tep. Quand celui-ci partait de Phnom-Penh, sur ordre de Preah Chanreachea, pour venir en aide à son frère à Preak Pou, il traversait les fleuves avec ses troupes à Reussei Kaev. Ensuite il prenait la direction de Vihear Sourk pour remonter vers Preak Pou. Pendant ce trajet, il trouvait par hasard la vallée de Prey Romlaung. À ce moment-là, il parlait de ceci et cela à son chef des opérations militaires : Si j’étais Sdach Kân, je passerai par cette vallée pour retourner à ma capitale, parce que c’est le passage idéal pour passer incognito en sortant Beung Veal Samnap.  Après quoi, il ajouta : "Mais c'est aussi un endroit idéal pour mettre en embuscade et je veux que tu en mettes une ici, parce qu’on ne sait jamais, mon ami". Le pressentiment de Moha Tep est comme une sorte de voix d’un mort qui vienne dévoiler l’idée de Kao. Mais, le tort de Tep, c’est de ne pas en prendre au sérieux.     

Reprenons la suite notre histoire. Dans la vallée de Prey Romlaung, les soldats de l'armée de dragon rivaient leurs yeux sur les pentes de collines boisées des deux côtés du chemin. Sous la chaleur de midi, leurs yeux étaient éblouis par les rayons du soleil. Il y avait un silence de mort dans la vallée, on entendait doucement les bruits des pas de soldats et de sabots des chevaux. Soudain, un bruit de craquement des branches d'arbres venant des bois, et ensuite celui des tirs d'enfilade des armes à feu et des flèches. Plusieurs entre eux étaient touchés par ces projectiles. Quelques minutes à peine, une centaine de corps jonchaient déjà au sol coloré de sang. Mais, Kao, placide sur son cheval, ordonna immédiatement à son escorte de tourner bride pour rejoindre son neveu au milieu de la colonne. Dans cette attaque aérienne, Kân était mis immédiatement à l’abri par sa garde rapprochée. Malgré cela, il commença à perdre son sang-froid et se mit à pleurer, juste au moment de l’arrivée de son oncle. Vu la détresse de son neveu, Kao n'hésita plus à morigéner, non pas à son souverain, mais au fils de sa soeur : "Le roi ne pleure pas devant la mort. Reprenez vos esprits. Vous et moi, ensemble, nous pourrons vaincre l'ennemi". Kao ordonna à son arrière-garde de sortir le plus vite possible de la vallée pour libérer le chemin de sortie pour le Roi. Kao ne cherchait pas à affronter des ennemis invisibles pour ne pas perdre le temps de quitter la vallée. Son objectif était d'évacuer d'abord le souverain qui était dans le pétrin. Il savait que les ennemis n'étaient pas nombreux, parce qu'après les tirs, ceux-ci ne lançaient pas d'assaut. Ne voyant pas paraître l'armée ennemie en nombre sur des collines, Kao faisait un constat que les assiégeants aient commis plusieurs erreurs tactiques d'embuscade : Il n'y a pas une attaque principale dirigée contre sa colonne et il y a aussi une absence totale de frappe contre son arrière-garde pour bloquer la sortie. Cette embuscade soit sans doute une opportunité pour l'armée de l'Ouest de capter son roi mort ou vivant, mais son auteur ne lésinait pas sur les moyens, conclut le général Kao. Pour cette raison, l'arrière-garde de l'armée de dragon n'avait pas beaucoup de difficulté de sortir de cette vase piégée par les ennemis. En une demi-heure de lutte, Kân était extirpé du péril, au prix, bien sûr, de centaine de morts et blessés abandonnés dans la vallée. Le général Moha Tep avait eu une bonne intention, mais il n'y croyait pas beaucoup. Pour cette raison, l'embuscade de Prey Romlaung fut montée avec peu de moyens. Tep fut informé que Kân était dans sa nasse pendant une bonne demi-heure à Prey Romlaung, mais le piège n'était pas assez solide pour lui empêcher de s'échapper. Cette nouvelle excite la colère de Moha Tep. Bon sang ! dit-il. J'ai fait une sacrée bêtise ! je mérite sans doute d'être mis à mort par le roi. Ayant entendu ce dépit, tous les officiers firent diligence pour consoler leur général. Tep jurait devant eux qu'il poursuive la fuite dare-dare de Sdach Kân jusqu'à sa tanière. Il disait à l'officier qui fut chargé de cette mission dans les termes suivants :  "tu n'as pas besoin d'armes et de bras, alors que les jambes les plus rapides suffisent contre ce lâche qui depuis toujours cherche à fuir".

Revenons à Kân et Kao. Après la bataille de Prey Romlaung, ils décidaient en chemin de fuite d'aller s'établir à Baphnom. Mais tout le long de leur retraite, son armée était poursuivie et harcelée jours et nuits par les troupes de Moha Tep. Sur cette nouvelle, Preah Chanreachea envoya un messager pour ordonner à Moha Tep d'arrêter de s'emporter dans la poursuite d'ennemis. Le message royal était le suivant : "On ne fait pas la guerre avec la colère. Toute entreprise formée avec la colère est plutôt d'un téméraire que d'un homme sage".

À Baphnom, Kân avait un soutien inconditionnel de la population des provinces de Kandaul Chrom, Cheug Bakdèch, Raug Damrey et Prey Norkor. Huit mois après, il décida de venir s'établir à Thaung Khmoum, parce que Baphnom était tout près des frontières des Annamites, il pense qu'en cas d'attaques de ceux-ci, il n'ait pas le temps suffisant pour organiser la défense.

L'ambiance à Thaung Khmoum était exécrable, parce que les généraux se chamaillaient entre eux sur les sujets de construction de forteresse. Kân donna le nom de son nouveau quartier général, Banteay Sralap Pichey. Cette forteresse avait quatre portes et chacune portait un nom, et était défendue par un général. La porte du Sud, appelée Snang Trõnc où Kân fit construire un centre d'entraînement militaire. Tvir Raug était le nom de la porte de l'Est. À cet endroit, Kân fit construire les abris pour les éléphants de guerre. La porte du Nord, appelée Tvir Trach, était un centre commercial pour la conurbation de Thaung Khmoum. La porte de l'Ouest, appelée Tvir Chak, était les champs de revue militaire. Au centre, une grande pagode fit bâtir pour abriter une grande statue de Bouddha en fer de couleur noir. On l'appelait Preah Kmao (Le Bouddha noir). À la porte du Nord, la première dame, Pha Lèng, fit ériger une pagode, appelée Vat Kor. Kân fit construire une route qui menait à la province de Raug Damrey. Pour Kân ce parcours avait deux fonctions : Une ouverture à la mer pour les besoins militaires et pour ses loisirs. Raug Damrey était un port maritime et une station balnéaire pour Kân et sa famille.

 

La suite dans le prochain numéro.
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25 octobre 2010 1 25 /10 /octobre /2010 19:01

N° 20 Histoire des Rois khmers : Règne de Sdach Kan (1512-1525).

 

Après une longue campagne militaire contre Sdach Kan, Preah Chanreachéa décide de retourner à Pursat, sa capitale royale pour se reposer. Quelque temps après, il ordonne à son ministre de la guerre d’organiser des concours de recrutement des officiers des armées : Infanterie, marine et force fluviale, cavalerie et corps des éléphants. Les gagnants de ces concours seront incorporés dans le corps des officiers :

 

- Les vainqueurs de tir d’arme à feu, d’arc, d’arbalète, combat sur le dos d’éléphant seront proclamés champion des concours et seront affectés dans le corps des officiers avec grade de 5 Houpân (Capitaine) et des avantages en nature y afférent à leur rang : Pièces d’or, d’argent, maison et champs de riz.

- Les vainqueurs de combat à cheval seront proclamés 1er vice-champion et seront affectés dans le corps des officiers avec grade de 4 Houpân (Lieutenant) et des avantages en nature y afférent à leur rang.

Les vainqueurs de combat à terre seront proclamés 2e vice-champion et seront affectés dans le corps des officiers avec grade de 3 Houpân (Sous-lieutenant) et des avantages en nature y afférent à leur rang.

- Les participants aux demi-finales seront nommés sous-officier.

 

Quant au Royaume de l'Est, pour combler des pertes de ses officiers tués pendant la guerre et départs à retraite, Sdach Kan organise dans sa cité royale les mêmes concours de recrutement des nouveaux officiers.

 

Parlons du Général Keo, Commandant en Chef de l'armée de terre du Royaume de l'Ouest. Un jour, il convoque son chef d'état-major et lui dit : "Pendant la dernière guerre, Sdach Kan a envoyé un commando pour assassiner en vain notre souverain. Aujourd'hui, le cessez-le-feu est vigueur entre notre armée et celle de Kan. J'envisage de tuer Kan. Je pense qu'il faille profiter de cette occasion pour le faire, parce que Kan vit aujourd'hui dans l'imprévoyance en croyant qu'il est protégé par cette trêve. « Que penses-tu de cela ?". Le chef d'état-major se rend immédiatement à l'idée de son chef en disant : "D’après les renseignements, des concours de recrutement des officiers seront organisés dans le territoire de l’Est. À cette occasion, Sdach Kan se montra en public pour assister aux épreuves de concours. Je pense qu'il soit une bonne occasion de le tuer par nos tireurs d'élite, postés dans la foule". Ayant entendu cette suggestion, le Général Keo en est très content. Il ordonne immédiatement à son second d'organiser cet assassinat.                    

 

Quatre tireurs d'élite sont envoyés dans le territoire d'ennemis pour supprimer Kan selon le plan conçu. Ces volontaires sont : Pragn, natif de la province de Trang ; Kdaig, natif de la province de Kampot ; To, natif de la province de Bantey Meas ; Chay, natif de la province de Samrong Taug.      

 

Ces quatre soldats quittent Pursat pour Sralap Pichay Nokor, la capitale de l'Est. À Kompong Loung, ils montent à bord d'une pirogue de location pour poursuivre leur chemin comme des simples voyageurs. Ils arrivent à la cité de Kan deux jours avant la date des concours. Pendant ce temps disponible, ils visitent la ville truffée des commerçants dans leurs boutiques cossues, des paysans qui sont venus vendre leurs marchandises dans des marchés découverts, des voyageurs qui se promènent dans des petites rues couvertes des pierres et beaucoup de candidats aux concours qui baladent dans la ville avec leurs armes. Mais le plus important à faire pour les quatre tireurs isolés, c'est d'aller inspecter le terrain où se déroulent les épreuves de concours pour repérer un bon endroit à côté de la tribune du Sdach Kan afin de pouvoir se cacher dans la foule pour tirer sur ce dernier.

Le jour de concours est arrivé. Le début des concours est fixé 14h. Mais le terrain, transformé en stade, est déjà rempli des spectateurs depuis le matin. Il y a l'ambiance de fête. Les gens prennent leur repas de midi sur place, accompagné de son de musique et de belles chansons, joué par l'orchestre royal et chantées par des artistes célèbres de la capitale. Comme prévu dans le plan, les quatre de l'Ouest se glissent dans la foule, se postent à une bonne distance de la tribune officielle et attendent l'arrivée de leur victime.            

 

Vers 13h, on voit arriver sur les lieux des personnalités du royaume de tous les rangs. Vers 13h30, Sdach Kan arrive en grande pompe, accompagné de grands dignitaires et des femmes de sa cour. Les cavaliers de la cavalerie royale crient cinq fois "vive le roi" pour saluer leur souverain populaire. Les tambours exhalent un son de gloire pour avertir aux divins et aux spectateurs l'arrivée de l'Auguste Royal. Après quoi, la voix populaire "vive le roi" s'élève de plus en plus forte qui fait trembler la terre du stade. Sdach Kan monte sur la tribune royale, salue son peuple en levant ses deux mains en l'air. Après quoi, il déclare à 14h pile, l'ouverture des concours.             

 

En quelques minutes seulement, après la proclamation d'ouverture de la compétition, le stade devient un champ de combat entre les compétiteurs des arts martiaux. Les plus faibles sont éliminés rapidement, les gagnants passent à l'étape suivant jusqu'au final dans leurs disciplines.

 

Parlons de la discipline de tir à l'arc dont Sdach Kan est excellent. Vingt trois compétiteurs entrent en lice. Aucun n"a pas pu mettre sa flèche au centre de la cible. On voit Sdach Kan irrite sur son trône. Il tourne soudain vers ses concubines, assises derrière lui, en maugréant :

"Ce sont des imbéciles. Avec une telle médiocrité, je me demande, comment ils font pour que les filles s'intéressent à eux ? Avec cette distance, je peux réussir facilement mon tir".

Ayant entendu ces paroles, les maîtresses royales se mettent à rire. Certaines dames osent même dire à Kan :

"Majesté, je ne vous y crois pas".

Kan répond du tac au tac à ses dames :

"Si c'était vrai, tu m'offriras quoi comme récompense ?".

Il y a un brouhaha venant du rang des dames de la cour. On entend plusieurs réponses à la fois :

"Je vais tresser un collier de fleur de jasmin pour vous, Majesté" ; "Je vous aime encore plus fort, Majesté" ; "Je vais faire des soins de votre cil, Majesté".

Ayant entendu toutes ces promesses de ses jolies dames, Kan se lève en demandant au garde de corps de ramener son arc et ses cinq flèches. Ensuite, il descend de la tribune pour aller se placer sur la ligne de tir qui se trouve à cent mètres de la cible. Il y a un silence de minuit dans le stade. Kan se prépare à tirer. Il encoche sa première flèche, tire la corde en levant l'arc au niveau de ses yeux, vise la cible. Soudain, on entend un bruit de corde vibré qui propulse la flèche de l'arc vers la cible en une vitesse éclair. Quelques secondes plus tard, cette flèche atteindra la visée dont le bruit d'impact fait bondir les spectateurs en criant :

"Bravo !" et "Vive le Roi !".

Le retentissement de ces cris est encore en puissance, on voit la deuxième flèche touche la cible en fendant la première flèche en deux parties. Vu cet exploit, les spectateurs ne respirent plus, parce qu'ils sont émus en poussant encore plus fort de cri de joie. Mais cela n’est rien par rapport au troisième tir de Kan. Celui-ci relâche la corde de son arc, laquelle projette la flèche qui siffle l'air, touche à nouveau le même point d’impact des deux précédentes flèches. Là, tous les assistants se lèvent pour ovationner leur roi. On frappe immédiatement les tambours de victoire pour glorifier cet exploit exceptionnel.

 

Revenons aux quatre commandos du Royaume de l’Ouest. Vu cette performance, les quatre perdent un peu d’assurance dans l’exécution de leur mission dangereuse. Entre outre, le déplacement de Kan de la tribune au champ de tir ne leur arrange pas non plus. Ils n’ont plus l’angle de tir. Le premier tireur chuchote à son chef : Que faire maintenant, chef ? La réponse est sans équivoque : Il faut savoir s'adapter à la situation, mon ami. Profitant l’inattention des services de sécurité pendant le hourvari dans la cour, les quatre se faufilent discrètement dans le mouvement de la foule pour chercher une nouvelle position de tir. En quelques secondes seulement, un des tireurs murmure à ses camarades : ça y est, j'ai trouvé angle de tir. Le chef de commando fait signe de tête de son approbation. Ce dernier sort discrètement son fusil, caché dans un morceau de bambou et le pose rapidement sur l'épaule de son compagnon qui lui sert comme l’appui de tir, vise la tête de sa victime et tire. La balle manque de peu la cible. Le bruit d'arme à feu déclenche la panique dans la foule. Les officiels sautent de la tribune pour chercher un abri de fortune. Mais Kan reste impassible debout devant ce danger mortel. Il cherche immédiatement l'endroit où se trouve le tireur. Vu la fumée de l'arme à feu, il s'aperçoit donc son assassin, il encoche la flèche et tire illico sur la cible humaine. Ce dernier, touché en pleine poitrine par la flèche royale, tombe de tout son long. Dans cette détresse, le deuxième commando vient soutenir le corps en agonie de son ami ; mais la dernière flèche du Roi lui frappe sa tempe en arrachant sa vie de soldat. Les deux corps tombent par terre en héros. Dans la confusion la plus totale, les deux autres agents de l'Ouest trouvent un moyen de se sauver à toutes jambes de la capitale de l'Est. Ils arrivent à Pursat quelques jours plus tard et demandent une audience au Général Keo afin de lui faire un compte-rendu complet sur leur mission ratée.

Ce dernier en informe son roi, Preah Chanreachea. Celui-ci se mit en colère et dit à son général ceci :

« Cette ruse sans mon accord enfreint la morale militaire de notre Royaume. On cherche à tuer l’ennemi au champ de bataille, ou pendant la guerre. Or aujourd’hui, il y a un consentement tacite de paix entre AKAN et moi. Contrevenir à cette obligation morale de ma part, Roi descendant de la race divine me fait perdre ma dignité royale. Celui qui agit de cette sorte, selon notre tradition, porte un nom : Roi des brigands. AKAN en est un. Je te pardonne cette fois-ci, parce que vous êtes mon oncle ».

 

Depuis cet attentat manqué, les deux royaumes vivent en paix. Les échanges d’activités commerciales sont même autorisés officiellement par ces deux gouvernements. À la frontière, les douaniers ne contrôlent que le trafic d'armes de guerre. 

 

Parlons du Royaume de l’Ouest. Preah Chanreachea ordonne à l'armée de faire une campagne de capture des éléphants : Quarante éléphants sont capturés dans la province de Pursat ; trente-cinq à Kompong Som. Une belle prise pour le compte des Armées. Le Roi en est content. Il attribue beaucoup de récompenses aux chasseurs d'éléphants dont il est un des meilleurs dans le Royaume.

 

En 1522, dans le cadre de la réorganisation de la fonction publique du Royaume, Preah Chanreachea ordonne aux ministres de recruter par voie de concours des fonctionnaires : Trois niveaux de recrutement : Haut fonctionnaire ou docteur du Royaume, Moyen fonctionnaire et Secrétaires administratifs. Les candidats aux concours doivent être moine, certifié de maîtrise d'arithmétique et de langue Pali. La même année, les concours sont aussi organisés pour recruter les maîtres des beaux-arts en dramaturge et en musique. Le Roi assiste en personne à la cérémonie de remise des diplômes aux lauréats des concours.

 

Parlons maintenant du Royaume de l’Est. Le pays est en crise économique. Une nuit, Sdach Kan se déguise en commerçant ordinaire, quitte son palais avec quelques complices à la quête des informations sur la situation économique du pays auprès de la population. Les nouvelles sont alarmantes. Pour répondre à cette situation, le Roi ordonna au ministre, chargé du commerce de réformer les codes du commerce : Baisser les niveaux d’amendes d’un point pour relancer les activités économiques. Le délit du niveau 5 sera baissé au niveau 4 et ainsi de suite.

 

Ayant appris cette mesure, Preah Chanreachéa, au cours du Conseil des dignitaires, demande l’avis à son Premier Ministre sur cette décision. Ce dernier confirme l’utilité de cette loi. Mais le Roi réfute cet argument en disant ceci :

 

« Cette mesure est proclamée dans un but de protéger les membres de la famille d'AKAN, lesquels transgressent souvent la loi. L’allègement du montant des contraventions encourage les gens à désobéir la loi ».

 

Après quoi, Preah Chanreachéa décide de faire tout le contraire à Sdach Kan : Le délit du niveau 1 passera en 2 et ainsi de suite. Le récidiviste sera puni une peine de prison. 

 

Une affaire de justice dans le Royaume de l’Ouest :

 

Dans le territoire de l’Est, il y a une famille, appelée par les villageois la famille « Chao Loung In Kma Kaing Pich » : M. Loung est marié à Mme In. Il est l’oncle de Mme Kma, mariée avec M. Pich. Celui-ci a une liaison amoureuse avec l’esclave de sa femme, nommée Kaing. Il décide avec son amante de s’enfuir de son village pour aller vivre dans le Royaume de l’Ouest. Dans cette fuite, il a besoin d’aide. Il y demande donc à ses deux domestiques fidèles, un homme et une femme, nommés Chao Toun et Neang Tean. Ces deux assistants lui servent dans sa fuite comme rameurs de pirogue. Pendant la nuit, les quatre montent à bord d’une pirogue rapide, quittent leur village pour le Royaume de l’Ouest. Le lendemain matin, la femme Pich est au courant de la fuite de son mari avec son esclave. Elle en informe son oncle. Celui-ci part aussitôt avec six domestiques pour poursuivre les fugitifs.

 

Revenons aux quatre fugitifs. Au port de Longveak, ils sont arrêtés par la police de frontière. Le chef de poste interroge Pich pour savoir la raison de son voyage. Pich lui dit qu’il a l’intention de venir s’installer avec son épouse dans ce Royaume pour servir le Roi légitime, Preah Chanreachea. Ayant entendu cette demande d’asile politique, le Chef de poste décide d’envoyer les quatre à la préfecture de Kompong Chhnaing. Quand Pich et sa maitresse arrivent sur lieux, ils voient M. Loung dans la salle d’audience du gouverneur. Le juge des affaires civiles est déjà dans la salle. Ayant adressé les paroles ordinaires de civilité, Pich et sa maitresse s’assoient sur le banc des accusés. Le juge dit à Pich dans les termes suivants :

« J’ai lu votre déclaration au chef de poste de Longveak, mais M. Loung ici présent m’a dit que vous mentiez.0 Il vous accuse l’adultère et le vol des biens de sa nièce qui est votre épouse. Est-ce que cette accusation est-elle vrai ? ». Pich hésite de répondre à cette question. Le juge renouvelle son interrogation en levant un peu plus fort sa voix autoritaire. L’accusé n’a eu plus de choix et a dit : « Votre honneur, je suis amoureux de l’esclave de mon épouse ici présente. Je veux vivre avec elle pendant tout le reste de ma vie. Dans le Royaume de l’Est, le divorce est interdit par la loi. Que faire ? J’ai entendu parler que dans ce Royaume, un homme a le droit d’aimer une autre femme, je dis, Votre honneur, « aimer », pas « couchotter ». C’est la raison pour laquelle, j’ai décidé avec mon bien aimée de s’enfuir pour venir vivre dans ce Royaume ».                   

Le juge tourne vers M. Loung et lui dit : « Alors M. Loung, que pensiez-vous de cette déclaration ? ».

M. Loung se lève et dit sans ambages :

« Votre honneur, la femme dont Pich parle est l’esclave de ma nièce. Votre honneur le sait bien que l’esclave est un bien mobilier. Amener un bien mobilier avec soi sans demander la permission de son propriétaire est un vol, Votre honneur ».

Le juge dit à Pich :

« Que disiez-vous de cela ? ».

Pich lui répond :

" Votre honneur, la nièce de M. Loung est mon épouse. Nous sommes mariés depuis plusieurs années. Ses biens sont les miens. J’amène seulement un seul parmi des autres biens que j’ai laissés à la maison dont les valeurs valent dix fois supérieures que l'esclave ici présente. Je ne vois pas de quel droit, M. Loung, une simple parenté, m’accuse de vol des biens de mon épouse qui sont aussi les miens ».

Après avoir écouté l’accusé et le plaignant, le juge tranche l’affaire en faveur de l’accusé.

M. Loung décide de faire appel de ce jugement. Il cherche tous les moyens pour porter cette affaire devant le Roi. Avec sa richesse, il arrive enfin à avoir une audience royale. Les parties sont convoquées devant Preah Chanreachea. Dans la salle d’audience, le Roi demande à Pich ceci :

« Qui a donné à manger, qui a donné des vêtements, qui a soigné la maladie de l'esclave, dont tu parles ? ».

« Mon épouse, Votre Majesté », dit Pich.

« Il est donc normal que ton épouse ait tout droit autant que toi sur cette esclave. Tu dois demander au moins son avis avant de l’amener ici. Je ne te condamne pas pour l'adultère, et pour vol, mais je te condamne pour manque de respect à ton épouse. Je te punis de cent coups de fouet au dos et te mets au pilori pendant trois jours. L'esclave, ton bien aimée et tes deux complices sont renvoyés immédiatement à leur maîtresse".

Après quoi, le Roi ordonne au Ministre de la justice, Oknha Sophear Thipadey Montrey Kotreach, de faire enregistrer sa décision dans les codes de droit civil du Royaume. Ce même jour, le souverain de l'Ouest prend deux autres mesures importantes : La première sur l'affectation d'unité de mesure et la seconde sur la pratique des fêtes religieuses.

- Unité de mesure pour la fabrication des biens mobiliers est désormais la longueur du bras de sa mère nourricière, nommée Payra. Le roi veut en rendre hommage à cette dernière. Ainsi, on entend les gens disent encore aujourd’hui dans la région de Pursat, un tel ou un tel mobilier mesure combien de Payra.

- Tous les trois ans, à la fin du carême bouddhique, la population du Royaume, doit organiser une fête pendant trois jours. Cette fête triennale contient trois cérémonies, lesquelles sont pratiquées en conformité avec les pratiques des Brahmanes : Fête des courses de pirogues, fête du flottement dans des fleuves ou des points d'eau des petits récipients en feuilles de végétaux remplis des nourritures, fête de la salutation de pleine lune, pendant laquelle on mange du paddy écrasé au pilon en buvant le jus de coco.

Après le Conseil, les Ministres se dépêchent pour mettre en application l’injonction du Roi. 

 

Histoire d'un comédien célèbre :

 

Un comédien de théâtre, étant renommé par sa beauté et son talant dans le rôle de Preah Lèk (un des personnages importants dans l'épopée de Ream ké ou Ramayana), a reçu une faveur du Roi : Un nom « Le beau gosse ». Un jour ce comédien est invité par le Roi. Ce jour-là, avant de venir au Palais-Royal, le Beau Gosse est allé couper les cheveux. Arrivé au Palais, il est félicité par tous les membres de la cour de sa nouvelle coupe de cheveux. Tout le monde le dit : "Oh mon dieu, il est encore plus beau avec cette nouvelle coupe !". Un valet du palais est venu chercher le Beau Gosse pour l'amener dans l'appartement privé de Sa Majesté, parce que le Roi veut le présenter personnellement à ses dames favorites. Au cours de cette audience, le Roi s'aperçoit une mèche de cheveux sur le coup du comédien. Il lui dit : "Tu vas laver ton coup, parce qu'il y a une mèche de cheveux là-dessus". Ce dernier quitte l'appartement du roi pour chercher un point d'eau dans le palais. Quelque moment plus tard, le Roi demande à deux de ses gardes d'aller aider le Beau Gosse à laver son coup. Ces derniers ont mal compris l'ordre du Roi, au lieu de l'entendre "aider à laver le coup", ils l’ont entendu "aller couper le coup". Ils se précipitent sur le lieu où le comédien est entrain de laver son coup, et coupent la tête de ce dernier. Un autre comédien a été aussi sur le lieu, se précipitait pour venir informer le Roi de ce drame. Le Roi ordonne aussitôt à un autre garde d'aller dire à leurs collègues d'amener la tête du comédien pour savoir, est-ce qu'il est toujours beau après sa mort. Ce dernier se dépêche sur le lieu du crime et dit à ses collègues ceci : "Le Roi ne vous a pas demandé de couper la tête de ce comédien, il vous a demandé de venir l'aider à laver son coup, pauvre imbécile ! Bon maintenant, il faut que vous ameniez sa tête au palais". Ayant entendu ce propos, ces deux gardes ont pris peur. Ils confient la tête coupée à leur collègue pour l'amener au palais, et décident de s'enfuir au Royaume de l'Est.

Ayant appris la fuite de ces deux gardes, le Roi ordonne à un officier de cavalerie d'amener vingt cavaliers pour aller les arrêter. Quelque temps après, ces deux derniers sont interceptés à Srap Angkam au moment où ils sont en train de se laver dans une mare. Après cette arrestation, cette mare est appelée par la population la "mare du lavage de l'épée".

Ces deux gardes sont passés au jugement. Pendant leur procès, ils ont dit au juge qu'ils ont mal entendu l'ordre du Roi. Après la coupure de la tête du Beau Gosse, ils ont eu peur d'être punis. C'est la raison pour laquelle, ils ont décidé de s'enfuir au Royaume du Roi de l'Est. Leurs propos sont rapportés à Preah Chanreachea. Celui-ci se met en colère, parce que ces deux gardes ont appelé Sdach Kan, le Roi de l'Est. Il enjoint donc à la population de ne plus appeler Kan, le roi. Quiconque transgresse cette injonction sera condamné à mort. La population peut appeler Kan, Preah Sdach Kan. Les deux gardes qui ont occupé la tête du comédien sont condamnés à mort par le tribunal. Quant à la victime, sa tête est rendue à sa famille pour incinérer selon la tradition bouddhique.

 

Dans la même année 1522, Preah Chanreachea a envoyé deux navires pour aller transporter 100 canons et 1 000 fusils, achetés au pays Chvyre (Malaisie). Sdach Kan fait autant. Il a acheté 150 canons et 300 fusils. Deux navires sont partis chercher les marchandises en Malaisie. De retour au pays, ces deux navires sont échoués par la tempête dans le territoire de l’Ouest, l’un à Peam (MounChrouk) et l'autre à Kompot. Les armes sont récupérées par l'autorité des lieux et envoyés ensuite à Pursat. Preah Chanreachea en est content et donne des récompenses aux chefs militaires de ces deux provinces.

 

Après cet accident, les deux rois passent le temps à s'exaspérer. Sdach Kan décide de rassembler tous les grands dignitaires, afin d’avoir leur opinion sur la question de savoir s’il devait ou non mobilier une armée pour envahir le Royaume de l’Ouest. Les avis sont conformes à son désir de revanche. Il décide donc de venir s'installer à Srey Santhor et ordonne à son Premier Ministre de lever une armée de 140 000 hommes.

 

Il laisse 20 000 hommes à capitale Sralâp Pichay Prey Norkor, placés sous le commandement du Général Maung pour assurer la protection de cette ville ; l'armée d'avant-garde de 30 000 hommes est confiée au Général Chhakrey ; l'armée de droite de 20 000 hommes est confiée au Général Kralahome ; l'armée de gauche de 20 000 hommes est confiée au Général Vieng ; l'armée d'arrière de 20 000 hommes est confiée au Général Vaing ; l'armée de réserve de droite de 10 000 hommes est confiée au Général Sral ; l'armée de réserve de gauche de 10 000 hommes est confiée au Général Lompaing ; l'armée de réserve d'avant-garde de 10 000 hommes est confiée au Général Snang Theûm Norkor. Sdach Kan conserve le commandement du centre de 30 000 hommes. Celui-ci ordonne à ses armées de marcher sur Phnom-Penh. Après avoir pris cette ville, il poursuit son chemin dans le but d'attaquer la capitale royale de Preah Chanreachea.

 

Celui-ci est immédiatement informé de la progression des armées de l'Est dans son territoire. Il convoque son Conseil de guerre et au cours de cette réunion, il décide d'envoyer immédiatement une flotte de 400 bateaux de guerre pour ralentir la progression ennemie. Un corps d'élite de 2 000 hommes, commandée par le Général Tep, fils de Ta Moeung, est envoyé pour organiser la première ligne de défense. Une division de droite de 10 000 hommes, est confiée au Général Sok, fils aussi de Ta Moeung, une division de gauche de 10 000 hommes, est confiée au Général So, une division d'arrière de 10 000 hommes, est confiée au Général Reach Téchhak. Deux unités mobiles, l’une de 10 000 hommes, commandé par le Général Vongsa Ang Reach et le deuxième de 3 000 hommes, commandé par le Général Sreng Séna, ont pour mission d'attaquer les ennemis sur la route principale de Phnom-Penh-Pursat. 3 000 éléphants et une cavalerie de 500 cavaliers sont envoyés au front pour appuyer ces attaques.

 

L'armée de l'Ouest attend de pied ferme l'arrivée de la colonne de Kan au Steung Kraing Ponley. Vu l'arrivée de la division de l'Est, le Général Sreng Séna de l'Ouest engage ses 3 000 hommes pour battre en brèche les deux côtés de la colonne d’ennemis. Une demi-heure plus tard, il sonne la retraite. Mais, l’infanterie d’ennemi le poursuit dans sa fuite. Pour soutenir cette retraite, 40 cavaliers sont envoyés pour barrer la route des chasseurs. La charge de la cavalerie est violente. Mais la riposte des chasseurs à cette attaque est remarquable. Les chevaux et les hommes sont au corps-à-corps. L’engagement des soldats des deux côtés dans le combat est total. Quelque temps plus tard, Noring Séna, Commandant de la cavalerie, ordonne à ses hommes de se battre en retraite. Les soldats de l'Est exhalent leur cri de joie et poursuivent la retraite des ennemis tout au long de la rivière de Chhrey. Soudain, ils sont arrosés par les flèches des archers du Général Tep, cachés dans le bois tout près de la rivière. Après cet arrosage, Tep et ses archers déguerpissent de leur cachette en se montrant aux ennemis qui sont en débandade. À ce moment-là, Kan arrive sur son cheval avec ses troupes sur le champ de bataille. Vu ce spectacle, il pense que son armée soit sur le point de gagner la bataille. Il ordonne à ses troupes de poursuivre les ennemis.

 

Arrivé à la plaine de Srap Angkam, une surprise qui lui attend. Trois cents éléphants qui chargent de front en balayant sur leur passage ses fantassins. À sa gauche, une masse des soldats d'ennemis se rue vers lui, à sa droite, une cavalerie est sur le point de charger. Une heure à peine, les 20 000 hommes de Kan sont tués sur le champ de bataille. Devant ce danger, Sdach Kan est immédiatement extrait du lieu de tuerie par 100 de ses gardes approchés. Ils traversent le bois en courant jusqu’au bout du canal de Rorlear Phir. Là-bas, ils sont repérés par les unités mobiles d’ennemi. Ils sont tout de suite pourchassés jusqu’à la commune de Ta Chhés, dans la province de Longveak. La rivière Skouth Chheung Prey barre leur chemin de fuite. Parmi les cent gardes, il n'y a que vingt soldats seulement qui savent nager. Kan décide de traverser la rivière avec son cheval et ses vingt gardes. Les autres se dispersent en petit groupe et s'enfuient, chacun de son côté, pour éviter être repérés par les ennemis.         

 

Parlons des trois secrétaires particuliers de Sdach Kan. Ayant appris la défaite de leur maître, ils cherchent les moyens de transport pour regagner Srey Santhor. À Kompong Phda dans la province de Rorlear Phir, ils réquisitionnent une pirogue des villageois. Ils montent à bord de cette embarcation avec trois sacs de sceaux. Au cours de ce déplacement, il y a une tempête. Leur pirogue est renversée par le vent violent. Les trois sacs de sceaux de Kan sont donc tombés à l'eau. Ne sachant pas nager et au bout des efforts à récupérer les trois sacs de sceaux dans l’eau, les trois fonctionnaires sont noyés dans la rivière. L'endroit où ils sont morts est appelé par la population "les sceaux de la mort".

 

Revenons à Kan. Avec ses vingt compagnons, il a pu traverser la rivière. Arrivé à la berge, il a pu voir de-là les pirogues ennemies à ses trousses, parmi lesquelles, il y a "Saray Andeth" à son bord, il y a le Général Keo. Kan quitte immédiatement les lieux pour s'enfoncer dans la forêt pour éviter d'être pris par les soldats ennemis. Quelques heures plus tard, il arrive au village Kompong Cham. À cet endroit, il a dû encore une fois traverser un fleuve à la nage avec ses gardes pour atteindre son territoire. Arrivé au rivage, il a été accueilli par son oncle, le général Kao qui vient y guetter son arrivée avec 1 000 hommes, parce qu’il a fait un rêve que son neveu, après avoir perdu la bataille, viendra ici pour trouver secours.

 

Au moment où Kan arrive à la rive, les pirogues des troupes de l'Ouest surgissent aussi au large du fleuve. Général Kao ordonne immédiatement à ses soldats et aux archers de tirer des armes à feu et des flèches sur ces pirogues pour les empêcher d'approcher la berge. Vu le danger, Keo décide de faire demi-tour pour retourner à sa base. Pendant ce retour, la pluie torrentielle commence à tomber et le vent souffle de plus en plus fort. Keo décide donc de chercher un port de fortune pour se mettre à l'abri de ce mauvais temps. À l'endroit où il a accédé, Keo fait construire une pagode pour y laisser la trace de son passage. Ce lieu sacré est appelée plus tard par la population, la pagode de "Prek Loung".

 

Revenons à Sdach Kan. Après avoir passé la nuit dans la jungle, au lendemain matin, il monte sur son éléphant de guerre, nommé Pichay Kouch Youth, prend la tête de son escorte pour regagner son quartier général. Arrivé à la commune de Damrey Sar (éléphant blanc), sa monture est morte de maladie. Il ordonne à ses hommes de l'enterrer selon la tradition. L'endroit où l'éléphant est mort porte le nom "Khnâb Damrey" (tombeau d'éléphant) jusqu'à aujourd'hui. Kan est affecté par la perte de ses deux montures inestimables. Ces deux animaux sont des cadeaux divins pour lui, parce que les donateurs, après avoir amené leur présent, ont quitté le palais sans avoir laissé leur identité et sans avoir réclamé les récompenses. Ils sont sans aucun doute des divins déguisés en humain. Alors, Kan dit à son oncle :

"La mort de mes deux montures est un signe de déclin de ma puissance royale. Je commence avoir de doute sur mon avenir".

Ayant entendu ces propos, Kao répond à son neveu :

"Auguste neveu pense ainsi, parce que vous êtes attachés à vos montures. Vous ne le saviez pas pendant votre absence du palais, il y a un homme qui est venu pour vous offrir deux étalons et deux éléphants, lesquels sont aussi beaux et robustes que vos deux montures. Vous voyez Majesté, votre puissance royale ne s'évanouit pas, au contraire, elle est multipliée par deux. En revanche, je vous conseille de ne pas retourner immédiatement à la capitale Sralap Pichay Prey Norkor, parce que votre chance se trouve à Srey Santhor. C'est là-bas, vous êtes couronné roi. C'est le point de départ de votre puissance royale, il est donc nécessaire que vous deviez y rester pour mener la campagne militaire".

Kan se rend immédiatement à l'avis de son oncle. Il demande au dernier de retourner à la capitale en amenant tous les membres de sa famille là-bas pour les mettre à l'abri de la guerre.                   

 

(Suite dans le prochain numéro)

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1 juillet 2010 4 01 /07 /juillet /2010 09:28

N° 19 Histoire des Rois khmers : Règne de Sdach Khân (1512-1525) : La sécession.

 Parlons de Samdech Chanreachea. Il décida de changer le nom de la province Akmarakkirboribour  en Baribour (Abondance) (dans la province de Pursat actuelle). Pendant la cérémonie d’attribution des charges aux dignitaires du Royaume, on voyait apparaître dans le ciel bleu de la nouvelle capitale royale, un arc-en-ciel de sept couleurs. C’était un phénomène rarissime. Chanreachea convoqua donc un divin du palais pour en interpréter. Celui-ci dit à son souverain ceci devant les sept brahmanes, conseillers du Roi :

 « À partir de ce jour-ci, Votre Majesté est identifié par tous les dieux comme un souverain puissant, parce que l’apparition de l’arc-en-ciel est un signe de cette légitimation. Quant aux sept couleurs, elles représentent les sept étapes de votre vie, c’est-à-dire le chemin de votre destin majestueux :

 1. Ô Mon Roi, avant la grossesse, votre Samdech mère avait fait un beau rêve, dans lequel elle voit une éclipse de lune ;    

2. Ô Mon Roi, le jour où vous êtes venu au monde terrestre par la volonté du dieu céleste pour le règne de l’Ame et le salut de toutes les créatures, ce jour-là, il y a eu l’éclipse de lune ;    

3. Ô Mon Roi, ainsi, Votre Roi père vous avait donné un nom  « Lune » ;

4. Ô Mon Roi, quand Votre Auguste père était en guerre contre les ennemis de la maison royale, appelés « l’armée de Dragon » qui est aussi vos ennemis d’aujourd’hui, il avait fait un rêve : Il voit un Dragon qui crache le feu pour brûler son quartier général de campagne. Au moment où votre Auguste père se précipite pour poursuivre la bête, il voit apparaître l’âme de son Auguste père venant le monde au-delà pour lui dire qu’il cesse de combattre inutilement ce dragon, parce qu’il s’effondra à la première apparition de la lune dans le ciel de l’Ouest du Royaume. Comme vous le savez, vous venez du Siam qui se trouve à l’Ouest du pays, vous êtes donc la lune de l’Ouest qui apparaît dans les cieux du Kampuchéa pour faire périr le dragon qui n’est que Kan, votre ennemi du moment ;

5. Ô Mon Roi, Vous êtes la fraîcheur de la nuit pour le peuple en colère contre l’imposteur ayant l’intelligence du tigre. Votre royal nom « Lune » n’est que la preuve de cette fraîcheur ;

6. Ô Mon Roi, depuis votre retour au pays, le peuple vous suit comme l’ombre suit le corps partout où il va. Vous êtes l’ombre éternel du peuple ;

7. Ô Mon Roi, l’apparition de l’arc-en-ciel dans le ciel bleu d’aujourd’hui est une manifestation divine qui de dieux qui viennent vous faire connaître d’une manière expresse leurs intentions de vous élever au rang du grand roi.

 Samdech Chanreachéa étant satisfait de ces propos, il donna des récompenses au divin pour ses explications. Après quoi, les sept brahmanes avaient oint d’huile au corps du Roi pour que l’annonce du devin devienne une réalité pour le souverain.

 Quelque temps après, on informa le Roi que la rivière qui traversait la ville était sec. Le roi emmena avec lui quelques ingénieurs hydrauliques pour visiter la source de ce cours d’eau. Arrivé sur la place, il constatait que le lit de la rivière était bouché par un arbre tombé par terre. Cet engorgement faisait changer l’écoulement d’eau vers le Nord. Le Roi ordonna aux services des travaux publics de déblayer l’arbre afin que la rivière rentrait dans son lit habituel. Il fit construire en plus un petit barrage en pierre pour empêcher définitivement l’eau de couler vers le nord.

 Parlons des deux femmes, nommées Em et Aing. Elles étaient enceintes et trompaient leur mari, nommés Lous et Som. Un jour, ces deux bonnes femmes décidaient de tuer leur mari par leur amant, nommés Kao et Keing. Elles tendaient un piège à leur époux à l’endroit où le Roi fit construire le barrage. Les amants avaient réussi à tuer les deux maris comme dans leur plan, mais au cours de leur lutte corps à corps, ils détruisirent involontairement le barrage du roi. Cette destruction provoquait le changement de la direction des cours de la rivière. Le Roi ordonna à la police de faire une enquête pour trouver les coupables de ce dégât. Après cette enquête, les deux femmes et les deux amants furent arrêtés et condamnés à la peine capitale par le Roi. Ils furent enterrés vivants à côté du barrage. D’après la légende, les six âmes, deux femmes, deux amants et deux fœtus, hantaient cet endroit et protégeaient ce barrage. Au fil des années, cette source d’eau donnait de plus en plus d’eau qui transformait le lit de la rivière en une voie fluviale navigable pour toutes les tailles de bateaux de transport de marchandises. Ces activités fluviales transformaient la ville Baribo en une grande ville commerciale. La population appelait cette ville le « marché d’abondance » (Psar Baribo). Elle demeure jusqu’à aujourd’hui.

 En 1517, le Roi Chanreachéa entreprit une vaste campagne de guerre de propagande dans le territoire d’ennemi, afin de rallier les gouverneurs, les fonctionnaires, les populations et les esclaves. Cet appel fut entendu par les populations.

 Revenons au Sdach Kân. Dans sa capitale Sralap Pichay Prey Norkor[1](1), pendant la saison des pluies, l’année de bœuf, il décida de lancer une offensive contre l’armée de Preah chanreachea. Il décida de rassembler en Conseil de guerre tous les grands dignitaires civils et militaires, afin d’avoir leur opinion sur la question.  Après quoi, il ordonna aux généraux de mobiliser une armée de 120 000 hommes. Une fois faite, Kân se consacra à la répartition des tâches :  Chao Ponhea Lompaig emmena une armée d’avant-garde de 20 000 hommes à Samrong Taung. Ensuite, il confia à Samdech Chao Fa Kao, son oncle, le commandement d’une armée de 30 000 homme pour aller s’installer à Phnom-Penh.

 Chanreachéa fut immédiatement informé des intentions de Kân. Il se mit en colère car, cet imposteur ne respectait pas l’accord de trêve, dans lequel il était clair que pendant la saison de pluie, les deux parties belligérantes devaient se faire taire leurs armes pour laisser la population faisait pousser le riz. Pour riposter à cette offensive, il marcha à la tête d’une armée à la rencontre des assaillants. Il confia à Okgna Chakrey Keo et à Okgna Vongsar Atakareach Key le commandement de l’avant-garde de 20 000 hommes, lui-même conservant le commandement du centre de 30 000 hommes. Il quitta sa capitale pour emmener ses troubles camper à Chay Sour, situé dans la province de Longveak.

 Arrivé à Samrong Taung, Key lança une attaque de front contre la division de Lompaing selon le plan arrêté. Cette attaque fut soutenu par les troupes du général Okgna Norin Niryourk. Cette unité possédait 140 éléphants.  Norin Niryouk attaqua Lompaing par derrière. Au milieu des ennemis, Lompaing ne perdait pas son sang froid, il organisa énergiquement les contres attaques avec courage. Mais, après quelques heures de combat, son arrière garde s’effondra face à des assauts des éléphants. Vu le danger, Lompaing ordonna à son adjoint opérationnel, Ponhea Sral, de sonner la retraite. Pour fuir le danger, Lompaing fut allé se retirer avec ses troupes à Phnom-Penh. Ils furent poursuivis par les soldats de Key jusqu’à la porte de cette ville. Mais, au lieu d’attaquer la citadelle où Lompaing se réfugiait, Key la contourna pour attaquer des points importants d’ennemis tout au long de la rive Est du fleuve du Mékong et jusqu’à la province de Trang (Soc Trang au Viêtnam actuel) et ouvrir la voix aux bateaux de guerre depuis Cheung Eak jusqu’à la mer. Cette action était stratégique, car elle permettait à Chanreachea d’avoir une ouverture vers l’océan pour les activités commerciales et les opérations militaires. La défaite de Lompaing encouragea la désertion de beaucoup de gouverneurs de Kân au profit de Chanreachea, comme les gouverneurs de Bati, Prey Kabas, Kandal Steug, Kaung Pisey, Phnom Srouch, Bantey Meas, Peam, Sré Ronaung, Cheuk Kach chom. Avec la grâce de Chanreachea, ces gouverneurs continuèrent d’occuper leurs charges de gouverneur, mais ils travaillèrent cette fois-ci contre leur ancien maître de leur vie. Cependant les autres gouverneurs de cette région, comme les gouverneurs de Bassac, Preah Trapaig, Kramoun Sar et Euv Mao se manifestèrent davantage leurs agressivités contre Chanreachea .

 Après cette victoire, Preah chanreachea demeurait dans son quartier général à Longveak.  Il assista à la fête des « courses de pirogues » et de « manger du paddy écrasé au pilon » à Kompong Sèth. Pendant cette fête, à la nuit tombée, on fit tirer les feux d’artifices pour amuser la population et sur le fleuve on organisa le défilé des pirogues ornées des lanternes lumineuses de toutes les formes. Les festivités duraient pendant trois jours et trois nuits. Pour laisser les traces de son passage dans les communes de Jayso où il avait installé son quartier général pendant la campagne militaire et Kompong Seth où il avait assisté la fête des courses de pirogues, Chanreachea décida de changer les noms de ces deux lieux : Jayso devint « Sorivong » et Kompong Seth devint « Kompong Prasat ». Ces deux noms continuèrent d’exister jusqu’à aujourd’hui. Quelque temps après, Chanreachea décida de reprendre l’offensive contre la position d’ennemi. Il ordonna aux Okgna Chakrey Keo, Vongsa Akareach et Kralahom Kam d’attaquer la citadelle de Phnom-Penh avec 30 000 hommes. Cette citadelle était défendue par des hommes téméraires de Kân, tels que Samdech Chaofa Kao, Chao Ponhea Lompaing, Sral, Dekchau (gouverneur de Samrong Taug, et Chao Ponhea Reachea Métrey (gouverneur de Phnom-Penh). Pendant plusieurs mois de batailles, les armées des deux côtés ne s’étaient pas affaiblies. Tantôt l’armée de l’Est prenait des avantages sur celle de l’Ouest, mais le lendemain, la situation aura été inverse. La perte élevée des hommes commençait à faire sentir dans les deux camps. À la première pluie de la mousson, Chanreachea et Khan acceptèrent sans hésitation la trêve pour laisser la population de cultiver du riz.

 Quelque temps plus tard, Chanreachea convoqua les membres de son Conseil de guerre pour leur dit ceci : « Voilà plusieurs fois que nous attaquons la citadelle de Phnom-Penh, mais sans avoir remporté aucune victoire. À mon avis, il faut convenir que nos ennemis sont habiles. Ils savent toujours profiter de notre faiblesse pour repousser nos assauts. La citadelle de Phnom-Penh est imprenable. Qu’on me donne le nom du monarque de l’Ouest ; en fait, ce n’est pas tout à fait exact, parce que Phnom-Penh, Kompong Som et une grande partie de Kampot sont encore sous le contrôle de AKhan. Si AKhan tient Phnom-Penh, il contrôle automatiquement Kompong Som et Kampot. Il faut faire tomber Phnom-Penh par la ruse. Voici ce dont il s’agit : Provoquer nos ennemis par la ruse pour qu’ils sortent de Phnom-Penh pour nous attaquer en masse, mais en plusieurs endroits à la fois. Qu’ils osent sortir de leur fort à une condition qu’ils aient une assurance de gagner la bataille. Il y aurait un moyen pour y parvenir : Faire semblant d’être vulnérables devant leurs assauts. Le simulacre de débandade de nos troubles serait en effet notre procédé.

 Le 18 décembre de l’année de tigre, Chanreachea ordonna au Général Peuv, coordinateur général du plan de lancer la campagne militaire : Les divisions du Général Chakrey et Vongsa Angreach. attaquèrent Phnom-Penh. Le chef de la commanderie de cette ville, Chao Fa Kao répondit comme l’habitude par une contre-attaque : Il inonda les ennemis d’une pluie de flèches et des tirs de canons. Ensuite il lança ses troupes cuirassés pour repousser les attaques des soldats de l’Ouest. Cette méthode de défense permettait à Chao Fa Kao de repousser plusieurs d’assaut successif des soldats adverses au cours de ces derniers mois. Cette fois-ci, en haut du rempart de la citadelle, Chao Fa Kao observa que la retraite d’ennemis ressemble plutôt à une débandade généralisée. Les soldats n’écoutaient plus leurs officiers : Ils se battaient en retrait quand on leur ordonnait à maintenir la position. La confusion fut total dans les rangs des troupes de l’Ouest. Pour Chao Fa Kao, ce beau spectacle de calamité d’ennemis fut une victoire annoncée. Il ordonna donc au valeureux Colonel qui commandait la cavalerie de chasse de 2 000 cavaliers cuirassés de poursuivre la fuite des soldats de l’Ouest. Cette cavalerie fut soutenue par les troupes transportées par des chars de guerre pour anéantir les ennemis en fuite. Arrivée à O Phôr, la cavalerie de Kân livra un combat singulier à la garnison d’ennemis. Le combat ne dura pas même dix minutes : Les soldats de l’Ouest abandonnèrent leur position dans le désordre total. Cette situation encourageait les troupes de l’Est à poursuivre leur progression dans le territoire d’ennemi. Vu l’arrivée des soldats de Kân en liesse, le Général Kralahom de l’Ouest, commandant de la citadelle d’Oudong quitta la ville avec ses troupes sans livrer la bataille contre les ennemis. À partir de cette ville, les troupes de Kân poursuivirent les ennemis en deux directions différentes : La direction de Chroy Paunlear et celle de Prek TaTeang.

 Cette manœuvre insidieuse poussa les troupes de Kân à la faute. Ce qui devait arriver, arriva : À Dambauk Mean Leak, le Général Kralahom ordonna à ses troupes de faire demi-tour pour livrer un combat aux chasseurs de Kân. Presque simultanément à Prek Pneuv, les soldats, conduits par So et Kaing, que Chanreachea avait embusqués de toutes parts sortirent de leur cache afin de surprendre les soldats de l’Est par leurs flancs. Quant au Général Tep de l’Ouest, il ordonna à ses fantassins d’attaquer à revers la deuxième colonne des troupes de Kân dont les soldats s’étaient déjà fatigués par la marche rapide pour poursuivre le simulacre de fuite des ennemis. Cette attaque surprise bloqua l’avance ennemie dans le bourg de Prek Tateang. Elle constituait l’essence de la frappe des soldats de Chanreachea. Dans ces batailles celui-ci mobilisa 20 000 hommes et il confia le commandement au Général Prom, un prodige qui savait insuffler du courage à ses troupes dont le succès couvre de honte aux généraux de Kan.         

 Retournons maintenant à Phnom-Penh. Après le départ de ses troupes d’élites de la citadelle pour poursuivre les ennemis en fuite, Samdech Chao Fa Kao chercha de son côté à exploiter cet avantage inattendu. Depuis quelques jours déjà, les agents de renseignement militaire lui informèrent que la flotte de Chanreachea à Chroy Chanvar était en nombre inférieur par rapport à sa flotte. Pour Chao Fa Kao, la retraite d’infanterie pédestre de Chanreachea de la porte de Phnom-Penh laissa sans doute la base navale de Chroy Chanvar sans défense. La vue de la victoire personnel est un appât séducteur pour un homme avide d’honneurs qui ne raisonne pas. Il décida donc de lancer sa flotte de 60 bateaux pour attaquer la base d’ennemi sans avoir pris de précaution pour empêcher l’effet des embuscades que ces derniers pourraient former. Il laissait deux de ses officiers supérieurs, Lompaing et Vieng à garder la citadelle. Apprenant l’arrivée des bateaux de guerre d’ennemis, les commandants de base de Chroy Chanvar, Vibol Reach et Pratest Reach firent sortir leurs bateaux pour riposter à cette attaque. La bataille navale entre les flottes offrit un beau spectacle pour la population de Phnom-Penh. Mais après une demi-heure de lutte, Vibol Reach ordonna à sa flotte de battre en retraite selon le plan arrêté. Vu ce décrochement, Kao ordonna à ses chefs de flottille de poursuivre les ennemis. Arrivé à Prek Pneuv, Kao fut surpris par des pluies de flèches et des tirs de canons venant des deux rives. Le Général Tep était le responsable de cette embuscade mortelle. N’ayant pas le plan B pour agir contre cet imprévu, Kao laissa son destin à la main du Bouddha. Il enleva son uniforme d’Amiral et sauta dans l’eau pour s’enfuir. Étant un bon nageur, Kao put arriver à Basane (Prek Por). Là-bas, il rassembla le débris de ses troupes en déroute pour reconstituer son armée.

 Revenons à Phnom-Penh, après la sortie de Kao avec sa flotte, la disposition de défense de la citadelle de cette ville fut affaiblie. Selon le plan arrêté, Chanreachea ordonna aux unités de grimpeurs des murs de livrer la bataille. L’objectif était de brûler les palissades de la citadelle. Lompaing et Vieng n’avaient pas assez d’hommes pour repousser les assaillants. Ils finissent par abandonner leur poste en quittant la citadelle par bateau. Ils furent captés et tués par les troupes de l’Ouest. Le bilan de cette prise de la citadelle de Phnom-Penh était juteux pour Chanreachea : Plusieurs tonnes de riz et beaucoup de matériel de guerre abandonnés par les ennemis, 85 officiers supérieurs capturés. Chanreachea ordonna immédiatement de tuer 35 pour crime de haute trahison et 50 autres étaient condamnés de peine d’esclavage pour toute leur vie. À peine avait-il fini de donner les ordres, on entendit la voix du héraut proclamant les noms de ceux que le roi les avait condamnés à mort. Ces prisonniers étaient traînés et furent attachés et tués. Puis tous les cadavres furent traînés hors de la citadelle. La chute de Phnom-Penh permit à Chanreachea de libérer plusieurs provinces : Phnom-Penh, Samrong Taung, Bati, Tran, Kampot, Kampong Som. Mais son offensive fut repoussée au Sud-Est par Chao Ponhea Pisnolauk, le Grand général de l’armée de l’Est. Ce général contrôlait un vaste territoire : les provinces de Bassac, Preah Trapeang, Kramoun Sar et Euv Mao.

 Kan fut informé de cette défaite, laquelle lui rebutait. Il traita en effet ses généraux de petites têtes devant ses conseillers. Dans la bouche de Kan, cette insulte reviendra comme une antienne pendant les années à venir : « Combien il est nécessaire d’user de prudence en suivant un ennemi qui fuit. Comment avaient-ils osé de changer la stratégie de défense de la ville pour une petite ruse de rien du tout de Chaneachea. Et pourtant dans nos règlements militaires, les commandants d’unités ne font rien sans délibération préalable, rien d’improvisé ; la réflexion précède toujours l’action et les actes se conforment aux décisions. Je blâme toujours à ceux qui risquent une attaque, dont les suites désavantageuses peuvent être plus nuisibles que le succès n’en peut être utile ; car on ne saurait mettre en balance un médiocre avantage contre une ruine totale ». Ensuite, il ajouta : « Chanreachea mérite bien de mourir par assassinat comme son feu frère, roi Sokunbât. S’il mourait, son armée s’effondra. Actuellement, Chanreachea fait appel à nos soldats de déserter pour rejoindre son camp. Il soit confiant en lui d’accepter les transfuges de travailler pour sa victoire. Il faut donc chercher 100 volontaires, parmi nos hommes de confiance pour s’infiltrer dans son camp. Après quoi, ils profiteront le moment de défaillance dans la sécurité de Chanreachea pour le tuer comme nous avons tué son frère. Je crois que ce plan puisse encore réussir. Il suffit de bien le monter et personne ne doit être dans la confidence de ce projet, ni au Palais, ni aux Grands dignitaires ».

 Quelque temps plus tard, les conseillers informait Kan que les 100 volontaires étaient trouvés. Kan étant très content, il nomma son neveu, fils d’une tante maternelle, chef des 100 braves ayant les âmes fortes. Il dit à ses conseillers qu’il a choisi son neveu, parce que ce dernier ne compte pas à remplir ses devoirs, mais de se battre pour la gloire de sa famille.  Ces 101 téméraires parvenaient à s’intégrer dans la garde prétorienne de Chanreachea. Ils suivaient le Roi dans tous ses placements.

 Au mois d’avril 1519, année du lièvre, au cours d’une baignade habituelle, Chanreachea avait de doute sur du comportement de certains de ses gardes approchés, parce qu’ils se baignaient avec leur sarong. Il quitta le bassin d’eau pour se reposer sous un grand arbre. Après quoi, il ordonna à tous ceux qui se baigner à côté de lui d’enlever immédiatement leur Sarong, parce qu’il soupçonnait qu’ils cachassent les armes sous leur sarong. Le neveu de Kan et ses compagnons se sentaient mal à l’aise. Il fallait agir maintenant, sinon leur plan aura découvert par le roi. Il donna signale à ses hommes de se diriger vers l’endroit où le roi se trouvait. Arrivé à cet endroit, il demanda aux gardes de corps du roi d’une audience royale pour une affaire de haute importante. Les gardes de corps n’avaient même pas le temps d’en informer le roi, ils furent bousculés par les membres de commando de Kan. Ces derniers se ruèrent vers le roi. Ayant aperçu de loin l’arrivée des saillants, le roi saisit son épée et alla en avant pour les attaquer en tuant plusieurs personnes. Les valets et les fonctionnaires se précipitèrent à arracher les pieux pour riposter l’attaque des traîtres. En quelques secondes seulement, les bords de l’eau calme se transformèrent en champ de bataille. Les gardes de corps et autres soldats fidèles au roi arrivèrent sur lieux et massacrèrent les membres de commando de Kan un par un. Ces derniers battirent en retraite et s’enfuirent dans la forêt en laissant 35 corps de leurs camarades sur place et plusieurs autres furent capturés. Les morts et les vivants furent décapités par ordre de Chanreachea. Leurs têtes furent exposées sur la place publique pour l’exemple.

 Quelque temps plus tard, Preah Chanreachea ordonna au ministre de la guerre de consolider les armées par les moyens suivants : Chercher des bois pour construire des bateaux et des pirogues de guerre ; créer un corps des forgerons pour fabriquer des lances, des sabres de diverses tailles, des phkā’ks[2] (2),  des couteaux et coutelas de toutes dimensions, des fusils et des canons ; créer un corps des artisans spécialisés dans la fabrication des chars de guerre et de transport, des arcs, des arbalète, des balistes sur roues, des flèches, des carquois et des boucliers ; acheter des chevaux pour renforcer la cavalerie, capturer et acheter des éléphants au Laos pour développer les unités des éléphants. Pendant la saison de pluie, il renvoyait les soldats chez eux pour aider leur famille à cultiver le riz. Dans cette année-là, la culture du riz était 5 à 6 fois supérieure par rapport aux autres années.

 Il éleva une de ses épouses, née des parents de sang royal, au rang de reine. Elle porta le nom de sacre, Samdech Preah Phãkvatey Ksatrey Sirich Chakrapath. Il créa des rangs pour les femmes de son harem : Ek (Premier rang), Tŭ (Deuxième), Trey (Quatrième rang) et Chhatva (Quatrième rang).

 Du côté de Sdach Kan, il procéda à remplacer les Hauts dignitaires et des généraux qui étaient morts dans le champ d’honneur, de maladie et de vieillesse par les nouveaux qui étaient membres de sa famille :

 - Prom, nommé Chao Ponhea Vieng, Ministre de la Justice ;

- Chum, nommé Chao Ponhea Veing, Ministre du Palais ;

- Chaut, nommé Chao Ponhea Sral, Ministre de la Mer ;

- Penh, nommé Chao Ponhea Lompaing, Ministre des Armées.

 Ces nominations furent informées à tous les gouverneurs de province sous son contrôle. Il leva une armée de 80 000 hommes pour reconquérir les territoires de l’Ouest. Il confia la garde de sa capitale royale à son oncle Kao. L’armée de campagne fut organisée de façon suivante :

 - Chao Ponhea Veing (Prom) commanda une armée d’avant garde de 15 000 hommes,

- Chao Ponhea Lompaing (Penh) commanda une armée de gauche de 10 000 hommes,

- Chao Ponhea Yothear Thipadey Noun commanda une armée de droite de 10 000 hommes,

- Chao Ponhea Moha Séna Toun commanda une armée d’arrière garde de 10 000 hommes.

- Kan commanda une armée du centre de 20 000 hommes,

- Une flotte de 300 bateaux et pirogues de guerre. Elle avait pour base à Prek Por.

 Kan s’établit son quartier général à la commune de Mouth Kmong dans la province de Thaung Khum. Après quoi, il ordonna à Prom et Penh d’attaquer la citadelle de Kompong Siem. Ayant appris le mouvement des troupes de l’Est par sa garde provinciale, le gouverneur de Kompong Siem envoya un messager pour en informer son roi. Celui-ci ordonna à ses deux officiers Chim et Ko d’emmener sa famille et celle des membres de sa cour à Pursat pour les mettre en sécurité. Après quoi, à la tête de 50 000 hommes, il partit pour secourir son gouverneur. Son armée de campagne s’organisait de façon suivante :

 - Une flotte de 100 bateaux avec 1 000 soldats à bord, commandée par Okgna Vibol Rap, partit en premier comme force d’avant-garde,

- Une flotte de 50 bateaux avec 500 soldats à bord, commandée par Okgna Baratès Reach, formait l’aile gauche,

- Une flotte de 50 bateaux avec 500 soldats de l’eau à bord, commandée par Okgna Reachea Barakreach, formait l’aile droite,

- Une flotte amirale de 100 bateaux avec 1 000 soldats à bord, commandée par Okgna Kralahome.

 Cette armada quitta Phnom-Penh pour aller s’établir une base fluviale à Preak Rokakaug. Au même moment, le premier corps d’armée fut immédiatement envoyée pour intercepter les ennemis à la porte de Kampong Siem, laquelle fut composée de 4 divisions d’intervention rapide :

- une division d’avant-garde de 10 000 hommes, commandée par Okgna Chakrey,

- une division de droite de 6 000 hommes, commandée par Okgna Vongsa Akakreach,

- une division de gauche de 6 000 hommes, commandée par Okgna Reach Tekchak,

- une division d’arrière-garde de 6 000 hommes, commandée par Okgna Ya Norintryne Thipadey.

 Le deuxième corps d’armée composée de deux divisions lourdes : une division de 10 000 hommes, placée sous les ordres Okgna Yomreach, laquelle avait pour mission d’attaquer les ennemis à partir de Prey Chamcar. La deuxième division de 10 000 hommes, commandée par Samdech Chao Ponhea Yauthir Norin, partit de Longveak pour barrer la colonne d’ennemis à l’Est de Kompong Siem.

 Preah Chanreachea, à la tête de 2 000 soldats d’élites de sa garde prétorienne, suivit la marche des deux corps d’armée. À cette époque, presque l’ensemble du territoire de l’Est fut inondé par la crue du fleuve du Mékong. La marche de l’armée rencontrait beaucoup de difficulté. Le premier corps d’armée atteignit la porte de Kompong Siem, après 17 jours de marche. La citadelle fut pris, après 16 jours d’assaut par 40 000 hommes de l’armée de Kan contre 10 000 hommes de la garde provinciale de Chanreachea. Le gouverneur de Kompong Siem put s’échapper à la justesse de ces assauts d’ennemis. Il vint à la rencontre de son roi pour informer celui-ci de la prise de sa forteresse par les ennemis. Le roi l’assura que cet échec n’était pas de sa faute. Le renfort arriva en retard à cause de l’inondation. Le lendemain matin, Chanreachea ordonna à ses généraux d’attaquer les ennemis pour libérer le fort. Le général Yomreach de l’Ouest mena l’assaut foudroyant contre la division de Lompaing de l’Est. Vers l’après midi, Yomreach ordonna à ses troupes de battre en retraite. Il fut poursuivi de près par Lompaing. À Siem Boye, celui-ci fut surpris par les attaques coordonnées de sa gauche et sa droite par les troupes de l’Ouest dont le Général Vongsa Akarreach était à la commande. Lompaing ordonna à ses troupes de se retirer à 35 Sèn (1 Sèn = 30 mètres) de Siem Boye. Encore une fois, il fut attaqué à nouveau par les troupes d’ennemis dont le chef n’était que Chanreachea en personne. Sur sa monture avec son cornac, celui-ci coordonna la contre-attaque de ses troupes avec vivacité. Mais son destin fut lié à celui de son ennemi royal, futur roi du Kampuchéa par le choix du ciel. À la vue de Chanreachea sur sa monture, les soldats de Lompaing commencèrent à perdre toute assurance d’être soldats. L’instinct de peur en tant que petit peuple surgit dans leur esprit qui paralysa les forces de bras de combattant.  Pendant un laps de temps, ils laissèrent tomber leurs armes et se mirent à genou devant l’Auguste Royal en lui demandant la soumission et le pardon. Lompaing et son adjoint Chao Ponhea Yauthir Thipadey observèrent cette scène avec stupéfaction. Après quoi, ils s’enfuirent dans la forêt pour se suicider. Leur corps fut retrouvé par les soldats de Chanreachea. Ceux-ci coupèrent les têtes de ces deux généraux malheureux pour les apporter à Chanreachea. Celui-ci ordonna à ses soldats d’exposer les deux têtes sur la place publique. Après cette victoire, Chanreachea ordonna à ses troupes d'assiéger la citadelle de Kompong Siem. En quelques heures seulement, ses troupes arrivèrent à percer la défende d’ennemis, ils pénétrèrent dans la citadelle en vigueurs et libérateurs. Les soldats de l’Est, s’enfuirent pour embarquer à bord des bateaux et pirogues de guerre pour sauver leur vie. Le nombre de bateaux était insuffisants par rapport au nombre de fuyards, mais tout le monde voulait absolument monter à bord des embarcations : Les uns poussent les autres pour avoir une place à bord de pirogue surchargée. Ceux qui ne pouvaient pas monter à bord, cherchaient une petite espace à bâbord et tribord du bateau pour y accrocher leurs mains. Certains bateaux ne supportaient pas le poids des humains en excitation extrême à bord se renversèrent et provoquèrent le naufrage. Ceux qui ne savaient pas nager furent emportés par le courant du fleuve en colère. Il y avait beaucoup de morts dans cette débâcle, parmi lesquels il y avait Ponhea Moha Séna, commandant de la citadelle.

 Ayant appris la défaite, Kan lança une contre attaque. Le général Sral et le Général de l’eau Vibol Reach furent chargés de reprendre la citadelle de Kompong Siem. Cependant, la flotte de l’armée de l’Ouest quitta sa base de Rokakaug pour mesurer à celle de Vobol Reach de l’Est. Arrivé à la commune d’Angkor, le Général Kralahom, commandant de la flotte de l’Ouest, avait vu une centaine de pirogues de l’armée de l’Est dans un port improvisé. Cette flotte état gardée seulement par 1 500 soldats. Kralahome ordonna à ses troupes de les emparer immédiatement. Cet abordage surpris fit fuir un grand nombre d’entre eux. Le trophée de cette bataille improvisée était impressionnant : 150 pirogues de guerre saisies et 800 soldats de l’Est demandèrent la soumission. Ayant appris cette nouvelle, Sral et Vibol Reach s’immergeaient dans le désespoir. Cette perte se propageait vite dans le corps des officiers. Elle se transforma en une panique générale dans les rangs de soldats. Entre quelques heures seulement les troupes de Sral et Vibol Reach se décomposaient en bande de déserteurs. Sral et Vobol Reach et beaucoup des officiers décidèrent de se suicider par noyade. Kralahom fit 500 prisonniers de plus dans cette débandade sans bataille. Mais, elle ne décourageait pas Kan. Il ordonna à nouveau à ses généraux Pich, fils de Kao, Krès, fils de Lompaing et Koy, fils de Vieng de conduire une armée de 20 000 hommes pour attaquer la citadelle de Kompong Siem.

 Cette campagne se prolongeait plusieurs mois, sans vainqueur, ni vaincu. Pendant la saison de pluie, ces deux armées s’attachaient alors à appliquer leur accord de trêve pour laisser les paysans de cultiver du riz. Profitant de cette accalmie, Kan se méditait pour trouver une nouvelle stratégie. Après concerté avec ses conseillers, Kan décida de demander la paix à Chanreachea en proposant au dernier la séparation le pays en deux États indépendants. Il envoya donc une ambassade composée de trois ministres plénipotentiaires, Chao Ponhea Sangkram Keo, Ponhea Rasasambath Em et Preah Chumnygn Avuth Kam pour porter une lettre au Roi de l’Est. L’ambassade quitta la capitale Pichay Norkor par voie fluviale. Elle remontait le Mékong à destination Kompong Siem. Arrivé au niveau de Peam Chi Kang, le convoi des légats fut attaqué par la patrouille fluviale de l’armée de l’Est. Au cours de l’assaut surpris, le chef de la délégation Keo fit tomber le tube en or dans l’eau, dans laquelle, il y avait la lettre de Kan. Les membres de l’ambassade furent capturés et amenés au quartier général de Preah Chaneachea. Ayant appris que ses soldats avaient attaqué le convoi de l’ambassade, celui-ci ordonna à ses officiers de punir immédiatement tous ces saillants de 24 coups de fouets au dos, parce que leur attaque était une transgression à loi de la diplomatie. Ensuite, il accorda une audience royale aux membres de la délégation de Kan. À genou devant Preah Chanreachea perché à un mètre de la terre sur son lit royal, l’ambassadeur Keo informa l’Auguste Roi que la lettre de son roi était tombé dans le fleuve pendant l’assaut des soldats, mais il connaissait une grande partie du contenu de cette missive. Sans perte le temps, Chanreachea dit à Keo de lui informer les intentions de Kan. Keo lui dit à haute voix la proposition de son Roi. Ayant entendu ce projet, Chanreachea assena une réplique à ces idées malfaisantes : « Le Kampuchéa est le pays de mes ancêtres. Je suis donc l’héritier légitime de leur trône. L’unité du pays est une pierre angulaire de mon action. Est ce que trouves-tu normal qu’il ose me proposer cette solution ? Ma réponse est non. Tu diras à Kan, s’il voulait prolonger la trêve au-delà de la saison de culture du riz, il n’ait qu’à retirer ses troupes du territoire de l’Est, mais une des deux parties réserve le droit de rompre la trêve à n’importe quel moment ». Glacial il conclut : « De toute façon, AKan n’est qu’un voleur éhonté, il ne mérite pas d’être, ni un ami, ni un membre de ma famille. Il faut AKan sache que tout ce qui est possible pour lui est impossible pour moi ». 

 Retourné à Pichay Norkor, Keo informa son roi tous les propos de Preah Chanreachea. Ayant entendu ces insultes, Kan s’en indigna. Pour reprocher à son ambassadeur de ne pas répondre cette injure, il fit une circonlocution dont il usait quand il était découragé : « Bien sûr que tu n’as pas eu droit d’en conteste en tant qu’ambassadeur d’un Royaume le plus civilisé de la région. Ton comportement est irrépressible ».

 Après quoi, Kan ordonna à ses généraux d’évacuer tous ses troupes du territoire de l’Est. Il renforça deux bases militaires importantes : Preak Pou et Mouth Khoum. Après ce retrait, Chanreachea retourna à Pursat pour se reposer après une longue campagne militaire. Quelque temps après, il ordonna au ministre de la guerre d’organiser un concours général pour recruter des meilleurs officiers de son armée. Les gagnants du concours auront des récompenses de grade d’officier dans les Armées Royales.

 En 1520, la reine donna un enfant au Roi. Ce dernier porta le nom royal Rama Thipadey. L’année suivante, 1521, la première dame, Bothom Bopha, donna aussi un fils au roi. Il porta le nom royal Borimin Reachea. Le Roi aimait éperdument ses deux enfants.



[1] (1) Cette se trouverait dans la province de Prey Veng. Elle se situerait à Bak Dav, non loin de Kompong Popil. 

[2] (2) Phkak’k : une sorte de couteau.

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19 mars 2010 5 19 /03 /mars /2010 04:52

Histoire des Rois khmers : Règne de Sdach Khan (1512-1525) : Le sacre de guerre de Preah Chanreachea.

Ayant appris la victoire de Preah Chanreache dans l’Ouest du pays, les morts de ses chefs militaires, en particulier Ponhea Koe et la blessure de son oncle Kao, Preah Srey Chetha (Sdach Khan) s’en fut ému et laissa couler des larmes. Quelques jours plus tard, il ordonna à son ministre des armées de terre d’envoyer une brigade à l’Est du pays pour lever une armée de 120 000 hommes pour faire face à des éventualités d’offensives d’ennemis. Il envoya secrètement un messager porteur d’une lettre au général Outhey Thireach, gouverneur d’Asantouk, dans laquelle il ordonnait à ce dernier de retirer ses troupes de la province de Battambang, parce qu’il a pris d’autres dispositions, et lui demande d’attendre sa nouvelle décision. Rappelons-nous bien que ce gouverneur avait reçu l’ordre de Chao Fa Keo de partir à Battambang avec 50 000 homme pour barrer la voie de retraite de Preah Chanreachea. Sdach Kân prenait Phnom-Penh comme base de rassemblement de toutes les unités de son armée, battues dans l’Ouest, dispersées çà et là. Deux gouverneurs, Khoy de la province de Samrong Torg et Vongsar Anouchit Yours de la province Bati, amenaient 190 000 hommes à Phnom-Penh. Pour lancer des offensives pour récupérer les territoires perdus, Sdach Khân consacra ses jours et ses nuits à étudier son plan d’attaque. Il répartit ses forces en deux corps d’armée :

Premier corps d’armée :

- Une division d’avant-garde de 10 000 hommes, commandée par général Yaum Reach ;

- Une division d’aile gauche de 10 000 hommes, commandée par Ponhea Vongsar Akakreach Srey ;      

- Une division d’aile droite de 10 000 hommes, commandée par Ponhea Pisnouk Lauk Tep, gouverneur de Trang ;

- Une division d’arrière-garde de 10 000 hommes, commandée par Chao Ponhea Akthikak Vongsar Veth, gouverneur de Bassac.   

Ces quatre divisions étaient placées sous le commandement de son oncle maternel, nommé So. So portait le titre Chao Ponhea Chakrey Thipdey Kochak (Kochak = Supérieur), il était ministre des armées de terre.

Deuxième corps d’armée :

Sdach Khân confia les commandements à ses quatre neveux maternels :

- Une division d’avant-garde de 20 000 hommes, commandée Okloung So (Okloung = Chef des esclaves) ;

- Une division d’aile gauche de 15 000 hommes, commandée par Okloung Nêu ;

- Une division d’aile droite de 15 000 hommes, commandée par Okloung Tep ;

- Une division d’arrière-garde de 15 000 hommes, commandée par Okloung Moyn.

- Lui-même conservant le commandement du centre dont l’effectif était de 30 000 hommes.

Tous les gouverneurs étaient nommés Balath ou Yo Kbath de l’armée en fonction de leurs compétences dans les domaines militaires (Balath = Assistant ; Yo Kbath = intendant). Quinze brigades mobiles étaient confiées aux gouverneurs de province. Chaque brigade était reconnue par la couleur de son étendard. Elles avaient pour mission de surveillance du territoire.

Sdach Khân avait deux montures de guerre, réputées d’invincibles et de rapide : Un éléphant magnifique de dix bras de hauteur, avec deux grandes défenses, surnommé « Preah Korchethchakyavuth », et un cheval magnifique de trois bras et quatre doigts de hauteur (trois hath et quatre tnap), de couleur noire (Si Sain ?), surnommé « Saing Raingsey ». Ce cheval était capable de galoper, sans arrêt, une distance de 2 050 Send (un send = 30 mètres), c’est-à-dire 61 km. Il nageait avec une vitesse de poisson.

Une fois la préparation militaire fut terminée, Sdach Khân ordonna à son armée de marcher à la rencontre des ennemis. Il fit établir un retranchement et installer un camp fortifié à côté du marché Oudong. Puis, il ordonna au général Preap de conduire une armée de 45 000 hommes pour attaquer la citadelle de Longveak. Le gouverneur de Longveak sortait du fort avec ses troupes pour assaillir directement les troupes d’avant-garde de Preap. Ayant appris cette nouvelle, Samdech Chanreachea chargea un cavalier de porter un message confidentiel au gouverneur de Longveak auquel il donna des instructions suivantes : Vous faites semblant de battre en retraite vers nord. Là-bas, je me poste en embuscade avec mes hommes pour frapper par surprise les ennemis qui vous poursuivent. Samdech Chanreachea à la tête de son armée de 45 000 hommes, quitta sa fortification, et il s ‘approcha avec son armée de Longveak. Ayant lu l’ordre de son prince, ce gouverneur fit battre les tambours selon le plan arrêté. Les chefs d’unités ordonnèrent à leurs hommes de se replier vers le nord. Sdach Khân fut informé de cette évacuation, il ordonna immédiatement à son général de poursuivre les ennemies pour les anéantir. La poursuite durait toute la journée. Samdech Chanreachea laissa pénétrer les troupes d’ennemis dans son terrain de chasse. Après quoi, il frappa les ennemis par arrière. Paniqués par ces assauts de partout, les soldats de Preap abandonnèrent leurs rangs et s’enfuirent dans toutes les directions. Ils furent bientôt à tel point décimés qu’environ 3 000 cadavres couvraient de toutes parts le champ de bataille. Le général Preap et vingt de ses officiers supérieurs ont été capturés. Ils furent amenés, les mains liées, au quartier général de Chanreachea. Celui-ci ordonna à ses soldats de décapiter du général Preap et ses dix officiers. Il fit couper les oreilles les dix autres officiers en leur laissant la vie sauve pour qu’ils portaient les têtes de leur chef et de leurs camarades pour offrir à Khân. Chanreachea fit venir les dix malheureux auxquels il dit : « Vous dites à Khân que nous sommes en saison de culture de riz, il faut mieux faire une trêve, afin que la population puisse cultiver le riz. Mais ceci est une simple suggestion, si A Khan croit qu’il puisse me vaincre avec la supériorité de ses effectifs militaires, il pourra continuer la guerre. Je le vaincrai, parce que c’est la volonté du Bouddha ».

Aussitôt rentrés au campement, les dix survivants allèrent voir Khân et lui montrer les têtes coupées et dirent le message de Chanreachea. Ayant vu les têtes de ses officiers de confiance, Khân ne fut pas maître de son émotion et perdit quelques instants de connaissance. Quand il revint à lui, il dit ceci aux membres de sa cour : « Chanreachea bénéficie pour l’instant du prestige de la race de sa famille, mais lui-même n’est pas un grand prince. Il ne faut pas donc avoir peur de lui. Aujourd’hui, ce prince me demande de faire une trêve pour laisser la population de cultiver le riz. Ce n’est pas mal comme idée. Je l’accepte ». Après quoi, il fit écrire une lettre à adversaire. Il envoya une ambassade pour porter cette lettre et des présents pour offrir au prince. Celui-ci reçut l’ambassadeur de Khân avec soin. Dans la salle d’audience, il chargea son secrétaire de lire la lettre à haute voix pour que ses dignitaires puissent l’entendre. Voici les termes de cette missive :

Lettre de Samdech Prean Srey Chetha reach Rama Thipdey , roi du Kampuchéa au frère cadet, Samdech Chao Ponhea Chanreachea,

Puisque vous revenez au pays pour m’imposer une guerre, j’en suis ravi, mon cher frère cadet, car cette guerre m’offre un spectacle de scènes de bataille : les combats des hommes et des bêtes. En effet, nous sommes proche de la saison de pluies, il est normal d’y penser, car il est important pour le bien-être de la population. Dans ce cas, il nous reste de nous nous mettre d’accord pour faire une trêve pendant la saison de culture du riz. Après la moisson, nous continuerons notre guerre à une date fixée par nos deux parties.

Dès que la lecture eut été terminée, Samdech Chanreachea se mit en colère et dit à l’ambassadeur de Khân ceci : « Tu diras ceci à Khân qu’il ne m’appelle plus « frère cadet, parce que, je ne suis pas de sa famille, et je suis de race royale, quant à lui, il appartient à la race des esclaves. Nous vivons donc dans deux mondes différents ».

Après quoi, il donna une pièce d’or d’une balance siamoise et quelques pièces d’argent de deux balances siamoises (unité de pesage utilisée au Siam de l’époque) pour récompenser de ses services.

L’ambassadeur de Khân prit congé du prince respectueusement et rentra chez lui.  Après son départ, les ministres et les généraux demandèrent au prince que cette trêve pour laquelle, il accepte, en quoi était-elle donc nécessaire ?. Pour eux cette trêve est improductive. Elle arrête l'envol des troupes qui sont aujourd’hui en position de gagnant dans tous les fronts. Elle permettra au Sdach Khân de revoir ses stratégies et de lever une nouvelle armée dans les régions du Nord et du Sud dont une capacité des gens en âge d’incorporation dans l’armée pourrait atteindre à un million d’hommes. En revanche, les provinces conquises, Moha Norkor, (Siemreap actuel), Battambang et dizaine de petites provinces ont peu de la population, par exemple dans la province de Battambang, le nombre était à peine cinq milles d’habitants, parce que les Siamois, après leurs victoires successives, avaient enlevé presque la totalité de la population de cette province pour l’amener au Siam. Nous n’avons plus de réserve en cas de besoin de lever une armée supplémentaire contre Sdach Khân. Pourquoi ne pas profiter de cette conjoncture favorable à nous en ce moment pour continuer la guerre contre nos ennemis ?.

Samdech Chanreachea répondit aux inquiétudes de ses dignitaires ceci : Ma décision est fondée sur sept points. Vous le savez que la cour de Khân compte encore de trop nombreux avantages sur nous pour que je puisse tenter prématurément une action aussi grave, ni mettre les choses en branle à la légèreté. Non, je pense d’abord nous avons besoin cette trêve. Il faut saisir cette occasion pour consolider notre armée :

1. Rappelez-vous cet adage « On cultive le riz avec de l’eau, on fait la guerre avec du riz ». Si la population ne pouvait pas cultiver le riz, il aura la famine, et s’il y avait la famine, il est évident que notre armée va subir la conséquence.         

2. Certes, le territoire sous notre contrôle est vide de population, mais il constitue une base idéale et stable pour notre armée. Avec le temps, la population, dans les zones contrôlées par A Khân, sache que je reviens au pays et comme vous le savez je représente la royauté légitime. Il faut nous donner le temps au temps pour que cela s’ébruiter dans tout le territoire ennemi. Notre précipitation risquerait de provoquer le mécontent de la population.     

3. Le gouverneur de la province Asantouk, Chao Ponhea Ouktey Prag, est un grand général et un grand stratège, qui contrôle un vaste territoire. Il aurait toute la capacité et possibilité de nous attaquer et de nous encercler. Cette trêve lui empêche d’y faire.  

4. Khân possède d’aujourd’hui tous les objets de sacre royal. Aux yeux de ses soldats, il est un monarque des Khmers. Il rayonne avec le parasol royal au milieu de ses troupes. Quant à moi, je n’ai rien pour prouver à la population que je suis un héritier légitime du trône du Kampuchéa. J’ai besoin un peu de temps pour me faire une place dans le cœur de la population.                     

5. Aujourd’hui, je ne peux plus revenir sur ma décision, parce que j’ai déjà donné mes paroles à Khân. Sinon, la population pourra me traiter de menteur.

6. Nous avons aujourd’hui des bons soldats, mais ils manquent encore une assurance sur le champ de bataille, non pas, parce qu’ils ne soient pas courageux, mais parce qu’ils manquent les instructions militaires. Profitant de cette trêve pour entraîner nos soldats.                     

7. Je possède sans doute le titre de l’héritier légitime du trône, mais Khân règne dans ce pays depuis déjà longtemps. Il dispose en maître absolu des ressources et de l’autorité du Royaume pour m’opposer.

Mes chers amis, ces sept points constituent la fondation de ma décision d’aujourd’hui. Ayant entendu ces explications, les ministres et les généraux dirent à leur prince : « Samdech, vous avez des vues d’une élévation admirable ! ». Quand Samdech Chanreachea voyait que ses hommes faisaient confiance à sa stratégie, il en était content. Il confia la défense de la citadelle de rivière Kraing Ponley au général Tep, fils de Ta Moeung. Par cette fonction, il devait aussi superviser les gouverneurs de Rolir Spirk et Longveak.  Après quoi,  Samdech Chanreachea prit le chemin du retour vers Baribor.

Parlons maintenant du grand gouverneur d’Asantouk, Chao Ponhea Ouktey Prag. Ce gouverneur possédait un pouvoir de vice-roi. Il contrôlait vingt cinq Meung : Chi Kreng, Staung, Prom Tep, Prey Kdey, Krarkos, Kompong Svay, Kompong Hav, Prasat Dab, Kok Kè, Svay Rolirk, Kauk Sès, Sen, Kampoul Pich, Purthi Raung, Tralek Keig, Gnoun, Cheu Tirl, Sra Guer, Sar Norkor, Sra Yeuv, Mlou Prey, Prey Kdey, Siem Bauk, Preah Prasap.

Ayant appris le départ de Samdech Chanreachea de Longveak, il mobilisa son infanterie et sa cavalerie de 80 000 hommes pour placer ses troupes en travers du chemin de retour de Chanreachea à mi-route, et de l’attaquer. Il puit ainsi avoir une chance de le capturer. Prag était sans doute un chef téméraire, mais il manquait la fermeté et d’esprit de décision. Capable de se lancer par coup de tête dans des affaires de l’Etat, il se montrait incapable de travail en équipe. C’est ainsi, il ne tenait pas compte la trêve.

Chanreachea fut informé immédiatement du mouvement d’ennemis : Une unité du général Prag était en train de traverser le fleuve et fit mouvement par bateaux vers la province de Krakor pour barrer son chemin. À peine eut-il appris cette nouvelle, il se plongea dans ses réflexions afin d’essayer de trouver un moyen praticable pour faire échouer les intentions de Prag. Pour Chanreachea, c’est dans l’eau, il faut qu’il gagne cette bataille. Après quoi, il ordonna à Chao Ponhea Yous Reachea, commandant du fort de Pursat, d’envoyer 10 000 hommes à Kompong Day Tonlé Sap se poster en embuscade pour empêcher les ennemis de débarquer à Krakor. A peine l’ordre reçu, Chao Ponhea Yous Reachea quitta le fort, accompagné du colonel Peou. Une fois parvenu sur les lieux, il chercha un endroit idéal pour placer ses canons et ses hommes tout au long de la berge. Au même moment, Chanreachea ordonna au général de l’armée de l’eau Pich à partir, avec sa division de 20 000 hommes, à l’Est de la bouche de Tonlé sap pour attaque les ennemis par arrière. Après quoi, avec vingt cinq barques et plus de deux mille soldats de l’eau, Samdech Chanreachea monta à bord de sa barque de Saray Andète (algues flottantes), il quitta son campement pour s’établir tout près de la bouche de Tonlé Sap. Le lendemain matin, la patrouille fluviale signalait l’arrivée des bateaux d’ennemis. Le Colonel Peou, adjoint de Ponhea Yous Reachea, ordonna aux chefs des canons et les unités d’armes à feu de tirer sur les ennemis. Surpris par ces tires, le général Prag ordonna à ses troupes de se replier, mais le général Pich était plus rapide que ce dernier, il ordonna à ses troupes de sortir de leurs cachettes pour attaquer la retraite d’ennemis. Le bateau de Prag était immédiatement encerclé par les pirogues d’assaut des soldats de Pich. Prag et les membres son Etat-Major furent capturés. Onze autres chefs militaires arrivèrent à débarquer à l’Ouest du fleuve, mais ils étaient aussi capturés par les hommes de Pich qui les attendaient à la berge. L’armée vaincue s’enfuit à toutes jambes, mais Chanreachea arrivait à la tête de ses troupes à la rescousse. Le combat ne dura pas même une heure, les 22 gouverneurs et leurs 60 000 hommes demandèrent la reddition sans condition. Chanreachea accepta cette demande et garda le général Prag à la tête de son armée. Dans cette bataille, il y avait environ trois mille soldats de Prag qui étaient morts de noyade.

Faute de trouver un Brahmane pour assurer la cérémonie de « jure de fidélité » selon la tradition khmère, Chanreachea demanda aux transfuges de prononcer en criant après lui trois fois la formule de jure. Après quoi, il ordonna au Général Prag d’attaquer les trois provinces, Kompong Siem, Cheug Prey et Steug Trang. Celui-ci partit exécuter les ordres de son nouveau maître avec la vitesse du cheval et la fidélité du chien.

Ayant appris l’arrivée du Général Prag, les trois gouverneurs eurent les foies, ils abandonnèrent leur préfectures pour se réfugier à la capitale de Khân. Dès qu’il eut appris la fuite de ses anciens subordonnés, il écrivit un rapport officiel à Chanreachea. Celui-ci s’en montra satisfait et conféra au Général Prag la charge de gouvernement la partie Nord de la rive Ouest du Grand Lac. Sa mission principale était de rallier les gouverneurs et rassurer les populations de cette région. Prag et ses vingt et un gouverneurs remercièrent leur nouveau souverain et se retirèrent dans leur province respective. Arrivé dans sa province Asantouk, Chao Ponhea Ouktey Thirech Prag créait des brigades mobiles de propagandes. Chaque brigade était dirigé par un commissaire politique qui possédait deux qualités : un intellectuel connu et un homme éloquent de réputation. Ces hommes auraient été des anciens bonzes. En un peu de temps, ces chefs de brigades arrivaient à convaincre par voie pacifique plusieurs chefs des Meug (district) de la partie Est de la région Ouest : Moha Norkor, Sotnikum, Pourk, Kralaig, Chong Kal, etc.

Faisons un retour dans le passé : Après la victoire de Sdach Kkân sur son beau-frère, le roi Sokhun Bat à Basane, puis à Phnom-Penh, il y avait eu beaucoup des membres de la famille royale et les bonzes supérieurs et les Grands Brahmanes, fidèles à la monarchie, s’enfuirent de ces deux grandes villes pour se cacher dans la forêt. Ayant appris le retour de Samdech Chanreachea et sa victoire dans l’Ouest du pays, ils sortirent de leurs cachettes pour rejoindre ce dernier. Avant d’aller voir Samdech Chanreachea, ils se réunissaient dans le fort de l’armée pour discuter de l’avenir statutaire de Chanreachea. Voici ce qu’ils dirent :

Preah Chanreachea est un prince royal, fils du roi Thomme Reachea, il est intelligent, fort et se batte aujourd’hui pour restaurer la monarchie légitime du pays. Il est sans aucun doute destiner à devenir roi. Il a un éléphant magnifique de sept bras de hauteur. Cet éléphant a l’intelligence de l’homme. Il manipule les armes de guerre avec sa trompe et utilise ses quatre pieds pour esquiver les attaques des ennemis humains. Il sait guérir les maladies en aspergeant  l’eau bénite par sa trompe sur les malades. Si la pluie n’est pas au rendez-vous pendant la saison de pluies, il sait faire venir la pluie. Il fait savoir aux soldats qu’ils aillent gagner ou perdre la bataille par le son de son cri. Entre outre, Preah Chanreacha a aussi une barque, surnommée « Algues flottantes ». Cette barque possède plusieurs qualités : Elle est rapide sur l’eau comme le vent dans l’air. Phnom-Penh à Moha Norkor, elle fait en trois à quatre jours. La barque normale doit faire au moins dix à quinze jours. A chaque fois qu’on veut sortir la barque de son hangar, on doit jouer la musique classique (pinpeath) pour accompagner cette manœuvre. On offre tous le jours une offrande de 125 œufs de poulet au génie protecteur de cette barque. Au moment où on met la barque à l’eau, on doit vérifier le nombre d’œufs dans le panier,  si le nombre est au complet, on sait qu’on a besoin seulement 16 personnes pour la ramener au fleuve, parce qu’elle devient légère, et un bon présage pour les rameurs, dont le nombre est aussi 125. Si au contraire, il manque d’œufs dans le panier d’offrande, on dirait que le roi va avoir des ennuis.

Quand les dignitaires de l’ancien régime avaient rencontré Preah Chanreachea, ils lui demandaient sans ambages qu’il doive se sacrer roi. Ayant entendu cela, celui-ci, réticent, leur répondit ceci : « je crains bien que cette suggestion ne soit pas très convenable en ce moment de guerre». Mais, ils lui répliquaient qu’il est possible dans la tradition khmère de faire monter sur le trône un chef militaire en guerre par une cérémonie dite « Sangkramaphisêk » (sacre de guerre), une étape provisoire pour donner toutes les prérogatives de souverain à un chef de guerre, puis après sa victoire, un autre sacre, appelé « Prapdâphisêk », c’est-à-dire un homme qui devient roi de par ses victoires militaires. Après quoi, Samdech Chanreachea en accepta, parce que ce sacre enfin de compte lui permettra de montrer sa puissance royale et divine face à la cour de Khân..

On était alors dans le 9e jour du mois de (février/mars), année du rat, 1516, Samdech Chao Ponhea Chanreachea monta sur le trône du Kampuchéa. Il porta le titre Preah Borom Reachea Chanreachea Krauk Krong Kampuchéa Thipadey (Souverain provisoire). Après la cérémonie, il conféra aux dignitaires religieux, civils et militaires les titres et les charges de l’Etat en fonction de leurs mérites :    

Les dignitaires religieux :

1. Vénérable Chef de pagode Sours, était nommé au fonction de Chef religieux, ayant le titre Samdech Preah Sokunthir Thipday Sérey Saurthor ;

2. Vénérable Chef de pagode Srey, était nommé Samdech Mongkol Tepirchar ;

3. Vénérable Chef de pagode Som, était nommé Samdech Preah Thomlikheth ;

4. Vénérable Chef de pagode Loys, était nommé Samdech Porthivong ;

5. Vénérable Chef de pagode Toun au titre de de Samdech Vorakvong ;

6.Vénérable Chef de pagode Som, était nommé Samdech Preah Moha Promony ;

7.Vénérable Chef de pagode Chhay, était nommé Samdech Moha Vimolthomma. 

Ces vénérables avaient même rang protocolaire des ministres : Kralahom, Yaumreach, Veing, Chakrey, Moha Montrey, Moha Tep.

Les fonctionnaires :

Le roi Chanreachea fit la réforme de la fonction publique. Il créa six échelons d’hiérarchie :

- Lhoung, fonctionnaire ayant le grade de cinq Houpaung ; 

- Khoun, fonctionnaire ayant le grade de quatre Houpaung ;

- Meun, fonctionnaire ayant le grade de trois Houpaung ;

- Ouk Meun, fonctionnaire ayant le grade de deux Houpaung ;

- Chak Meun, fonctionnaire ayant le grade d’un Houpaung.

- Niy, fonctionnaire subalterne.

Jadis tous les gouverneurs de provinces, ayant le grade de dix à neuf Houpaung, portaient le titre Samdech Chao Ponhea. Ceux qui avaient le grade de huit Houpoung, portaient le titre de Ponhea. Dans la nouvelle réforme, les quatre grands gouverneurs ou Sdach Kraig (vice-roi), portaient le titre Okgna. Les gouverneurs, ayant le grade de neuf à dix Houpoung, portaient le titre Chao Ponhea, et ceux qui avaient le grade de huit à sept Houpoung, portaient le titre Ponhea. Tous les dignitaires du palais portaient le titre SénaPadey.

Les membres du gouvernement :

1. Preah Tip Chirchay Tep, était nommé Samdech Chao Fa Tolahak (Premier ministre) ;

2. Lhoung Séna Nourak Prom, était nommé Okgna Yaumreach (Ministre de la justice) ;

3. Lhoung Vichet, était nommé Okgna Kralahom (Ministre des armées de la marine et de l’eau) ;

4. Lhoung Odam Chenda Srey, était nommé Okgna Vaing (Ministre du Palais royal) ;

5. Lhoung Pheakdey Nourak Keo, était nommé Okgna Chakrey (Ministre des armées de terre).

Le cabinet du roi était composé de cinquante fonctionnaires. Son neveu, Chao Ponhea Yous Reachea, était nommé Chao Ponhea Reachea.

Les officiers généraux :

Les membres de sa famille maternelle :

1. Khoun Snéha nourak Keo, était nommé Okgna Vongsar Akreach ;

2. Meun Vichith Sathiros Sam, était nommé Okgna Vibol Reach ;

3. Meun Pharkdey nourak Tep, était nommé Okgna Thomma Thireach ;

4. Meun Visès Hathey Kao, était nommé Okgna Reach Dekchak.

Les autres militaires :

1. Chao Ponhea Séna Roeung Rithy Tey, était nommé Samdech Chetha Montrey ;

2. Chao Ponhea Chumrong Snéha Sin, était nommé Okgna Ekreach ;

3. Chao Ponhea Sénavuth Soun, était nommé Okgna Bâratès Reach ;

4. Chao Ponhea Séna Samsak Nou, était nommé Okgna Sreysou Tipvaing ;

5. Chao Ponhea Samdeng Avuth Mo, était nommé Okgna Norinthir Thipdey.

Les deux fils de Ta Moeung n’étaient pas oubliés. Le troisième fils était nommé Chao Ponhea Sangkriem, quant au quatrième fils, Sok, était nommé Okgna SoukirLauk. Ces deux fils supervisaient chacun plusieurs provinces. Le gouverneur de Battambang passait de grade de six Houpoung à neuf Houpoung. Il supervisait quatre districts : Monkol Borey, Teuk Chor, Bor Thaung, Peam Seyma et Maung Reusey.

Enfin, il faisait appel à tous les intellectuels du Royaume de lui rejoindre pour lui aider à bâtir un nouveau Kampuchéa. Cet appel était entendu dans tout le pays. Il inspirait le respect à toute la population et sa réputation s’accroîtrait de jour en jour. Il savait que le peuple attende de lui trois choses : L’ordre, le riz et la paix.   



La province de Siemreap était appelée Moha Norkor. Le Roi Ponhea Yat (1385-1427) a changé ce nom en Siemreap, après sa victoire contre les Siamois. Siemreap signifie « les siamois sont écrasés ».

Province d’Asantouk : Asantouk  est composé de deux mots : Asan (danger) et Touk (tristesse). On donnait ce nom à cette province, parce que dans la légende « Ponhea Krek ou Ponhea Krarchhoug» (Prince Krek). Ce prince ordonna ses soldats à de poursuivre la fuite d’un autre prince, nommé Basey Chamkrong, pour le tuer.  Arrivé à un lieu (Asantouk), la fugitive était en danger et triste. Ainsi, la population donnait le nom à cet endroit « Asantouk » (Danger et tristesse).  Aujourd’hui on appelle cet endroit « Santouk » (un district de la province de Kompong Thom). Jadis Asantouk était une grande province qui contrôle plusieurs autres petites provinces, appelées Meung (Srok ou district). Beaucoup de noms de Meung n’existe plus aujourd’hui, mais d’autres subsistent encore, mais sous un autre nom, par exemple : Koh Sès (Baray).         

Les endroits où les trois mille soldats du Général Prag étaient noyés sont appelés « Kompong Loung » de la province de Krakor. « Kompong Sdach Bâch » de la province Baribor. Le nom « Kompong Sdach Bâch » est appelé aujourd’hui « Kompong Ronthès Bâch ».   

Houpaung (Kbalpoung) : un fonctionnaire qui commande d’un millier de personnes.

Sdach Kraig, (vice-roi ou Grand Gouverneur). Montrey Knang Pous (les gouverneurs de province).

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11 mars 2010 4 11 /03 /mars /2010 08:52

Le Cambodge : La colonisation française et les hommes de la liberté

 

Le 11 août 1863, le Royaume du Cambodge signe avec la France un traité de protectorat. Le 17 juin 1864, ce traité est ratifié par le roi, Norodom, fils aîné du Roi Ang Doung (1845-1860).   C’est Ang Duong, qu’en a fait une demande à la France impériale, puis républicaine, déjà présente au Vietnam. Par ce traité, le Cambodge perd une souveraineté extérieure et gagne en contrepartie assistance de la France dans le maintien de l’ordre intérieur et face aux agressions externes. Il faut noter que la désignation Norodom (1860-1904) comme héritier du trône a été contesté par ses deux demi-frères, Sisowath et Si Votha. Si Votha mène une révolte armée contre Norodom, avec l’appui de quelques grands dignitaires, qui oblige ce dernier à se réfugier à Bangkok (1861). Réinstallé par le roi du Siam, Mongkut, il est désormais dépendant de la cour de Bangkok. Le prince Si Votha se retire dans le Nord-Est du pays et continue de contester la légitimité de son frère jusqu’à sa mort en 1891.

 

Quelques années plus tard, la cour de Norodom est secouée par deux révoltes populaires, Achar Sua (1864-1866) et Poukombo (1866-1867). Elles sont vite réprimées par l’armée royale avec l’aide de la France. Cette année-là, le Roi Norodom abandonne, sur le conseil des français, sa capitale d’Oudong pour la ville « Quatre-Faces » (Krong Chatomouk), Phnom-Penh, accessible par le Mékong en toutes saisons aux bateaux de mer. Il faut bien comprendre que les Français fixent toujours les yeux sur le Mékong et vers l’amont de celui-ci, c’est-à-dire la bouché vers la Chine. Au point que, en 1867, au terme de négociations depuis 1865, la France cède au Siam, malgré les protestations du roi Norodom, les provinces les plus riches du Royaume : Battambang et de Siem Reap. Il faut attendre jusqu’en 1907, pour que le Siam accepte, sous la pression française, en échange de quelques territoires khmers, de restituer ces provinces au Royaume du Cambodge.          

 

À la longue, les protecteurs se comportent comme maître du pays. Le Cambodge protégé se transforme en un pays de colonie de la France. Celle-ci impose au Roi Norodom par une convention du 15 juillet 1884, appelée convention « Thomson » (nom du gouverneur de Cochinchine) de lui accorder une totale liberté d’action réformatrice du Royaume et de mettre fin des pouvoirs traditionnels du roi. Le 17 octobre 1887, la France intègre le Cambodge dans l’Union indochinoise, composée de l’Annam, du Tonkin (côté vietnamien), la Cochinchine (côté cambodgien) et le Laos. Le 11 juillet 1897, la France exige du roi de signer une ordonnance royale portant réorganisation des institutions gouvernementales du pays. Ces trois traités complémentaires font perdre le Cambodge son autonomie politique, c’est-à-dire son indépendance nationale. Après la mort du roi Norodom, son frère Sisowath prend sa succession. Il règne dans un Cambodge soumis totalement aux autorités coloniales jusqu'à sa mort en 1927. Son fils aîné, Sisowath Monivong, lui succède. Le roi Monivong meurt en 1941, sous pression française, son fils aîné Sisowath Monireth est écarté au profit d’un petit fils, Norodom Sihanouk.

 

Les orientalistes écrivent que la perte de l’indépendance du Cambodge s’inscrit dans le cadre général de la politique d’impérialisme colonial des grands puissants de l’époque. On disait toujours que la Thaïlande pouvait sauvegarder son indépendance, c’est dû à la rivalité coloniale Franco-Anglaise. Les Khmers voudraient bien accepter cette fatalité circonstancielle, mais ils ont quand même le droit de poser aujourd’hui la question : Est-ce que, la France avait vraiment défendu les intérêts Khmers, conformément au traité du protectorat ? Ils aiment dire entre eux ceci : « La protection assurée par ce qui n’est pas protecteur, mais maître, cette protection-là n’est pas la protection ».

 

Pendant quatre-vingt-dix ans, le Cambodge a été anesthésié par le Protectorat français. Cet état, ne permettait pas à la société khmère de régénérer dans son sein un esprit nationaliste. De cette période, la faiblesse des mouvements nationalistes était frappante. Celle-ci offre une passivité qui semble répondre à l’idéal colonial. Nous savons que la détresse d’un peuple n’est pas la pauvreté de son pays, mais sa passivité ou l’impossibilité d’utiliser ses capacités. Ainsi les nationalistes qui vivent sous le régime colonialiste ou totalitaire ne peuvent échapper à cette détresse. Accepter avec sérénité tout ce qui nous arrive en ce bas monde, comme l’unique sagesse et la vertu suprême de l’homme, est-il acceptable pour un peuple bouddhique Khmer ?      

 

Le berceau des hommes de la liberté

 

Par tout à fait, car la révolte, au mois de janvier 1885, sous l’impulsion de Si Votha qui réanimait les maquis implantés dans le Nord-Est, avec l’aide bien sûr du roi Siamois, dont le ton est antifrançais, faisait réfléchir l’arrogante des autorités coloniales. Elles sont obligées de faire d’importantes concessions de leurs réformes qui touchent directement à la tradition millénaire khmère, pour ramener la paix au pays. Dans cette insurrection violente que les Français étaient incapables de faire taire par les armes pendant un an et demi était une démonstration du nationalisme khmer contre l’étranger. Le propre khmer, c’est-à-dire la tradition, repoussait sans ménagement l’esprit d’étranger. À partir de cet avertissement, les Français étaient aussi obligés de ménager les susceptibilités nationales khmères. Cette idée est nouvelle pour les colonisateurs depuis le traité de 1863, comme dit Alain Forest dans son livre « Le Cambodge et la colonisation française », parce qu’elle a mis en échec non seulement les réformes, momentanément, mais aussi, durablement, les volontés des Français d’annexion le Cambodge dans la Cochinchine française, dont les Vietnamiens sont du plus puissant par le nombre.

 

Cinquante et un ans plus tard, c’est-à-dire en 1936, il y a une nouvelle lueur d’espoir qui venait réchauffer le cœur des intellectuels. Une sorte d’exaltation calme, mais une menace pour l’autorité coloniale. Ces hommes ont lu et entendu parler des faits politiques extérieurs ailleurs. Trois exemples qui leur poussaient à réfléchir et ensuite à réagir :

 

1. L’instauration de la première République en chine en 1912. Une nouvelle forme d’expression de l’indépendance nationale et de la liberté pour le peuple chinois. Au Cambodge, on commence timidement à parler dans les milieux Chinois, les trois principes du Docteur Sun-Yat-Sen, le fondateur de la République en chine : Le nationalisme, la démocratie et le socialisme. Sun-Yay-Sen a prononcé le 6 mars 1927 à la réunion du Comité Exécutif du Kuo-Min-Tang à Canton son discours pour réactiver ses trois principes du peuple : « Les principes du Président Lincoln sont les miens : Un gouvernement du peuple, élu par le peuple, pour le peuple ». « Au cours de la Grande guerre, le Président Wilson a lancé le mot d’ordre : les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. Notre socialisme ne signifie pas autre chose ».

 

Nous pouvons résumons ici quelques lignes des trois principes du Docteur Sun-Yat-Sen :

 

Le nationalisme : Il nous faut restaurer le prestige chinois, unifier les races vivant en Chine pour faire un peuple, un État National chinois.

 

La démocratie : Pour réaliser, il faut tout d’abord adopter les quatres formes des droits électoraux directs : suffrage universel, référendum, droit d’initiative et de révocation.

 

- Le Socialisme : Première tâche est de distribuer équitablement la terre. Réduire les inégalités entre le riche et le pauvre. Moderniser les moyens de production agricole. Encourager le développement des industries chinoises. En un mot, il faut développer l’économie chinoise en évitant de commettre les erreurs commises par les grands puissants économiques dans le temps passé.

 

2. Dès les années 1870, le Japon, un pays asiatique, connaît un processus de croissance et de développement : L’industrialisation du Japon va de pair avec le développement agricole. Celui-ci se caractérise par la rupture d’avec le régime féodal et l’ouverture du pays au monde extérieur. Ce développement est vu par les autres pays asiatiques comme un d’espoir. Si les Japonais, peuple asiatique, savent le faire, pourquoi par nous. De plus, la victoire navale des Japonais contre l’Empire Russe en 1905 confirme l’essor du Japon. Elle est vue comme une fierté asiatique.

 

3. La lutte des lettrés vietnamiens en 1900 et 1910 contre les Français pour l’indépendance de leur pays. Plus tard, en 1926, Bui Quan Chieu, chefs des modérés, présentera les revendications de son parti au nom des « droits de l’indigène ». Ce « cahier » comporte huits points :

 

  1. Amnistie générale pour les détenus politiques.
  2. Egalité des droits entre Vietnamiens et Français d’Indochine.
  3. Liberté de presse et liberté d’opinion.
  4. Liberté d’association et liberté de réunion.
  5. Liberté de voyage dans le pays et à l’étranger.
  6. Liberté d’étudier, ouvertures d’écoles techniques et professionnelles.
  7. Remplacement du régime des décrets par celui des lois.
  8. Installation d’une délégation vietnamienne près du gouvernement français pour le règlement des questions concernant les Vietnamiens.

 

Quelques mois avant la présentation de cette revendication, en juin 1925, Nguyen Ai Quoc a fondé un mouvement avec six autres hommes, le Viet Nam Thanh nien cach mang dong chi hoi, en abrégé Thanh nien, premier noyau du futur parti communiste vietnamien. En même temps Quoc crée un hebdomadaire clandestin. Dans le journal, il fait appel à l’esprit d’indépendance et aux sentiments nationalistes caractéristiques du tempérament annamite. Cinq ans plus tard, en 1930, est le née le parti communiste vietnamien. Le 18 février 1930, Nguyen Ai Quoc et les dirigeants du Parti, publient un Programme d’action « minimum », exposant en dix points les objectifs immédiats de la révolution vietnamienne dont la conquête complète de l’indépendance d’Indochine fait partie.

 

Nous sommes en 1936, au Cambodge, il y avait un poignet d’hommes que je les appelle les « hommes de la liberté » qui appariaient dans divers milieux, en particulier dans celui du bouddhisme et des beaux-arts : « Ils se sont rencontrés, discutent sur la situation du pays, les causes profondes de ses maux, et posent enfin sans détour, comment faire pour sortir le pays du problème du mal sous toutes ses formes ? ». Ils puisent leur intelligence réflexive pour aboutir à une décision : créer un journal pour sensibiliser l’opinion publique sur les idées de l’indépendance nationale.  Ils donnaient le nom à leur journal en Pali « Nagaravatta », c’est-à-dire Norkor Vat (le pays des pagodes).          

 

L’esprit du journal de « Norkor Vat » pendant la période de 1936 à 1942

 

Face à la misère perpétuelle du peuple khmer, les animateurs du journal ou les hommes de la liberté posent sans détour la question : quelles sont les causes profondes de la misère du peuple ? La Chine dit, c’est le féodalisme. Elle change le régime de gouvernement en proclamant la république du peuple. Le Japon ouvre la porte pour faire entrer les techniques occidentales, mais maintient toujours l’esprit japonais. Le Vietnam dit, c’est le colonialisme ; il lutte pour l’indépendance nationale et bâtit en même temps le socialisme. Le Cambodge n’est pas la Chine, il n’a pas non plus la capacité du Japon, mais il subit le même sort que son voisin, le Vietnam, ennemi depuis toujours. Le Cambodge n’a pas les moyens comme le Vietnam :

 

-Le nombre important de la population (proche de 20 millions d’habitants) qui lui permet de choisir la voie de la lutte armée contre les Français ;

-Les qualités de son peuple ;

-Le nombre important des intellectuels qui sont susceptibles d’abandonner leurs conforts personnels pour une grande cause nationale.

 

Ce constat est amer pour les hommes de la liberté, mais il représente une réalité à ne pas ignorer. Au-delà des exégèses du sens des textes des Chinois, Japonais, Vietnamiens, les principaux dirigeants du journal « Norkor Vat », Son Gnoc Thanh, Pach Chhoeun, Ieu Koeus, en tête, avaient choisi une voie originale : Rassembler toutes les forces traditionnelles du pays pour libérer le pays de la colonisation française. Ces forces sont : la monarchie, qui représente la tradition, la religion, qui représente le peuple, et le laïque, qui représente les hommes de culture. Selon le Professeur Keng Vannsak, qui a passé en France plus d’un mois en compagnie de Thanh pendant ses séjours surveillés par la police française : « Thanh ne parlait jamais de la république. Ses préoccupations majeures étaient plutôt sur les projets de libération du pays de la colonisation française. Pour Thanh, la question est moins de savoir ce que sont les intentions, moins de définir ses objectifs que de passer en revue ses moyens. L’intelligence du peuple est sortie du désir de l’action ». Ces moyens sont là pour les hommes de la liberté : La jointure des trois forces vives du pays.

 

Leurs actions étaient articulées de façon suivante : Faire passer les messages simples au pays par le biais d’un journal. C’est un travail de sensibilisation qui était considéré par eux comme une étape nécessaire pour constituer une force nationale :

 

-L’union fait la force nationale ;
-Le pays a besoin de se redresser, de se moderniser et de se transformer en

s’appuyant sur la force nationale ;

-L’avenir du pays est dans les mains des Khmers ;
-La tradition nationale vaut plus les modes étrangères ;
-Les Khmers d’aujourd’hui ne sont que l’ombre des Français de l’Indochine,

donc ils dépendent d’eux.

 

Ces termes ont été écrits par les hommes de talents, tels que : les vénérables Hem Chieu, Khieu Chum, Pâng Khath et les hommes de savoir, Sim Var, Tep Pânh, Chien Lien, Mich Nakry et les autres.

De 1936 à 1942, c’est la période de préparation d’esprit du peuple khmer à se faire confiance en sa propre force pour reprendre son destin en main. C’est aussi de le faire rêver de l’avenir meilleur dans un Cambodge indépendant.  

 

La colonisation française en Indochine et la seconde guerre mondiale

 

Après la signature du Pacte germano-soviétique, Hitler lança ses armées sur la Pologne, le 1er septembre 1939, sans déclaration de guerre. En application de leur alliance, la France et le Royaume-Uni déclarèrent la guerre à l’Allemagne.

En France, après quelques jours de combat acharnés, sa ligne de défense fut percée. Dès lors, plus rien ne pouvait enrayer l’avancée nazie. Le Président du Conseil Paul Reynaud démissionna et le nouveau gouvernement du maréchal Philippe Pétain choisissait de demander l’armistice le 17 juin 1940. Il fut signé le 22 juin. L’Allemagne occupait la partie nord et ouest de son territoire. Pétain instaurait en France un régime autoritaire et collaborateur, désigné sous le nom officiel d’État français, dit plus couramment « régime de Vichy ».

 

Désireux de venger l’affront fût par la France à son Royaume en 1893 et 1904, la Thaïlande profita de l’invasion de celle-ci par l’Allemagne et se lança en janvier 1941 contre le Cambodge et le Laos, déclenchant la Guerre franco-thaïlandaise. Aucun camp n’étant en mesure de remporter la victoire, le litige fut tranché par le Japon, présent au nord de l’Indochine depuis septembre 1940 et qui octroya à la Thaïlande une partie du Cambodge (Battambang, Siemreap et Sisophon) du Laos.

 

Le 9 mars 1941, la France de Vichy avait conclu avec le Japon sous la pression de ce dernier une convention, appelée convention de Tokyo, qui donnait droit à l’armée japonaise d’utiliser l’Indochine comme bases arrière de l’armée impériale. Ces bases servaient plus tard à envahir la Malaisie et la Birmanie. Au Cambodge, les mouvements khmers Issarak (Khmers Libres) firent son apparition avec l’arrivée des Japonais et la réoccupation des provinces Nord-Ouest par les Thaïlandais. L’objectif de ces mouvements était de combattre contre les Français pour l’indépendance du Cambodge. Le 23 avril 1941, le Prince Norodom Sihanouk est désigné par le Conseil de la Couronne pour succéder à son grand-père, le Roi Sisowath Monivong. Il avait 19 ans.    

 

Le 7 décembre 1941, l’Empire du Japon, allié de l'Allemagne depuis 1936 et en guerre depuis 1937 avec la République de Chine, attaqua les États-Unis, restés jusque-là en dehors de la guerre. Il détruira par surprise l'essentiel de la flotte américaine du Pacifique à Pearl Harbor. Au même moment a lieu l'invasion de la Malaisie britannique. L'Armée impériale japonaise envahit ensuite le Commonwealth, des Philippines et les Indes orientales néerlandaises.En 1942, Son Gnoc Thanh et Pach Chhoeun et les autres membres du journal croyaient le moment venu pour réclamer l’indépendance du Cambodge avec l’aide des Japonais. Ils s’activaient pour préparer un coup d’éclat dans la capitale de Phnom-Penh contre les Français. Le vénérable Hem Chieu était très actif, chaque nuit sous sa maison (Kot), il réunissait ses moines disciples pour discuter la politique de l’indépendance nationale.

 

Les anecdotes racontées par M. Bun Than

 

Ce qui est étonnant dans cette histoire, c’est que le berceau des idées révolutionnaires khmères était une petite boutique de café, appelé « le Café Khmer ». L’idée d’ouverture de ce café venait d’un joaillier, nommé Bun Than, né en 1904. Au départ, Bun Than voulait tout simplement aider un ami, sans emploi fixe et sans formation précise, nommé Bun Chan Mol. Pour Bun Than, Mol est un homme bien, actif. Il était un boxer amateur, il boxait souvent pendant la fête de nouvel an khmer à la place principale de la capitale (Viel Méng). Le boxeur était un fils d’un dignitaire (Okgna), nommé Bun Chan Mongkol qui était un gendre d’un grand dignitaire (Homa Montrey), nommé Pok Douch. Les parents de Bun Chan Mol avaient neuf enfants, six garçons et trois filles. Parmi les frères et sœurs de Bun Chan Mol, il n’y avait que M. Bun Chan Plan qui avait suivi une formation supérieure.

 

Bun Than avait proposé à Bun Chan Mol et à une autre personne, nommé Ponna, de s’associer à lui pour ouvrir un café. Deux cents Riels de chaque pour ses deux amis, quant à lui, il a mis 300 Riels dans le capital du journal. Le but de cette ouverture était au départ de créer un centre de recrutements des étudiants des beaux-arts pour l’entreprise de Bun Than et un lieu de rencontres des fonctionnaires de l’Ecole Supérieure Bouddhique. La boutique de café se trouvait à côté du marché Chiyèk, rue Pavi. M. Pach Choeun et Son Gnoc Than et les autres intellectuels fréquentaient tous les jours ce café ; le matin avant leur travail et après-midi après leur travail. À la longue, ce café se transformait en lieu de discussions politiques dont le sujet était l’indépendance nationale. La police française s’aperçoit vite de cette agitation. Elle envoyait de temps en temps ses agents au café pour observer discrètement les activités d’agitateurs. Les agents français étaient repérés vite aussi par le personnel du café. Pour prévenir ses clients politiques qu’il y ait un agent secret de police dans le café, il mettait une tête de chien en bois sur le comptoir. Quand on voit la tête de chien, on ne parle plus de la politique. Quelque temps plus tard, les hommes de liberté de première heure, avaient décidé de créer un journal, dont le nom était « Angkor Wat ». Le bureau du journal était composé des personnes suivantes : M. Pach Choeun, Directeur du journal ; M. Soc Gnoc Thanh, Ieu Koeus, Sim Var, Gnor Hong, Chum Moung, Noun Daung, Rédacteurs ; Vénérables Hem Chieu, Khieu Chum, Pâng Khath, M. Bun Chan Mol, Tep Pânh, Chien Lien, Mich Nakry, etc. ; Correcteurs et travaux d’édition, Commerciaux. Le but recherché par le journal était de réveiller la conscience nationale. Voici une anecdote : « Le Directeur de prison invitait un des vénérables cités ci-dessus, à venir dans la prison pour faire des sermons pour les détenus. Séduits par les paroles du moine, ils déclenchaient la mutinerie contre les geôliers. Au cours de cette révolte, il y avait beaucoup des détenus qui font la belle. À partir de ces jours-là, l’autorité pénitentiaire n’invitait plus les moines dans la prison ».

 

Au cours d’un entretien avec le frère du roi (Monivong), le prince Pinara, Bun Than avait parlé du journal au prince. Celui-ci avait fait un don de 1 000 Riels au journal, une somme très importante de l’époque. M. Pach Choeun était déplacé pour recevoir l’argent de la main du prince. Le journal était populaire. On commençait à imprimer d’un nombre de 500 journaux par semaine. Il était vite atteint à 7 000 en espace de deux mois de publication. Devant ce succès, l’autorité française commençait à avoir de soupçon sur le but recherché par le journal. Dans le premier temps, elle instaurait la censure. Le journal devait présenter à l’autorité coloniale tous les textes avant de mettre en presse. Elle cherchait tous les prétextes pour empêcher ou retarder la publication.

 

Un jour, il y avait un Français, nommé Pathé qui venait voir Samdech Sangkareach Choun Nat, Chef religieux, en lui demandant de se faire moine. On savait bien que M. Pathé ne fût pas venu pour apprendre les enseignements du Bouddha, mais pour surveiller les activités nocturnes des bonzes dans la pagode. Toutes les nuits de 21h à 23 h, il faisait la ronde dans la pagode pour faire son travail d’agent de renseignements. Hem Chieu en informa Samdech Choun Nat. Celui-ci ne croyait pas un mot d’Hem Chieu et dit à ce dernier qu’il connaît très bien M. Pathé. Hélas ! Hem Chieu avait répondu à son supérieur : « Je suis un ignorant, mais je me souviens bien de votre enseignement : il ne faut pas faire confiance aux Français, des gens qui travaillent pour le Résident Supérieur français et n’écouter point leurs discours ». Samdech Choun Nat l’avait répondu : « Ne vous faites des soucis pour ça ; je fais confiance à M. Pathé ».

 

Deux mois après, on signalait la disparition d’un disciple Achar Hem Chieu. Quelques jours après de cette disparition, les policiers étaient venus arrêter Hem Chieu et M. Chum Moung et Noun Doung à l’Ecole Supérieur bouddhique. Les trois ont été amenés à la poste de police française. Ensuite les policiers ont amené le vénérable Hem Chieu au Ministère de l’Intérieur pour exiger du Ministre Tea San de faire une requête auprès Samdech Choun Nat pour défroquer le Vénérable Hem Chieu. Le 20 juillet 1942, M. Pach Chheun et Son Gnoc Thanh, à la tête des milliers d’habitants de Phnom-Penh dont deux cents moines, se manifestaient pour demander l’autorité française de libérer Hem Chieu. Le cortège, une longueur environ d’un kilomètre, partait de la pagode Laing Ka, passait par le lycée Sisowath à destination poste de police et le siège du Résident Supérieur, situé à côté du Wat Daun Penh. Le Vénérable Pâng Khath et ses disciples étaient chargés de faire des banderoles. Ils travaillent toute la nuit. Mille tracts ont été rédigés à la main. Les tracts ont été distribués dans toutes les pagodes de la capitale pour inviter tous les moines à venir participer à cette manifestation. Vingt agents de propagandes parcouraient la capitale en vélo avec chacun cinquante tracts dans son sac pour faire ce travail délicat et dangereux pour leur propre sécurité.

 

Les manifestants ont été attendus par quelques Français et la force de Police devant le siège du résident Supérieur. M. Pach Choeun, le représentant des manifestants, a lu la requête dans laquelle il demandait à l’autorité française de libérer le Vénérable Hem Chieu. Le représentant de l’autorité française rejeta la demande, mais accepta de prendre la requête pour en examiner. Pach Chheun réitéra sa demande encore et encore. Le dialogue de sourde s’instaurait entre les deux parties et irritait l’impatience des Français. Ils étaient autour de Pach, un des leurs sortit son pistolet, pointa sur Pach en menaçant de tuer. Les moines se précipitèrent pour aider Pach, mais ils ont été repoussés par les Français : Les moines poussent, les Français reculent ; les Français repoussent, les moines résistent. Ces mouvements se répétaient interminablement. Du côté des manifestants, ils demandèrent les renforts. Les moines en première ligne servaient leur parasol comme bâton pour frapper les Français. Bun Chan Mol leva son vélo et le jeta sur les Français. Vu le danger, un Français tira quelques balles dans l’air pour faire disperser les manifestations. Entendus des coups de feu, les manifestants se dispensèrent en une vitesse d’éclair. En quelques minutes seulement, il n'y avait personne sur les lieux de contestation.

 

La nuit tombante, la Police française s’activait à chercher et arrêter les meneurs du mouvement. Le Vénérable Pâng Khath et Bun Chan Mol étaient les premières victimes de cette journée. Son Gnoc Thanh se réfugia à l’État-Major de l’armée japonaise. Achar Sok et Chien Lien partirent en Thaïlande. Bun Than quitta la capitale pour se cacher à Nsay Bol, province de Prey Veng. Le siège du journal « Angkor Wat » et son imprimerie furent saccagés en un tournemain par la police française. La totalité des suspects arrêtés à la veille furent immédiatement amenés en Cochinchine et jetés dans la prison de Saïgon. Le 19 décembre 1942, le vénérable Hem Chieu et Bun Chan Mol ont été sommairement jugés par la cour martiale et écroués dans la prison de l’île Trâlach. Six mois après, le Vénérable Hem Chieu mourut de gale et l’épuisement et sans soins dans sa cellule où les punaises font la loi. Le Vénérable Pâng Khath était emprisonné dans la prison de Saïgon. Son Gnoc Thanh partit à Tokyo avec l’aide des Japonais pour s’inscrire à l’université « Grande Asie ».

 

Nous sommes en 1945. Le 9 mars de cette année, l’Armée japonaise décida d’arrêter tous les Français en Indochine. Elle incitait les pays indochinois à se proclamer leur indépendance. Au Royaume du Cambodge, le Roi Norodom Sihanouk a proclamé l’indépendance du pays. Les Japonais firent venir Son Gnoc Thanh, leur protégé, au Cambodge pour former un gouvernement cambodgien. M. Chum Moung fut chargé de créer une armée khmère avec l’aide des Japonais. Ceux-ci firent libérer tous les prisonniers politiques dans les prisons françaises. Bun Chan Mol revenait à la capitale avec les restes du Vénérable Hem Chieu.

 

Quelques mois plus tard, l’Armée japonaise capitula sans conditions. Le Général Leclerc fut envoyé par les Alliés en Indochine pour désarmer l’armée japonaise. Au Cambodge il fit arrêter Son Gnoc Thanh pour crime de collaboration avec les Japonais. Son Gnoc Thanh fut amené en France et écroué. La police française au Cambodge procédait à arrêter tous les prisonniers, libérés par les Japonais. Cette fois-ci, Bun Chan Mol ne laissait pas faire, il s’enfuit à la province de Battambang. À l’époque cette province était annexée par la Thaïlande. L’adjoint de Son Gnoc Thanh, nommé Hout Sovann, fils du médecin Hout, fut arrêté quelque temps plus tard par la police française. Il a été torturé à mort au centre de la sûreté française. Pour dissimuler cet assassinat, la police française fit un rapport que le détenu Hout Sovann se suicide par pendaison. L’affaire a été classée.

 

Le retour de la France en Indochine n’était pas la bienvenue par la population. Au Cambodge, des nids des mouvements de libérations nationales ont été créés un peu partout dans le pays. À Kompong Speu, le Prince Chantaraingsey et le sous-lieutenant Thinh ont créé une armée. À battambang, Bun Chan Mol, Hol Vong, Achar Pon et ses amis ont créé une armée avec l’aide des Thaïlandais. Puth Chay, un malfrat et joueur des jeux hasard, a créé de son côté une armée avec l’aide des communistes vietnamiens. Un certain Vietnamien, nommé Nguyen Trinh Minh, était le conseiller politique de Puth Chay. Au district Arey kchach, Achar Yi était le chef d’une bande d’armée. Le sergent de l’armée française, nommé Dap Chhoun déserta pour rejoindre l’armée thaïlandaise en espérant d’obtenir un grade de sous-lieutenant. Ces mouvements ont été connus sous le nom « Mouvements Khmers Issarak ».

Dans le district de Lovir Em de la province de Kandal, M. Yi, un des chefs des Mouvements Khmers Libres, a eu une dispute avec des Vietminh. Au cours de laquelle, il a tué trente-quatre Vietminh, du côté khmer, il a eu sept morts. Ensuite Yi a ordonné à ses hommes de brûler les maisons des Vietminh dans les communes suivantes : Svay Chrum, Arey Kchach, Sarikakeo, Piem Okgna Ong, Koh Reas, Thâr Kor, Pleuv Trey ». Ces différends étaient une affaire d’escroquerie : « Yi a besoin des fusils, il a demandé au chef des Vietminh de l’aider à les procurer moyennant une somme d’argent de 20 000 Riels. Ce dernier a pris l’argent pour acheter au Vietnam des fusils, vendus sous manteau par les soldats français. Au lieu de livrer des fusils achetés à Yi, il a fourni à ce dernier des vieux fusils de son unité. Yi en était informé. Il venait immédiatement au camp des Vietminh avec ses hommes. La discussion a été mal tournée. Yi et ses hommes ont tiré sur les Vietminh présents à la réunion. La fusillade a été éclatée soudainement entre l’unité des Khmers et celle des Vietnamiens. Après quelques heures de combat, les Vietnamiens se battaient en retraite. Ils ont abandonné leurs camps à la merci des Khmers libres.

En 1947, des élections libres pour désigner une Assemblée constituante a été organisées au Cambodge. Il y avait quatre grands partis politiques en compétition :

 

-Parti démocrate (Prachear Thipadey), avec l’emblème d’une tête d’éléphant, dirigé par le Prince Sisowath Yuthivong et M. Eav Kheus ;

-Parti libéral (Séreyphéap), avec l’emblème du drapeau national, dirigé par le Prince Norindeth ;

-Parti Khmer (Khémarak Punakkar), avec l’emblème de la sirène, dirigé par Lon Lon et le Prince Sisowath Sirik Matak ;

-Parti Progressif avec l’emblème d’une flèche, dirigé par le Prince Norodom Montana.

 

La suite est connue de tout le monde : Sihanouk avait tout fait pour que la démocratie ne brille pas au Cambodge.

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